À quelles conditions la matière et l'esprit peuvent-ils être objets de connaissance scientifique ?
Extrait du document
«
• Dans cet extrait, Arendt envisage la question de la permanence des oeuvres d'art.
Pourquoi les hommes, les
civilisations se sont toujours attachés à laisser derrière eux des oeuvres d'art ? Cette question, davantage
anthropologique que philosophique en apparence, n'est pas si éloignée qu'elle n'en à l'air de notre réflexion sur la
beauté.
Mais avant de considérer ce lien, attachons nous au texte lui-même.
Arendt nous explique que le monde
des hommes est un monde fait d'artifices, c'est-à-dire d'objets qui résultent d'activités, soit technique, soit
artisanale, soit artistique, proprement humaines.
Parmi celles-ci, l'activité artistique occupe une place à part en
raison de la « durabilité » des oeuvres auxquelles elle donne naissance.
Mais pourquoi cette « durabilité » des oeuvres d'art et, d'abord, à quoi tient-elle ? Elle découle du fait que, à la
différence des objets techniques (qu'ils soient artisanaux ou industriels), les oeuvres d'art ne sont pas faites en vue
d'être utilisées.
Elles sont au contraire conservées, protégées, tandis que l'utilisation équivaut tôt ou tard à une
destruction.
C'est à ce niveau de l'analyse que nous pouvons retrouver notre question de la beauté : lorsque nous
jugeons qu'un objet est beau, nous nous abstenons de le détruire et de lui porter atteinte (Allons-nous
spontanément souiller par nos déchets un paysage dont la vue nous ravît ?).
Le beau apparaît ainsi comme ce qui
permet à l'oeuvre d'art d'être préservée.
La question ne serait plus tant de savoir si une oeuvre d'art doit être belle
; mais pourquoi pendant si longtemps dans l'histoire de l'art, la pratique de l'artiste a pu être soumise à la norme du
beau (et, subsidiairement, pourquoi cette soumission tend à disparaître avec l'art moderne et contemporain) ?
• Si la durabilité des oeuvres d'art est « d'un ordre plus élevé » que celle des autres objets tangibles, si elles sont «
plus intensément du monde », c'est en raison de la fragilité de ce monde contre laquelle elles ont été, souvent
inconsciemment, conçues, créées et conservées.
En effet, si le monde humain est un monde fait d'artifices (la
nature n'étant pas un monde proprement humain, bien qu'elle offre les ressources nécessaires à l'édification de
celui-ci), alors il est, comme toute chose humaine, marqué par la finitude : il est destiné à périr ce que les mortels
que nous sommes savent et contre quoi ils luttent.
Que nous reste-t-il de certaines civilisations passées sinon les
objets d'art qui témoignent encore de leur existence et de leur grandeur par l'art, elles sont devenues en quelque
sorte immortelles !
• On comprend mieux l'importance de l'art, sa fonction quasiment métaphysique puisqu'elle satisfait sans l'assouvir
un désir d'immortalité d'hommes, de sociétés, de civilisations qui se savent mortels.
Au sein du monde des hommes,
le monde des arts est bien, comme le dit Arendt, « la patrie non mortelle d'êtres mortels » (ligne 10).
Mais qu'en
est-il, pour finir, lorsque l'art lui-même proclame la désacralisation de l'art, lorsqu'il s'émancipe du beau : est-ce le
signe d'une humanité qui n'estime plus nécessaire la conservation d'elle-même ou qui sait qu'elle peut désormais
garder, grâce à la technique, une trace indélébile d'elle-même ?.
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