A quelles conditions une connaissance est-elle scientifique ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet : Une première remarque s'impose, c'est le singulier du terme « condition ».
On nous demande la
condition suffisante et nécessaire pour qu'une connaissance revête le caractère de scientifique et non un étalage
de propriétés qui feraient qu'une connaissance soit scientifique.
On peut s'étonner d'une telle question en ce sens qu'une connaissance semble toujours être du côté de la science.
Comment, en effet, une connaissance, puisqu'elle est finalement savoir, pourrait ne pas être scientifique ? Il faut
alors se rappeler Platon qui fait la distinction dans le Ménon entre une opinion et une opinion droite.
C'est-à-dire
que l'on peut avoir une connaissance exacte d'une chose, on peut dire la réalité ou dire vrai sans pour autant que
cela soit une connaissance relevant d'un esprit scientifique.
Le sujet nous invite donc à découvrir le trait essentiel
d'une telle connaissance qui la distinguerait d'une opinion ou d'un savoir du commun, d'un savoir ordinaire.
Qu'elle
est alors la particularité d'une connaissance scientifique ? Quelle sorte de connaissance attend-t-on de la science ?
Proposition de plan :
1) Là où le « don » surnaturel s'arrête, le savoir scientifique va plus loin : on peut répéter à volonté l'opération qui
va prouver ou non sa validité.
La connaissance est scientifique si on peut la prouver par une expérimentation
(expérience construite dans des conditions idéales) qui peut être répétée à volonté.
La magie (on ne répète pas
deux fois de suite le même numéro, tous les magiciens le disent), le surnaturel ne se soumettent pas à
l'expérimentation.
Ainsi, bien plus que la volonté à l'universalité (à laquelle les scientifiques contemporains semblent tourner le dos) et
à l'objectivité, qui pose de nombreux problèmes épistémologiques, la connaissance est scientifique dès lors qu'elle
peut se soumettre à l'expérimentation ou même au verdict de l'expérience.
Dans Logique de la découverte
scientifique, Popper nous montre qu'une théorie, qu'une explication est scientifique quand on peut à partir de celleci construire une expérience ; il faut qu'elle soit, le cas échéant, réfutable par des évènements.
Une connaissance
scientifique peut être testée : c'est ce que Popper appelle le concept de falsification.
Pour la connaissance
scientifique, l'irréfutable est un défaut et relève de la croyance ou de la superstition.
Transition : la connaissance scientifique propose donc une explication convaincante des phénomènes de la
nature, proposition non pas universelle mais temporaire qui implique une relation entre théorie et
expérience.
2) Nous devons alors, pour éclairer ce caractère essentiel de la connaissance scientifique, montrer le cheminement,
le fonctionnement de l'esprit scientifique.
La lumière de Claude Bernard est ici profitable ; en effet, dans
Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, il est écrit cette citation : « Le savant complet est celui qui
embrasse à la fois la théorie et la pratique expérimentale: premièrement, il constate un fait; deuxièmement, à propos
de ce fait, une idée naît dans son esprit; troisièmement, en vue de cette idée, il raisonne, institue une expérience,
en imagine et en réalise les conditions matérielles; quatrièmement, de cette expérience résultent de nouveaux
phénomènes qu'il faut observer et ainsi de suite.
L'esprit du savant se trouve en quelque sorte toujours placé entre
deux observations: l'une qui sert de point de départ au raisonnement, et l'autre qui lui sert de conclusion ».
La
démarche menant à une connaissance scientifique est claire.
Elle part d'une construction théorique née de
l'observation d'un phénomène (car ce phénomène pose problème), une expérience est menée à partir de cette
théorie et de nouveaux phénomènes observables en découlent, conduisant ainsi à de nouvelles théorisations, c'està-dire à de futures nouvelles connaissances scientifiques.
Ces dernières nécessitent donc un va-et-vient continuel
entre une théorisation et une pratique qui permet, par tâtonnement, de progresser vers une explication de la nature
observable.
Au contraire du savoir scientifique, l'opinion droite ne peut théoriser et donc ne peut expérimenter.
Ce qui suppose qu'une connaissance scientifique reste cantonnée au domaine sensible ; Kant, et c'est une des
leçons de la Critique de la raison pure, avait montré que l'esprit humain ne peut aller au-delà de l'expérience
sensible.
Toute science véritable avait besoin des deux formes a priori de la sensibilité que sont le temps et
l'espace.
Et ce fut la mort de la métaphysique en tant que science.
Transition : Dire que la connaissance scientifique passe de la théorie à l'expérimentation et ainsi de suite,
confinant la science au monde physique et matériel, implique non seulement ce cheminement particulier de
l'esprit mais un esprit particulier.
3) En effet, pour acquérir une connaissance scientifique, il faut comme condition primordiale un esprit scientifique, à
savoir un esprit qui pose des questions.
Aristote disait que le début de la philosophie était l'étonnement, nous
pourrions le rejoindre à propos du savoir scientifique.
Celui qui ne voit pas des problèmes ne peut pas théoriser et
donc échafauder des expériences qui confirmeront ou infirmeront l'hypothèse théorique de départ.
L'homme du
commun, qui ne connaît que par opinion, ne se pose pas de question et ne voit que des banalités.
Or, l'esprit
scientifique nous interdit d'avoir une opinion.
C'est ainsi que Bachelard s'exprime en comparant dans La formation
de l'esprit scientifique la science à l'opinion : « L'esprit scientifique nous interdit d'avoir une opinion sur des
questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement.
Avant tout,
il faut savoir poser des problèmes.
Et quoi qu'on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d'euxmêmes.
C'est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique.
Pour un esprit
scientifique, toute connaissance est une réponse à une question.
S'il n'y a pas eu de question, il ne peut y avoir
connaissance scientifique.
Rien ne va de soi.
Rien n'est donné.
Tout est construit.
»
La condition essentielle et suffisante pour qu'une connaissance soit scientifique est donc un certain esprit ; un
esprit rigoureux, curieux qui construit des réponses hypothétiques pour les tester par des expériences qui les
valideront ou non..
»
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