A quelles conditions les choses attirent-elles notre attention ?
Extrait du document
«
Introduction.
— Parents et professeurs déplorent de plus en plus l'inattention des jeunes dont ils sont chargés.
Beaucoup d'entre eux incriminent leur mauvaise volonté, comme s'il suffisait de vouloir pour être attentif ! Aussi bien
que l'attention spontanée, quoique d'une manière plus complexe, l'attention volontaire est conditionnée par les
choses mêmes ainsi que par les dispositions personnelles de celui à qui on demande d'être attentif.
Nous avons par
là même indiqué deux sortes de conditions de l'attitude attentive.
I.
— CONDITIONS OBJECTIVES
Il semble, à première vue, que ce sont les plus importantes : attirent l'attention les objets qui déclenchent une
sensation forte, imprévue ; d'où la théorie de Condillac pour qui l'attention est une sensation dominante et
exclusive.
C'est là une illusion.
Une explosion violente, par exemple, un éclair aveuglant dans une nuit sereine, déclenchent
chez celui qui ne s'y attend pas une forte surprise ou même un choc émotionnel, mais point, sur le moment, une
véritable attention.
C'est après coup seulement, et non à cause de l'intensité de l'excitant physique, que peut se
produire l'attitude attentive.
D'ailleurs, cet effet de surprise n'est pas universel : dans un atelier de métallurgie, les
ouvriers semblent insensibles aux coups de marteau qui assourdissent un visiteur.
Effet de l'habitude, dira-t-on.
C'est vrai, mais l'explication est éclairante ; en effet, l'habitude relève de la subjectivité.
II.
— CONDITIONS SUBJECTIVES
C'est donc surtout des prédispositions du sujet que dépend l'attention provoquée par les choses.
Il semble admis que seul le nouveau attire l'attention ; effectivement, nous ne remarquons plus ce que nous voyons
tous les jours.
Mais le nouveau ne nous retient guère — ne fixe pas notre attention —, s'il ne s'intègre pas dans un
ensemble connu permettant de le comprendre, en d'autres termes, dans l'ancien.
Bien plus, nous sommes moins
attentifs au nouveau mal compris qu'à l'ancien dont la familiarité rassure.
Ce n'est donc pas par elles-mêmes que les
choses attirent notre attention : leur action est conditionnée par nos dispositions subjectives.
Effectivement, dans les mêmes conditions extérieures, l'attention vraie d'un individu à l'autre.
C'est qu'il n'y a pas de
nouveau en soi ni d'ancien en soi : compte seulement ce que les choses sont pour chacun : l'intérêt qu'il leur porte.
Nous avons là le maître mot de la psychologie de l'attention : les choses attirent notre attention dans la mesure où
elles nous intéressent.
Sans doute, il y a diverses sortes d'intérêts : des intérêts d'ordre intellectuel ou spirituel ; des intérêts immédiats et
d'autres plus lointains ; des intérêts personnels ou égoïstes et ceux que nous portons aux autres ; enfin, dans ces
différents couples d'intérêts qui s'opposent, les premiers relèvent de la spontanéité de la nature tandis que les
autres supposent réflexion et choix volontaire.
Jamais, néanmoins, les choses n'attirent notre attention que si, d'une
manière ou d'une autre, elles nous intéressent.
Conclusion.
— Il n'y a donc qu'une manière d'attirer son attention et celle des autres vers les choses qui le
méritent : susciter et nourrir de grands et nobles intérêts..
»
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