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Le Reniement de saint Pierre de Rembrandt
Voici une grande scène de la tragédie de la Passion.
Une toile monumentale peinte par un Rembrandt passé maître
dans l'art de la mise en scène et de la lumière.
L'oeuvre, baignée d'un mystérieux clair-obscur, raconte l'épisode du
Nouveau Testament (Luc, 22) où Pierre, l'un des apôtres, refuse d'admettre qu'il est un disciple du Seigneur.
Jésus vient d'être arrêté sur l'ordre des prêtres, il est accusé de blasphème pour s'être proclamé le Messie.
On
l'emmène au palais du grand prêtre, Pierre suit la foule qui l'accompagne.
Trois personnes vont alors reconnaître
Pierre : une servante et deux soldats.
Trois fois, Pierre nie.
A la troisième fois, le coq se met à chanter.
Jésus se
tourne alors vers Pierre, qui se souvient de la parole du Seigneur : "Avant que le coq chante, tu me renieras trois
fois." Pierre sort alors et pleure amèrement.
Rembrandt prend l'histoire à bras-le-corps et représente dans une seule et même scène tous les épisodes du drame.
Il condense ce que les mots ne peuvent exprimer que successivement.
Autour de Pierre, figure centrale, tous les
protagonistes sont en place.
A sa gauche, la servante éclaire le visage de Pierre à la bougie pour mieux distinguer
ses traits.
Derrière elle, les deux soldats : l'un tient un casque sur lequel se reflète la lueur de la bougie, l'autre
s'apprête à porter une cruche à ses lèvres.
Enfin, Jésus, au fond à droite du tableau, se retourne vers Pierre.
L'intensité dramatique est à son comble.
La vie de Rembrandt est tendue par deux ambitions.
Jusqu'en 1642, Rembrandt n'a d'autre volonté que
d'être le premier des peintres d'Amsterdam.
Jusqu'en 1669, année de sa mort le 4 octobre, Rembrandt
veut être le premier des peintres de son temps.
Jusqu'en 1642, c'est à la fortune et à la renommée qu'il
voue son oeuvre.
A partir de 1642, il ne rend plus de comptes qu'à la peinture.
Jeune peintre associé à Jan
Lievens à Leyde, il ne songe à vingt ans qu'à prouver qu'il est peintre d'histoire et qu'il est capable de
peindre des portraits qui répondent à l'attente de modèles sûrs de leur foi comme de leur fortune.
C'est
que la peinture d'histoire est le premier des genres dans la hiérarchie que les guildes et les académies ont
instaurées en Europe depuis presque deux siècles.
C'est que le portrait est le plus sûr moyen d'attirer à soi
une clientèle bourgeoise qui veut tenir tête à la noblesse de l'Europe.
Dès 1631, Rembrandt est à
Amsterdam.
Il a vingt-cinq ans.
La Leçon d'anatomie du professeur Tulp, qu'il peint un an plus tard somme
que l'on reconnaisse immédiatement la puissance et la pertinence de sa peinture.
Cette toile est l'une des
premières qu'il signe de son seul prénom, Rembrandt.
Signer ainsi c'est vouloir être confondu dans la
gloire avec ceux que l'on nomme de la même manière par leurs seuls prénoms ou surnoms, comme
Masaccio, Leonardo, Michelangelo, Rafaelo...
Rembrandt sait encore que seule la gravure, parce qu'elle
circule à plusieurs exemplaires, est en mesure de faire connaître son oeuvre aux amateurs de toute
l'Europe.
Aussi Rembrandt grave.
Pendant des années, posent devant Rembrandt des théologiens et des
armateurs, des marchands et des banquiers, des couples aux pourpoints et aux robes parés de dentelles,
des fonctionnaires de la Compagnie des Indes orientales.
Et dans son atelier, Rembrandt, peintre
d'histoire, peint la Sainte Famille comme L'Enlèvement de Ganimède ou Le Sacrifice d'Abraham.
Et il peint
encore des personnages qui ne sont ni des portraits ni des prophètes des Saintes Écritures mais des
philosophes, mais des hommes coiffés de turbans, chargés de chaînes, personnages d'un Orient inventé...
En 1642 il présente à ceux qui ont été ses modèles le tableau le plus vaste qu'il ait jamais peint qu'est La
Compagnie du capitaine Frans Banningh Cocq (La Ronde de nuit).
Nul ne doute que la peinture qu'il vient
d'achever soit un chef-d'oeuvre.
Mais les miliciens qui entourent Cocq et qui ont payé pour que la toile
rende comme il convient hommage à leur civisme, ne peuvent admettre que les mouvements et les
ombres cachent presque leurs visages.
Par cette toile Rembrandt congédie ses modèles, refuse que la
peinture continue de ne servir que leur vanité.
En cette même année 1642, meurt sa femme Saskia.
Quatorze ans plus tard, en 1656, la Haute Cour d'Amsterdam nomme un liquidateur judiciaire qui est
chargé de vendre tous les biens du peintre.
Quatre ans plus tard, Rembrandt doit quitter la somptueuse
demeure qu'il a pendant des années encombré de chefs-d'oeuvre et doit s'installer dans le quartier
populaire du Jordaan, sur le Rozengracht.
Rembrandt, ruiné, ne cesse pas de peindre et de graver.
On sait
dans toute l'Europe quelle exception il est.
Depuis Messine, l'amateur qu'est Don Antonio Ruffo lui
commande un portrait d'Homère, un autre d'Alexandre.
Le grand duc de Toscane, de passage à
Amsterdam, lui rend visite.
Mais les bourgeois d'Amsterdam, qui lui ont commandé pour leur nouvel Hôtel
de ville une toile représentant La Conjuration de Claudius Civilis, qui se dresse contre le pouvoir de Rome,.
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