À quoi reconnaît-on qu'une science est une science ?
Extrait du document
«
Il s'agit de définir les principales caractéristiques de la démarche scientifique, le type d'objectivité qu'elle détermine,
par où elle se distingue des fausses sciences ou d'autres types de savoirs.
On recherchera donc comment se
forment les concepts et les théories scientifiques, et comment celles-ci se vérifient dans une confrontation avec
des faits d'un type particulier.
Introduction
Un constat : Une science se définit ordinairement comme un « ensemble de connaissances, d'études d'une valeur
universelle, caractérisées par un objet et une méthode déterminées, et fondées sur des relations objectives et
vérifiables ».
Certaines discipline sont considérées d'un commun accord comme étant des sciences : par exemple la
physique, la chimie, la biologie ; pour d'autres, on discute de savoir si elle sont véritablement des sciences, par
exemple pour l'histoire, la psychanalyse, les sciences humaines en général (cf.
sujet n° 30) ; à d'autres fins, on
dénie le statut de science, par exemple à l'astrologie.
Le problème se pose ainsi de savoir à quoi l'on reconnaît qu'une science est une science.
La réponse à cette
question implique donc que l'on examine les caractères des deux « éléments » constitutifs de la méthode
scientifique, d'une part la théorie scientifique, d'autre part le fait scientifique et les rapports qu'ils entretiennent.
1.
Approche générale
La théorie
Le mot théorie, en sciences, n'a pas le sens péjoratif que l'opinion lui prête souvent.
Qu'elle soit scientifique ou
non, toute théorie est d'abord un point de vue intellectuel (théoricien en grec signifie contempler).
Elle est, d'autre
part, un ensemble d'idées coordonnées logiquement (cf.
la théorie freudienne de l'inconscient, la théorie
évolutionniste de Darwin), ou même systématisées mathématiquement (cf.
la théorie de la gravitation universelle de
Newton : la loi de la pesanteur, les lois de Kepler sur les mouvements des planètes, etc., y sont déductibles
mathématiquement).
La théorie scientifique
Pour être scientifique, il ne suffit cependant pas qu'une théorie soit constituée de propositions, hypothèses ou lois
articulées de façon rigoureusement
logique.
Elle doit l'être en effet, mais si elle n'était que cohérente la théorie scientifique se confondrait avec les
mathématiques.
Celles-ci procèdent par « construction de concepts » (Kant), elles se donnent leurs objets, elles ne
posent donc pas nécessairement la question de leur rapport au réel.
Au contraire, une théorie n'est considérée
comme scientifique que si elle est confrontée au domaine de la réalité dont elle prétend apporter une certaine
connaissance (la lumière, le vivant, tel comportement, etc.).
Elle a nécessairement rapport à des faits.
Une théorie scientifique vise donc une certaine vérité, non une simple validité formelle.
On dit qu'elle est plus ou
moins vérifiée.
Mais il ne faudrait pas s'imaginer qu'il y a d'un côté une théorie, puis de l'autre des faits qui, ensuite,
viendraient éventuellement « dire » si la théorie est, ou non, vraie.
La démarche est plus complexe.
2.
Les faits scientifiques
« C'est un fait ! »
L'opinion commune a souvent recours à un « fait » pour clore une discussion.
« C'est un fait 1 », dit-on ; nous
comprenons ; inclinez-vous.
Mais le fait qui « saute aux yeux » n'a de sens que si je regarde dans sa direction et
parce que je l'introduis dans une pensée où il signifie quelque chose.
Il n'est jamais pure donnée dont le constat
instruirait miraculeusement la pensée.
Dans la mesure où il a un sens, il appartient à une théorie interprétative
implicite.
Même un exemple très simple le montre.
C'est un fait que « la terre est ronde » ; mais c'est un fait aussi qu'elle «
est » plate, comme on le crut.
On ne le crut que parce que ce « fait » s'imposait, non en soi, mais dans un monde
où les significations sont portées par les perspectives que suggère, à une certaine époque, l'existence quotidienne.
Et, en ce sens, la terre m'apparaît toujours plate, bien que je la sache ronde, mais d'une « rotondité » qui permet
justement de comprendre le « fait » qu'elle est plate d'un certain point de vue.
Une certaine forme de théorie est
déjà présente, qu'il est possible d'expliciter.
Le fait scientifique est inséparable d'une théorie
Sans énumérer tous les caractères du fait scientifique, il est nécessaire de mettre l'accent sur l'un d'entre eux, qui
éclaire la réflexion.
Le fait scientifique est toujours explicitement et consciemment (à la différence du fait préscientifique) élaboré,
construit et pas seulement constaté ; il est saisi à l'aide d'instruments et mesuré.
Le réel scientifique est réalisé, at-on dit, ou encore : les faits scientifiques sont faits.
Ces procédures ne sont pas accessoires, mais bien
constitutives de la démarche scientifique.
« Bien loin qu'un fait perçu ou observé soit, du seul fait qu'il est perçu et observé, un argument pour ou contre une
hypothèse, il doit d'abord être critiqué et reconstruit de façon que sa traduction conceptuelle le rende logiquement
comparable à l'hypothèse en question [...].
Seuls les faits réformés apportent des informations (G.
Canguilhem, «
Leçons sur la méthode », publié in Bourdieu et al., Le Métier de Sociologue, Mouton, 1973, p.
269).
Seuls de tels
faits peuvent éventuellement confirmer ou infirmer une théorie.
C'est ce qu'il faut préciser.
3.
Vérification de la théorie ?
Un exemple classique.
»
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