À quoi sert la technique ?
Extrait du document
«
Vocabulaire:
TECHNIQUE
Tout ensemble de procédés pour produire un résultat utile.
La technique moderne s'appuie sur la science; mais elle
s'en distingue puisque la science est un effort pour expliquer ce qui existe tandis que la technique cherche à
produire ce qu'on souhaite qui soit — qui n'est pas.
La technique peut se définir comme un vouloir, incarné en un
pouvoir par l'intermédiaire d'un savoir.
Comme adjectif: par opposition à esthétique, qui concerne des procédés susceptibles d'être développés et transmis,
et non des dons ou capacités innées.
[Introduction]
Que faut-il attendre de la technique ? Transmise, mise en oeuvre en commun par le groupe social, c'est un fait
culturel.
L'opinion commune porte d' ailleurs des jugements contradictoires sur le développement technique : de
l'émerveillement à la crainte, au rejet parfois.
«Le monde est plein de dangers, mais aucun n'est plus formidable que
l'homme », nous avertissait le poète tragique grec Sophocle, il y a 2 500 ans ! Pourquoi ? Parce que seul l'homme
agit sur la nature, seul il la transforme et fabrique ce que la nature ne lui procure pas.
Quelle est l'utilité de la
technique et que vaut-elle ?
[1.
La technique est libératrice]
La définition bergsonienne de l'homme comme homo faber — être qui fabrique des outils — rappelle que la technique
n'est pas un phénomène récent.
Elle date de temps immémoriaux : elle est apparue avec l'humanité qui, pour
survivre, a dû inventer des outils.
Épiméthée, dieu imprévoyant, étourdi, n'a rien distribué à l'homme — nu, fragile —
pour survivre, alors qu'il donnait griffe, serre, corne, fourrure aux différents animaux.
Prométhée, son frère, sauva
l'humanité d'une mort certaine en lui donnant le feu, c'est-à-dire les techniques.
Seul l'homme est capable d'inventer
des techniques pour améliorer ses conditions de vie.
Ce mythe platonicien (Protagoras) montre l'intelligence de
l'homme et la nécessité d'accomplir un travail sur la nature pour s'en libérer.
Les moments de l'histoire de l'humanité correspondent aux moments successifs du progrès technique : âge de la
pierre taillée, âge des métaux, puis naissance de l'agriculture, de l'élevage, de la poterie, du tissage (néolithique).
Au fur et à mesure, l'homme s'extrait de la nature en perfectionnant et en créant de nouveaux outils : la machine
remplacera l'outil, et de la machine résulteront d'autres machines, etc.
Le développement du machinisme est plus important pour la libération du prolétariat que les rêveries du socialisme
utopique.
Et l'invention du collier de poitrail pour les animaux a plus fait pour la libération de l'esclave que
l'évangélisation, affirme Marx.
La technique est ainsi indissociable de l'histoire de la maîtrise croissante de l'homme
sur son environnement.
Dans le Discours de la méthode (6' partie), Descartes annonce la possibilité d'une technique libératrice.
Celle-ci doit
libérer :
— de la souffrance du travail, grâce aux inventions ;
— de la maladie, grâce aux techniques qui vont permettre de rester en bonne santé (développement de la
médecine) ;
— de la nature en général, dont l'homme va devenir le « maître et possesseur ».
Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637), Descartes met
au jour un projet dont nous sommes les héritiers.
Il s'agit de promouvoir une
nouvelle conception de la science, de la technique et de leurs rapports, apte
à nous rendre « comme maître et possesseurs de la nature ».
Descartes
n'inaugure pas seulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du machinisme,
de la domination technicienne du monde.
Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de la philosophie,
c'est qu'il rompt de façon radicale et essentielle avec sa compréhension
antérieure.
Dans le « Discours de la méthode », Descartes polémique avec la
philosophie de son temps et des siècles passés : la scolastique, que l'on peut
définir comme une réappropriation chrétienne de la doctrine d'Aristote.
Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à la philosophie
spéculative qu'on enseigne dans les écoles » une « philosophie pratique ».
La
philosophie spéculative désigne la scolastique, qui fait prédominer la
contemplation sur l'action, le voir sur l'agir.
Aristote et la tradition grecque
faisaient de la science une activité libre et désintéressée, n'ayant d'autre but
que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté.
La vie active est
conçue comme coupée de la vie spéculative, seule digne non seulement des
hommes, mais des dieux.
Descartes subvertit la tradition.
D'une part, il cherche des « connaissances
qui soient fort utiles à la vie », d'autre part la science cartésienne ne
contemple plus les choses de la nature, mais construit des objets de
connaissance.
Avec le cartésianisme, un idéal d'action, de maîtrise s'introduit au coeur même de l'activité de
connaître..
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