A quelles conditions un jugement peut il a la fois répondre a une exigence universelle et exprimer une personnalité ?
Extrait du document
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L'illusion la plus commune, en matière d'affirmation personnelle, est celle du spontanéisme.
S'exprimer sans normes ni
contraintes, opiner sans exigence de vérité ou d'universalité, semblent fournir la formule du libre épanouissement de
soi.
Faux-semblant cependant.
De fait, la spontanéité recouvre bien souvent l'expression directe, et aveugle à ce
qui la détermine, d'influences ou de déterminismes divers.
Le préjugé, par exemple, n'acquiert-il pas dans bien des
cas l'apparence d'un jugement spontané ? D'où la question d'un dépassement des limites en jeu.
A quelles conditions
un jugement peut-il à la fois répondre à une exigence universelle et exprimer une personnalité ?
Les faux semblants du vécu, la particularité d'une éducation et d'une situation, la ténacité d'une illusion subjective
(par exemple croire que ce que l'on désire est vrai) : autant de facteurs non négligeables.
D'où l'exigence d'un
jugement affranchi de ce qui tend à le conditionner de l'intérieur.
Exigence universelle dans la mesure où il s'agit de
se délivrer des conditions particulières et d'accéder, autant que possible, à ce qui vaut pour tout homme.
Un tel
projet conduit à un travail de distanciation critique : il met en jeu le pouvoir de la raison.
Kant rappelait, en
énonçant les trois maximes du sens commun, dans quel sens la raison naturelle de chaque homme doit être travaillée
pour donner naissance à une véritable instance de jugement autonome (cf.
Critique de la faculté de juger,
paragraphe 40).
Penser pour soi-même ; penser en se mettant à la place de tout autre ; toujours penser en accord
avec soi-même : de telles maximes détournent du préjugé (celui qui veut être réellement l'auteur et le sujet de ses
pensées ne peut ni ne doit se soumettre à son insu à des pensées toutes faites) ; elles conduisent à dépasser
l'étroitesse d'esprit (cf.
l'expression « esprit borné »), et à cultiver la cohérence propre à une pensée conséquente.
Du même coup, la superstition, qui atteste l'hétéronomie ( = soumission à un autre) se trouve éradiquée.
Ainsi, la
personnalité tend à s'affirmer non plus comme l'expression non critique des impressions et impulsions immédiates,
mais comme la capacité proprement personnelle de produire un jugement original au plein sens du terme.
L'exigence
de cohérence et l'exigence d'universalité se conjuguent pour mettre à distance toute assujettissement à une
appréciation particulière, génératrice de contradictions dès lors qu'elle s'absolutise et tend à se heurter à des
appréciations particulières opposées.
L'accord fondé sur la raison n'est pas négation de soi, mais dépassement de ce
qui tend à mettre les hommes en conflit.
C'est pourquoi le « consensus » qui se construit sur la base d'une idéologie
dominante elle-même liée à des intérêts particuliers n'a rien à voir avec un tel accord.
Ce qui exprime authentiquement une personnalité, c'est un jugement singulier, et non un jugement soumis à des
données particulières.
La distinction est d'importance, puisqu'elle invite chaque individu à conquérir son originalité en
se délivrant des limites diverses dont souffre, plus ou moins, toute situation existentielle.
Chose difficile souvent,
notamment lorsque sont enjeu des intérêts particuliers, qui tendent à fausser le libre exercice du jugement.
Prenons
l'exemple du colon qui, pour des raisons éthiques, s'insurge contre l'exploitation coloniale, dont il est pourtant
bénéficiaire.
Il fait preuve d'une singulière liberté d'esprit en s'élevant au-dessus des préférences que tend à
déterminer sa position.
Quant à la personnalité affective ou esthétique, elle se déploie et s'exprime d'autant mieux qu'elle ne se confond pas
avec la soumission à des préjugés.
Que chacun cultive, en les distinguant, ses capacités esthétiques, affectives, et
rationnelles, est donc en fin de compte le meilleur chemin pour son affirmation propre, sans contradiction de principe
avec autrui - dès lors que la même exigence est reconnue par tous.
Idéal difficile, certes, mais dont la valeur
régulatrice permet de sortir de l'opposition crispée entre affirmation originale de soi et entente sociale.
Introduction
• Une condition désigne ce sans quoi un phénomène ne se produirait pas.
La question porte ici sur les données dont
l'existence est indispensable pour qu'un jugement - c'est-à-dire un acte de la pensée établissant un rapport entre
des idées - puisse à la fois se soumettre à des normes universelles, valables en tout temps et tout lieu et refléter la
fonction par laquelle un individu prend conscience de soi comme d'un moi un et identique (la «personnalité»),
• Le problème soulevé par la question est de savoir si une synthèse est possible, au niveau du jugement, entre,
d'une part des éléments distinguant un individu particulier et, d'autre part, une forme universelle.
Comment réaliser
la synthèse du particulier et de l'universel ? Tel est le problème soulevé par la question.
Si cette synthèse n'est pas
possible, on ne voit pas comment une communication réelle pourrait s'établir dans la communauté humaine.
A) L'éducation et l'instruction, à travers le langage et le discours, sont les conditions de la synthèse
requise.
Juger, c'est affirmer ou nier la réalité d'un rapport entre deux objets de pensée.
Juger, c'est donc dire ce qui est,
et, sans cesse, référer des éléments particuliers et contingents à des normes ou valeurs absolues et universelles.
Donnons un exemple : si je dis : «la peine de mort est un mal réel dans une société», je relie des éléments.
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