, [L'homme nie le naturel] George BATAILLE
Publié le 05/02/2023
Extrait du document
«
, [L'homme nie le naturel]
Je pose en principe un fait peu contestable ,:.
que l'homme
est l'animal qui n'accepte pas simplement le donné naturel,
qui le nie.
Il change aussi le monde extérieur naturel, il en
tire des outils et des objets fabriqués qui composent un
monde nouveau, le monde humain.
L'homme parallèlement
se nie lui-même, il s'éduque, il refuse par exemple de don- �ner à la satisfaction de ses besoins animaux ce cours libre,
auquel l'animal n'apportait pas de réserve.
Il est nécessaire
encore d'accorder que les deux négations que, d'une part, "'-
l'homme fait du monde'donné et, d'autre part, de sa propre,
animalité, sont liées.
Il ne nous appartient pas de donner
une priorité à l'une ou à l'autre, de chercher si l'éducation
(qui apparaît sous la forme des interdits religie�x) est la
conséquence du travail, ou le travail la conséquence d'une
mutation morale.
Mais en tant qu'il y a homme, il .y a
d'une part travail et de l'autre négation par interdits de
l'animalité de l'homme.
Georg� BATAILLE
"'·
QUESTIONS.·:
" J) Dégagez les principales articulations du texte."' -=
2) Que signifient, d'après le contexte_: « le donné naturel»,
«"Je monde humain)), « les deux négations)), « une mutaiion morale)) .
3) Essai critique : expliquez et appréciez pourquoi l'auteur
lie nécessairement travail et éducation.
�
éléments d'explication
a) Du passage de l'animal à l'homme
_J
---
' • Nous ignorons tout, ou presque, du passage de l'animal à l'homme.
Les éléments de ce passa!e nous sonJ
la nature
30-
dérobés.
On peut dès lors être tenté.
de se borner à définir
l'opposition de l'homme et de l'animal d'un point de vue
abstrait en les analysant .comme des « systèmes.» et _en
parlant non d'animalité et d'homme, mais de nature et de
culture, et en renonçant à saisir le point-de passage entre
Fun et l'autre.
Telle est ,la position, par exemple, de
CL Lévi-Strauss.
Mais procéder de cette manière, observe
-G, Bataille, c'est « juxtaposer des abstractions, tandis que
le passage de l'animal à l'homme implique non seulement
des ~tats formels mais le mouvement .où ils s'opposèrent »
(L'Erotisme, éd.
10-1.8·, p.
236).
·• Dire qu'il y a passage entre l'animal et l'homme, entre
la nature et ·la culture; c'est dire qu'il y a continuité, Be
fait il y a de l'animalité en l'homme (« l'µomme est l'animal qui...
»), du naturel dans le culturel (cf.
sujet-texte
n° 5).
Cependant au sein même de cette continuité s'inscrit paradoxalement une rupture, qui est une double
négation et qui fonde l'homme, ou plutôt par laquelle
l'homme se fonde lui-même.
b) Une première négation, celle-de la nature
• L'élaboration d'un monde humain
L'homme, en effet, nie le « donné naturel », c'est-à-dire
le milieu où il vif.
L'homme nie ce milieu en se dressant
contre lui, en refusant de l'accepter tel qu'il se présente à
lui.
Il nie l'être de son milieu pour lui· substituer un être
autre.
Bref, il le transforme, et ce processus de transformation de la « réalité naturelle », de création d'une nouvelle réalité il ne produit que sous l'empire
du- besoin physique immédiat, tandis que l'homme produit même libéré du besoin physique et ne-produit -vraiment que lorsqu'il èrt est libéré » (Marx, Manuscrits de
0
1844, Éd.
sociales, p.
63).
En outre la négation de .la
nature par l'homme s'effectue grâce à un travail indisso
ciable de l'utilisation de l'outil qui apparaît comme « la
possibilité déterminée du désir» (Hegel).
Car si l'homme
nie la nature en s'opposant à elle,•« les objets de la nature
sont puissants et offrent une résistance multiple.
Pour en
avoir raison, l'homme fait intervenir d'autres objets de la
nature, la tourne· ainsi contre elle-même et à cette fin
invente des outils» (Hegel, Leçons sur la philosophie de
l'histoire, 2e éd., p.
219).
Le travail par l'outil est ainsi lié à
une activité de réflexion qui introduit une coupure entre
l'être du donné naturel et le devoir-être du désir humain.
Comme l'écrit G.
Bataille, « le travail est la voie de la
con§cience, par laquelle l'homme est sorti de l'animalité»
(L'Erotisme, p.
178).
c).
Une seconde négation, celle de l'homme lui-même
,,
• La constitution' d'interdits
Telle est la premi�re négation qui caractérise l'homme.
Mais à cette négation de la nature, l'homme en ajoute
une seconde : la négation de lui-même.
L'homme, en
effet, va ·« s'éduquer >� en s'imposant des interdits,.
Les
premiers interdits portèrent, selém Bataille, essentielle
ment sur les morts et la mort, comme en témoignënt les
sépultures laissées par l'Homme de Néandertal, mais
aussi sur l'activité sexuelle.
··
• La mort
L'homme a porté un interdit sur la mort parce que la
mort est liée à la violence.
Il prend horreur du cadavre en
tant que ce dernier est symbole de la violence et menace....
»
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