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A quelle(s) condition(s) la justice peut être sans pasion ?

Extrait du document

« Introduction La justice se présente d'abord à la lumière de son contraire, l'injustice.

En effet, entre serments trahis, partages inégaux, punitions injustifiées, on comprend quel peut être un sentiment d'injustice.

Ainsi des inégalités, des excès de certains sur d'autres, naît le sens de la justice.

Et la justice doit être une réponse raisonnée à ce qui est mal, puisque la vengeance ne peut résoudre les conflits qui perdurent entre les hommes.

De plus, la justice doit savoir se pencher sur les inégalités naturelles, dans la mesure où par nature il y aura toujours un homme plus fort capable d'asservir un homme plus faible.

Dès lors la raison devra s'entretenir sur ce qui est juste, et être capable de résoudre des conflits de manière impartiale, c'est-à-dire sans porter de jugement à la lumière d'une opinion subjective, ou à celle des passions.

La justice peut-elle en ce sens s'intégrer en chacun, et paraître pour tous absolument équitable ? I.

La justice comme « droit du plus fort ». a.

C'est Platon qui présentera le personnage de Calliclès dans le Gorgias (483 cd).

Calliclès critique les lois positives qui affirment que « l'égalité est ce qui est beau et juste » ; selon lui, la justice consiste en ce que « le meilleur ait plus que le moins bon et le plus fort plus que le moins fort ».

Ce personnage se fonde sur un droit de la nature, droit qui s'exprime très bien dans le règne animal (il y a toujours un prédateur et une proie) : « Si le plus fort domine le moins fort et s'il est supérieur à lui, c'est là le signe que c'est juste ». b.

On voit par ce qui vient d'être dit qu'un simple état de fait, et non la raison, pousse Calliclès à affirmer une telle conception de la justice.

Rousseau critiquera cette conception du droit du plus fort.

Selon lui la force ne peut faire le droit, puisque le droit ne peut persister si chacun s'impose par la force.

Le terme « droit du plus fort » luimême ne signifie rien pour Rousseau puisque ce fameux « droit » est inexistant (cf.

Du Contrat social, I, 3). Le problème à résoudre est le suivant : "le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit et l'obéissance en devoir".

Existet-il réellement un droit du plus fort, et la force est-elle un principe suffisant pour fonder le droit ? S'il est vrai que dans la nature règne la force, il n'est pas vrai que le plus fort reste longtemps le maître : les forces y sont perpétuellement en conflit, et l'issue est incertaine.

De plus, la puissance physique engendre une contrainte physique et non point morale.

Il n'est jamais interdit de désobéir à la force sitôt qu'on le peut.

Le droit du plus fort n'engendre pas le devoir d'obéissance.

"Sitôt que c'est la force qui fait le droit, l'effet change avec la cause; toute force qui surmonte la première succède à son droit." Il suffit d'échapper à la force pour en avoir le droit, puisque, selon ce principe, le plus fort a toujours raison.

Un droit qui disparaît sitôt que s'éclipse la force n'est pas un droit, c'est un fait.

Il s'ensuit qu'aucune justice, aucune loi, aucune légitimité ne peuvent être fondées sur la force. c.

La Bible évoque aussi la préhistoire du droit, avec la loi du Talion : « Œil pour œil, dent pour dent » (Exode, 21, 23-25).

Cette loi figure encore ce côté d'une justice personnelle, de la vengeance sans limite, où à un mal doit répondre un autre mal.

Il y a toujours ici deux côtés qui s'affrontent, sans un tiers, sans un médiateur.

Etant donné que nul ne peut faire justice soi-même, les hommes ont besoin d'une justice impartial extérieure aux parties. II.

Le devoir de justice a.

C'est contre ces enchaînements de violence que le Christ est en mesure d'affirmer qu'on doit plutôt tendre la joue à celui qui frappe.

La justice intervient avec la rupture de toute logique de vengeance.

A la place de la vengeance viendra s'instaurer la punition.

La victime obtiendra réparation par l'intermédiaire d'un juge.

En ce sens la faiblesse d'une personne sera défendue par ce pouvoir médiateur, et la justice ne sera plus arbitraire ou subjective (gouvernée par la passion), mais objective et raisonnée par des juges experts (cf.

Hegel, Propédeutique philosophique, § 21). b.

Qui juge et qui châtie ? : « Que celui qui est sans péché jette la première pierre » (Jean, 7, 53).

Le Christ montre que chacun a à faire l'expérience intérieure de soi-même.

Seul le dialogue intérieur peut justifier l'acte de lapider : « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés » (Matthieu, 7).

Ainsi seul un être sans reproche et sans faiblesse peut juger.

C'est alors Dieu qui est la justice même.

En effet, il arrive souvent que la foule veuille faire justice elle-même, sans que chacun prenne le soin de s'observer soi-même.

La justice dès lors doit s'établir au regard de l'autonomie de chacun, et donc tout homme conscient de lui-même a ce pouvoir de faire retour sur soi, et de comprendre qu'on ne peut juger une personne à partir d'un comportement isolé ou passionnel. III.

La fable de la justice a.

La justice doit s'établir en fonction de la demande des individus qui vivent socialement.

Chacun doit pouvoir prendre en considération sa demande en fonction d'autrui.

C'est dans sa Théorie de la justice que John Rawls pose un statut social hypothétique où chacun fait le choix de ses biens avec en vue le plus d'équité possible : c'est le principe du « voile d'ignorance ».

Chacun est ignorant de sa position sociale, ainsi, étant potentiellement commandant ou commandé, chacun décidera d'une conception juste de la structure sociale.

La justice naît ici de la. »

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