A-t-on le droit d'ignorer le passé ? (Pistes de réflexion)
Extrait du document
«
L'homme est par essence un être historique : ce qu'il est actuellement et le monde dans lequel il évolue résultent de
ce qui a été.
L'histoire est une conquête de l'humanité : le passage d'un temps cyclique, figé puisque éternel
recommencement du même, au temps linéaire, temps du devenir, du flux, est la quête du sens de ce qui est arrivé,
arrive ou arrivera à l'humanité.
L'histoire renseigne donc sur les actions humaines, sur les faits sociaux.
La tâche de
l'historien apparaît difficile : « réveiller le passé, le remettre au présent [...] et déterminer de plus si les
contemporains ont été mystifiés », dit Merleau-Ponty.
Ainsi, ignorer l'histoire, c'est refuser de comprendre ce qui a été et ce qui est.
C'est donc ignorer les raisons et le
sens de ma présence dans le monde, c'est vivre dans l'illusion que l'homme vit indépendamment de ce qui l'entoure.
Parler d'histoire n'aurait donc plus de signification puisque seul l'homme a une histoire, en ce sens qu'il a conscience
de son passé, de celui de l'univers.
Excepté l'homme, aucun vivant ne se souvient de ses ancêtres, aucun vivant ne
peut parler du possible, de l'avenir.
L'homme a donc une responsabilité morale à tenir compte de l'histoire, à
l'étudier, à la transmettre.
[Introduction]
Le temps est par essence insaisissable alors que nous y sommes plongés.
Si le passé est irréversible, définitivement
passé, nous avons pourtant sur lui un certain pouvoir, celui de la mémoire.
Elle garde le passé et le fait ressurgir
quand nous le voulons ou à l'improviste d'une association d'idées ou de sensations.
Ignorer le passé, faire comme s'il
n'existait pas, est-ce possible ?
Peut-on vouloir oublier ? A-t-on même le droit de ne pas vouloir connaître ce qui a été, de traiter l'histoire sans
considération ?
[I - L'homme est un être inscrit dans l'histoire]
Le temps, écrit Saint-Augustin, « est une distension de l'âme » que seul l'homme connaît : son flux équivaut au
passage d'un néant à un autre, d'un passé à un futur dans un présent insaisissable.
L'expérience quotidienne nous
enseigne que tous les phénomènes se déroulent dans le temps, dont la caractéristique essentielle est son
irréversibilité : on ne peut pas remonter le cours du temps, si ce n'est en imagination, on ne peut pas faire que ce
qui a été ne soit pas.
Le succès de la science-fiction repose sur des histoires et des machines « à remonter le
temps », à voyager dans le futur ou dans un autre temps, une autre dimension.
L'imagination humaine tente ainsi de
surmonter, de refuser, de supprimer cet obstacle majeur qu'est le temps : le temps est sans doute la plus
fondamentale aliénation de l'homme, puisqu'il mène à la mort.
L'individu découvre sa propre contingence et celle de l'humanité en prenant conscience du temps.
Il découvre aussi
qu'il est un être historique : il se saisit doté de mémoire et riche de possibilités pour le futur.
Peut-il vouloir ignorer le
passé, c'est-à-dire tout ce qui pèse sur lui, tout ce qui fait sa personnalité actuelle, que ce soit sur le plan
biologique, social, historique, psychologique ?
Par sa nature même, « la connaissance du passé humain », comme H.I.
Marrou appelle l'histoire, reste l'héritage de
chacun d'entre nous.
On peut choisir d'accepter ou de refuser un héritage.
Peut-on ignorer le passé ?
[II- L'oubli permet de vivre au présent]
Freud a démontré que « les hystériques souffrent de réminiscences », c'est-à-dire qu'ils souffrent de ne pas pouvoir
oublier certains souvenirs, certaines scènes pathogènes : le névrosé n'en a jamais fini de liquider son Passé.
Il le
ressasse.
L'oubli n'est donc pas une déficience de la mémoire, mais au contraire une force qui permet de vivre au
présent.
Il faut savoir digérer le passé.
Nietzsche soulignait déjà que l'incapacité à se défaire du passé est source
d'insatisfaction et de ressentiment.
L'oubli est le gardien de la tranquillité..
»
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