A la fin du xixe siècle, Oscar Wilde écrivait dans la préface au Portrait de Dorian Gray : « L'appellation de livre moral ou immoral ne répond à rien. Un livre est bien écrit ou mal écrit. Et c'est tout. [...] L'artiste peut tout exprimer. » le Portrait
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• Soyez attentif à l'intitulé : il ne s'agit pas de tous les livres, car le terme « artiste » désigne la littérature. D'autre part vous êtes invité à élargir le débat aux autres arts : peinture, sculpture, cinéma, théâtre... « L'opinion d'Oscar Wilde s'insère dans les mouvements artistiques du xixe siècle. Il faut la rapprocher de la doctrine de l'Art pour l'Art du Parnasse, en réaction contre les aspirations morales du Romantisme et les pressions sociales ou politiques qui aboutirent à des procès retentissants : celui de Madame Bovary, des Fleurs du Mal... Mais votre réflexion doit s'étendre au-delà de ce cadre. • Suggestion : le plan vous est suggéré par les futurs « vous commenterez et discuterez ». Il s'agit donc, comme souvent lorsque la citation proposée s'inscrit dans une polémique, d'analyser d'abord ce qu'elle peut contenir de juste, avant d'apporter d'autres arguments contraires ou plus nuancés.
- I. Au-delà du bien et du mal : le style
— La recherche esthétique est le but de l'art — Mouvement de l'Art pour l'Art — Moraliser tue la poésie.
- II. Le style au service de la morale
— Les moralistes — Les artistes attaqués se défendent souvent au nom de la morale. — Cacher le mal nuit à tous.
- III. Des rapports complexes
— Les pressions de la société du temps — L'évolution de la morale — Les différents buts de l'art
«
• Soyez attentif à l'intitulé : il ne s'agit pas de tous les livres, car le terme « artiste » désigne la littérature.
D'autre
part vous êtes invité à élargir le débat aux autres arts : peinture, sculpture, cinéma, théâtre...
« L'opinion d'Oscar Wilde s'insère dans les mouvements artistiques du xixe siècle.
Il faut la rapprocher de la doctrine
de l'Art pour l'Art du Parnasse, en réaction contre les aspirations morales du Romantisme et les pressions sociales ou
politiques qui aboutirent à des procès retentissants : celui de Madame Bovary, des Fleurs du Mal...
Mais votre
réflexion doit s'étendre au-delà de ce cadre.
• Suggestion : le plan vous est suggéré par les futurs « vous commenterez et discuterez ».
Il s'agit donc, comme
souvent lorsque la citation proposée s'inscrit dans une polémique, d'analyser d'abord ce qu'elle peut contenir de
juste, avant d'apporter d'autres arguments contraires ou plus nuancés.
PLAN ADOPTÉ DANS LE DEVOIR
I.
Au-delà du bien et du mal : le style
— La recherche esthétique est le but de l'art
— Mouvement de l'Art pour l'Art
— Moraliser tue la poésie.
IL Le style au service de la morale
— Les moralistes
— Les artistes attaqués se défendent souvent au nom de la morale.
— Cacher le mal nuit à tous.
III.
Des rapports complexes
— Les pressions de la société du temps
— L'évolution de la morale
— Les différents buts de l'art
DEVOIR RÉDIGÉ
Toutes les sociétés préservent la morale par des lois, par l'éducation, par la répression.
L'art n'échappe pas à ce
contrôle : autodafé et mise au pilon de livres séditieux, tableaux détruits ou interdits d'exposition, censure.
Mais les rapports entre art et morale sont plus étroits encore : expression ultime de la beauté éthique, l'art a pour
certains la mission de guider les foules.
Pour d'autres, situé en dehors du bien et du mal, il échappe aux règles
communes, parce que son essence est dans la beauté formelle.
Ainsi O.
Wilde écrit dans la préface du Portrait de
Dorian Gray, récit des débauches et du crime d'un jeune homme : « L'appellation de livre moral ou immoral ne répond
à rien.
Un livre est bien écrit ou mal écrit.
Et c'est tout.
[...] L'artiste peut tout exprimer.
»
L'art bénéficie-t-il vraiment du privilège d'échapper à toute censure ou blâme ? Joue-t-il au contraire un rôle dans la
formation des consciences ? Comment concilier ces extrêmes ?
Il est certain que la beauté esthétique caractérise l'art.
Nul ne niera la différence entre un fait divers journalistique
et le roman qui lui donne une forme, organise sa présentation, travaille le style.
L'écart entre une photographie
anthropométrique et le portrait qui-choisit l'angle de vue, la lumière, la pose ou leurs couleurs saute aussi aux yeux.
Flaubert dit même qu'« il n'y a ni beaux ni vilains sujets et qu'on pourrait presque établir comme axiome, en se
plaçant du point de vue de l'art pur, qu'il n'y en a aucun, le style étant à lui seul une manière absolue de voir les
choses ».
Madame Bovary, histoire d'adultères et de provinciaux imbéciles, illustre son propos.
« Comment faire un
dialogue trivial qui soit bien écrit ? » se demande-t-il en créant son roman.
Zola, Céline font une œuvre d'art de la
déchéance morale.
Dans Y Assommoir, l'alambic, fournisseur odieux de l'alcool qui avilit les personnages, prend une
dimension grandiose par la description et les métaphores.
En peinture, Toulouse-Lautrec éternise le peuple interlope
des cabarets.
D'autres renouvellent les sujets en montrant la beauté du crime, de la folie, contrairement à la morale habituelle qui
depuis l'antiquité lie le vrai, le bien et le beau.
Baudelaire offre « les fleurs du mal », Lautréamont, Verlaine ou
Rimbaud magnifient la violence, les hallucinations dues aux drogues ou la sexualité dite perverse.
L'art justifie tout,
pourvu qu'il extraie le beau d'une expérience humaine.
N'est-il pas d'ailleurs le domaine de l'imagination, qui cherche la beauté hors du monde visible, dans la fantaisie pure
? Comment parler de morale devant les paysages lunaires de Tanguy où s'agitent mollement des êtres informes, ou
en lisant Alice au pays des merveilles ?
Certains artistes vont plus loin, réalisant le rêve flaubertien d'une œuvre qui ne repose que sur la beauté du
langage.
Les Parnassiens établissent le culte de la forme, l'essentiel étant le rythme, les sonorités, la versification.
Mallarmé travaille à des poèmes hermétiques, où le sens disparaît sous le pouvoir évocateur des mots, comme dans
le poème « Ses purs ongles très hauts...
».
Les nymphéas, les cathédrales se dissolvent dans les tableaux de Monet
au profit des jeux de lumière, tandis qu'au xxe siècle l'art abstrait s'affranchit des représentations figurées.
La morale nuit même à l'art, dit Th.
Gautier dans la préface de Mademoiselle de Maupin, car défini par l'inutilité, il est
recherché pour lui-même.
Conserver un but éthique prive d'instruments ou de thèmes, pense Baudelaire dans la
préface des Nouvelles Histoires extraordinaires d'E.
Poe : « si le poète a poursuivi un but moral, il a diminué sa force
poétique ; et il n'est pas imprudent de parier que son œuvre sera mauvaise ».
Souvent on affirme que même les
artistes échappent à la morale commune : plus ou moins maudits ou marginaux, ils expérimentent toutes les
sensations.
La société manifeste aussi de l'indulgence : le procès de Madame Bovary se termina par un
acquittement à cause des qualités esthétiques du roman.
Bien des films, comme Emmanuelle, échappent à la
catégorie pornographique à cause d'une photographie soignée.
Mais qualités formelles et pouvoir sur l'imagination doivent, selon d'autres artistes, se mettre au service des plus.
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