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A quoi tiennent les illusions de la conscience ?

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« Introduction La conscience désigne la connaissance immédiate que chacun possède de son existence, de ses états affectifs et représentatifs, de ses actions, ou encore du monde extérieur.

Mais, si elle se caractérise par une certaine connaissance de soi ou du monde, elle est aussi le lieu propre d'une égale méconnaissance.

En effet, le sujet conscient peut être trompé ou leurré, alors même qu'il pense avoir une connaissance vraie de son objet.

Nous dénonçons communément cet état comme une illusion de la conscience.

Il s'agit d'une méprise des sens ou de l'esprit qui se laissent abuser par l'apparence, bien que le sujet soit par ailleurs pleinement conscient de l'objet qu'il vise.

Dès lors, déterminer à quoi tiennent les illusions de la conscience nous confronte à une difficulté fondamentale. En effet, les illusions ne semblent pas toutes relever du même ordre.

Par exemple, une illusion d'optique telle qu'une rame plongée dans l'eau, apparaissant brisée alors qu'elle est droite, est-elle comparable à l'illusion de Swann, dans le roman de Proust A la recherche du temps perdu, qui croit aimer une femme alors qu'il découvrira par la suite qu'il n'en est rien ? Ainsi, toutes les illusions de la conscience ont-elles la même origine ? I.

Les illusions de la conscience tiennent à un défaut de savoir a.

La conscience est le lieu d'une multiplicité d'illusions, dont la nature particulière paraît différente, de même que la cause.

Si nous regardons, par exemple, une rame plongée dans l'eau, elle nous apparaît brisée, alors qu'elle est en réalité droite.

Cet effet concerne le sens de la vue, et rentre dans la catégorie des illusions d'optique (mirages, tour de prestidigitation).

En outre, nous pouvons lui assigner une cause déterminée : la réfraction des rayons lumineux dans l'eau.

L'illusion de Swann, dans le roman de Proust, semble bien différente : un homme pense aimer éperdument une femme, mais finit par conclure laconiquement : « j'ai failli gâcher ma vie pour une femme qui n'était pas mon genre ».

De cet effet illusoire de l'amour, la cause est difficilement assignable, puisqu'elle implique la personnalité entière du protagoniste et la multiplicité de son vécu.

Les illusions de la conscience ne semblent donc pas recouvrir un champ unitaire, de sorte qu'une multiplicité de causes peut les expliquer : causes physiques, psychologiques… Mais, par-delà cette multiplicité, ne peut-on pas leur trouver un dénominateur commun? b.

En effet, l'illusion recouvre d'une part une certaine identité, reposant sur son mécanisme propre.

Le mot « illusion » vient du latin illudere, qui signifie « se jouer de ».

L'objet illusoire se joue en quelque sorte du sujet conscient : la rame n'est pas brisée, alors qu'on la perçoit telle, de même la femme n'est pas aimée alors que Swann en est convaincu.

De plus, l'illusion d'optique comme l'illusion amoureuse sont toutes deux immédiates et antédiscursives (c'est-à-dire qu'elles sont antérieures à tout discours rationnel).

Dans les deux cas, nous pouvons dire qu'elle consiste dans du faux pris comme objet de connaissance : la rame brisée par le sujet percevant, la femme aimée par le sujet amoureux.

Déterminer à quoi tiennent les illusions de la conscience, c'est montrer dès lors comment le faux peut être pris comme objet de savoir. c.

Dans la Lettre à Hérodote, Epicure montre ainsi que le faux est l'objet d'un savoir qui n'est qu'apparent.

Par exemple, l'illusion d'optique consistant à voir une tour ronde, alors qu'elle est en réalité carrée, repose une erreur de jugement de la part du sujet, qui ne tient pas compte de la distance éloignée de l'objet.

L'illusion résulte donc d'un assentiment précipité du sujet à l'image qu'il perçoit de la tour.

Mais le sujet peut toujours prendre conscience de cette illusion, et s'en libérer en formant la prénotion de l'objet (l'image réelle de la tour carrée).

Dans la Lettre à Ménécée, Epicure étend cette analyse à la superstition.

Rien n'est plus différent, à première vue, que l'illusion d'optique d'une tour, et la superstition des hommes envers les dieux et la mort.

En vérité, elles ont une origine commune, qui consiste en un défaut de savoir.

Ainsi, la superstition envers les dieux est motivée par une fausse crainte, qui disparaît dès lors que l'on forme la prénotion de la divinité : les dieux sont immortels et ne s'occupent pas des mortels.

De même la superstition de la mort, la plus grande illusion de la conscience, est un faux objet de savoir, car « quand nous sommes, elle n'est pas là, et quand elle est là, nous ne sommes plus ». d.

Les illusions de la conscience tiennent donc à un défaut de savoir, c'est-à-dire au faux érigé en objet de savoir par la conscience.

Déterminer l'origine des illusions, c'est dès lors les faire disparaître, car, comme l'affirme Epicure : « quand le faux est là, le savoir n'est pas là, quand le savoir est là, le faux n'est plus ». II.

Les illusions de la conscience sont irréductibles à un défaut de savoir, et reposent sur les passions a.

L'origine des illusions, telle que nous l'avons déterminée, est strictement négative, puisqu'elle repose sur un défaut ou un manque de savoir.

Cependant, on peut s'interroger sur les limites de cette définition.

En effet, la logique de l'illusion, comprise comme effet consécutif au manque, ne met pas en question ce manque lui-même. Quelle est son origine ? Pourquoi le faux est-il érigé en objet de savoir ? Autrement dit, n'y a-t-il pas une positivité de l'illusion, irréductible au simple défaut de savoir ?. »

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