À QUOI RECONNAÎT-ON QU'UNE THÉORIE EST SCIENTIFIQUE ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
THÉORIE (n.
f., étym.
: grec theoria : vue d'un spectacle, contemplation, spéculation) 1.
— (Lato)
Connaissance spéculative, abstraite, désintéressée, enchaînant des principes à des conséquences ; opposée à
pratique.
2.
— Ensemble d'hypothèses gén.
visant à expliquer soit la totalité, soit une classe déterminée de
phénomènes.
3.
— Ensemble d'hypothèses, d'opinions gén.
propres à un auteur.
4.
— Construction achevée d'une
doctrine scientifique : « La théorie est l'hypothèse vérifiée après qu'elle a été soumise au contrôle du raisonnement
et de la critique expérimentale » (Claude BERNARD).
Problématique:
Une théorie est scientifique si elle respecte un certain nombre d'exigences méthodologiques.
Or, c'est précisément la
science qui fixe elle-même ces critères, qui constituent eux-mêmes une théorie.
L'essentiel, c'est qu'une théorie soit
vraie, c'est-à-dire adaptée à son objet, ce que ne peut pas toujours la science pure.
Formalisation mathématique et capacité de prédiction.
Dans les sciences physiques, les théories cherchent à expliquer l'univers, de la manière la plus unifiée et dans le
langage précis des mathématiques.
C'est ainsi que la théorie de Newton réalise l'unification des lois planétaires de
Kepler et de la loi de la chute des corps de Galilée, expliquant le trajet elliptique des planètes autour du Soleil
comme une chute indéfiniment retardée.
Cette théorie rend compte de phénomènes divers comme la variation de la
pesanteur selon la latitude ou encore le mouvement des marées.
Toute théorie dans les sciences physiques permet
la découverte de phénomènes nouveaux.
Par exemple, c'est à partir de calculs résultant des lois planétaires de
Kepler que Le Verrier a découvert l'existence de la planète Neptune.
Constatant que l'orbite réelle d'Uranus différait
de son orbite théorique, il a été amené à supposer l'existence d'une planète inconnue exerçant une attraction sur
Uranus.
Cette hypothèse a pu ensuite être vérifiée expérimentalement.
Au pouvoir explicatif et à la formalisation
mathématique de ces théories s'ajoute en principe leur capacité de prédiction.
Ainsi, connaissant la position et la
vitesse d'un mobile à un instant donné, il est possible dans la mécanique newtonienne de calculer sa vitesse et sa
position à un autre instant.
La nature est écrite en langage mathématique (Galilée).
Galilée est un savant du XVI ième siècle, connu comme le véritable fondateur de la physique moderne, et l'homme auquel l'Inquisition intenta un
procès pour avoir soutenu que la Terre tournait sur elle-même et autour du soleil.
Dans un ouvrage polémique, « L'essayeur », écrit en 1623, on lit cette phrase :
« La philosophie [ici synonyme de science] est écrite dans ce très vaste livre qui constamment se tient ouvert
devant nos yeux –je veux dire l'univers- mais on ne peut le comprendre si d'abord on n'apprend pas à comprendre la
langue et à connaître les caractères dans lesquels il est écrit.
Or il est écrit en langage mathématique et ses
caractères sont les triangles, les cercles, et autres figures géométriques, sans lesquels il est absolument impossible
d'en comprendre un mot, sans lesquels on erre vraiment dans un labyrinthe obscur .
»
Dans notre citation, la nature est comparée à un livre, que la science a pour but de déchiffrer.
Mais l'alphabet qui
permettrait de lire cet ouvrage, d'arracher à l'univers ses secrets, ce sont les mathématiques.
Faire de la physique,
saisir les lois de la nature, c'est d'abord calculer, faire des mathématiques.
Galilée est le premier à pratiquer la
physique telle que nous la connaissons: celle où les lois de la nature sont écrites sous forme d'équations
mathématiques, et où les paramètres se mesurent.
Pour un homme du vingtième siècle cette imbrication de la physique et des mathématiques va de soi, comme il
semble évident que nous devons mesurer et calculer les phénomènes observés.
Pourtant, c'est une véritable
révolution qui se manifeste dans ces lignes : elles signent la fin d'une tradition d'au moins vingt et un siècle.
La
tradition inaugurée par Aristote, et que Saint Thomas a christianisé au treizième siècle.
Pour comprendre la
portée de cette révolution qui manifeste et renforce une véritable crise de civilisation, il faut d'abord exposer la
vision du monde et des sciences qui prédominait jusqu'à Galilée.
Koyré a magnifiquement résumé le changement du monde qui s'opère entre le XVI
infini ».
ième et
le XVII ième : on passe du « monde clos à l'univers
Pour les anciens, le monde était fini, comparable à une sphère, dont le centre était la Terre, immobile au centre du
monde, et la circonférence les étoiles fixes.
L'espace est non seulement fini, clos, achevé, mais parfaitement
ordonné.
De plus, les anciens séparaient ce monde en deux zones : le supralunaire (au-dessus de la Lune), et le sublunaire
(au-dessous de la Lune).
Ils croyaient que le monde supralunaire était parfait, immuable, car on observe à l'oeil nu
que le cours des astres est régulier, et toujours identique, et l'un ne peut voir aucun accident, aucun changement à
la surface des étoiles.
Par contre, sur Terre, tout change, tout se modifie constamment : les choses apparaissent,
se transforment et meurent.
Tout est dans un perpétuel changement.
Notre monde était considéré comme celui de
la génération et de la corruption, par opposition à celui des astres..
»
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