A quoi tient le côté dit sacré de l'art ?
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Le côté sacré de l'œuvre d'art tient plus de l'énigme, du surnaturel, de l'irrationnel que du raisonnable.
Il peut sembler difficile dès lors d'énumérer ce qui est
à l'origine du côté sacré.
Ce qui est sacré ramène inévitablement à la religion, au culte.
Il n'est donc moins difficile d'analyser l'art religieux en tant que tel
et ses textes fondateurs.
Il est plus ardu et intéressant de scruter l'art profane pour savoir ce qui en lui peut être du domaine du sacré.
Il peut être question
de la valeur de l'art pour l'histoire de l'art, de respect pour le travail de l'artiste, pour sa monumentalité.
Encore une fois l'art contemporain met à mal la
sacralité même de l'œuvre d'art.
1) Le sacré teint à la présence de l'intelligible dans l'œuvre d'art.
L'expression de l'intelligible dans le sensible ne peut suffire à faire de l'œuvre d'art quelque chose de sacré.
Heidegger pense que l'œuvre d'art est
dévoilement de la vérité de la chose.
Heidegger: Le rapport de l'art et de la vérité
Heidegger a posé la question de l'origine de l'oeuvre d'art : celle-ci est avant tout une chose.
Une peinture est avant
tout un tableau, présenté d'exposition en exposition, ou siégeant dans un musée.
Mais Heidegger distingue trois types
de choses : la chose naturelle, l'outil (défini par son utilité) et l'oeuvre.
Aristote a montré qu'une chose se compose
d'une matière (hylè) qui reçoit une forme (morphé, eidos).
Par sa
matière, l'oeuvre d'art est donc une chose comme toutes les autres.
Cependant, dans un objet utilitaire, la forme de la
chose détermine le choix de sa matière : ainsi, pour fabriquer une enclume, on choisira un acier dur, capable de
supporter les chocs et la chaleur.
Or on interprète en général les choses naturelles et les oeuvres d'art à partir de la
fabrication des outils, par anthropomorphisme.
L'homme se définissant comme fabricateur d'outils, il étend cette
pratique et son processus à l'ensemble de l'étant, soit à la totalité des choses, de la même manière que l'on conçoit
Dieu comme un créateur ex-nihilo, qui aurait tiré le monde du néant pour lui donner l'être par son travail.
Or, l'artiste ne
fabrique pas des oeuvres d'art comme l'artisan fabrique des outils.
L'oeuvre d'art révèle la vérité des choses qu'elle
représente.
Bien loin d'être une imitation, elle dévoile l'essence de l'être qu'elle produit au sens non technique du terme
: une production (poiesis) qui trouve sa propre finalité en elle-même, qui dévoile ou laisse apparaître ce qui était caché,
latent.
"C'est poétiquement que l'homme habite cette terre [...] et ce qui demeure est instauré par les poètes."
L'œuvre installe un monde, ce n'est pas elle qui est installée.
L'œuvre rayonne, elle a une aura.
C e qui enlève le sacré
de l'œuvre d'art, c'est « l'ici et le maintenant » de la véritable présence de l'œuvre d'art.
Il se fait souvent un silence
quasi religieux face à une œuvre d'art digne de ce nom.
A l'exemple du romantisme qui a voulu rénover le sentiment
religieux, la peinture de Caspar David Friedrich, Le retable de Tetschen, peinture de paysage représentant un Christ sur
une montagne éclairée par le soleil Une œuvre d'art ne mérite pas un discours mais une prière car la contemplation
d'une peinture élève notre âme vers Dieu.
La contemplation esthétique est une expérience intime d'union avec l'esprit du Créateur.
Cette pensée qu'on
pourrait appliquée au Retable exprime ce désir d'union de la nature, de l'art et de la religion en vue d'une certaine totalité Tout homme devant la nature
éprouve un certain sentiment du divin.
2) Le sacré tient à la présence du divin dans l'œuvre d'art.
La Grèce et l'Égypte antique donne figure à ses dieux, et de parallèlement, la philosophie s'interroge sur cette représentation, et mesure son accord avec
la notion civique du divin et les formes reçus de sa représentation.
Il s'ouvre avec la philosophie ce qu'on appellera l'iconoclasme.
La postérité de Platon
mettra à vif deux exigences contradictoires : le regard doit se tourner vers le divin et qui lui seul vaut la peine d'être contemplé et que le représenter est
vain et inconcevable.
Mais cette pensée n'aboutira pas à la destruction des images.
La philosophie fût sans prise sur la cité qui ne cessait de multiplier les
images.
La philosophie n'était pas unanime, Aristote pensait que le travail de l'artiste participait à la dignité divine.
Le stoïcisme ne s'opposait pas à une
manifestation plastique des images.
Le culte impérial romain de même vit des images de l'empereur.
L'ancien testament interdit de son côté l'image.
Pour le
judaïsme, c'est la distance infranchissable avec le divin qui est la raison de cette interdiction, pour l'islam c'est l'intimité familiale avec Dieu qui rend
impossible la confection d'une image digne de son objet.
La théologie balise les conditions de possibilité de l'image divine.
A vec la conversion de
Constantin, se développe l'image chrétienne en échange avec l'image impériale.
Les arguments iconoclastes s'appuient sur des interdits bibliques et sur la
critique de la philosophie grecque.
Paradoxalement, la meilleure théorie iconoclaste se trouve constitué à l'époque où l'art grec produisit ses plus belles
images divines.
Un autre cycle s'ouvre avec les temps modernes, où l'iconoclasme cohabita avec les plus belles réalisations de l'histoire de l'art.
C 'est
avec retard que les idées iconoclastes sont devenues actives.
Les images furent produites en toute insouciance au Moyen- age et au-delà où le concile de
Trente a été reçu.
L'image était conçue comme un support d'éducation pour le peuple.
Mais on voyait une dérive païenne dans cette utilisation de l'image.
Le second cycle iconoclaste commence avec Calvin.
Les images médiévales ont alors perçues comme le terreau de la superstition.
Hegel récapitulera avec
sagacité l'histoire de l'image divine qu'il place au centre de toute réflexion sur l'histoire de l'art.
Selon lui, la révolution française a figé l'esthétique française
dans le classicisme.
La religion de l'art et le symbolisme auront leur importance.
On recherche la sacré ailleurs jusqu'aux masques primitifs.
2) La valeur de remémoration.
En reprenant les catégories d'Aloïs Riegl dans Le culte moderne des monuments, il existe trois valeur que l'on peut accordé à l'œuvre d'art : la valeur de
remémoration qui est intentionnelle (c'est-à-dire, que c'est une œuvre qui commémore en particulier un événement historique) , la valeur historique qui
témoigne d'une époque passée (une œuvre qui symbolise particulièrement une époque qui a disparu).
Enfin la valeur d'ancienneté qui se traduit par une
certaine patine et usure qui parle à l'homme d'une manière universelle.
La valeur d'ancienneté a un rapport avec l'existence de chacun et offre la possibilité
de fonder un rapport affectif au monde.
Ce rapport existentiel se perd avec le cinéma et la photographie.
Les dimensions du souvenir et de la durée se
trouvent perdues par cette technique.
L'homme doit donc retrouver cette dimension du passé et sa valeur cultuelle.
Benjamin souhaite regagner ce rapport
poétique au passé et redonner à la matière son aspect magique.
Le passé ne peut se retrouver que dans l'objet vieilli, qui a subi les épreuves du temps.
Ce
passé à dimension existentielle doit se perpétuer d'une manière quasi-corporelle dans l'homme.
A ussi la sacralité de l'œuvre d'art tient à ces valeurs qui
ont un rapport avec le passé de l'homme.
On n'ose pas s'attaquer à ce qui a une signification pour un si grand nombre d'hommes et fonde le lien social d'un
peuple.
Conclusion.
Le côté sacré de l'œuvre d'art tient à ce qu'elle exprime l'intelligible, l'être et qu'elle ne s'attache pas seulement à contenter la sensibilité.
Pour l'art
religieux, il n'y a pas de problème, l'art représente et présente parfois directement la divinité dans l'œuvre.
Mais les choses sont plus problématiques dans
l'art profane.
Ici le côté sacré teint à la valeur qu'à pour la mémoire des individus et des peuples, les œuvre d'art.
C'est la signification, l'œuvre comme trace
d'un passé parfois à jamais disparu qui rend l'œuvre sacrée..
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