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Le Mythe de Prométhée - Goethe et Schubert

Publié le 19/11/2022

Extrait du document

« La postérité du Mythe de Prométhée INTRODUCTION Le personnage de Prométhée est à bien des égards emblématique de la mythologie grecque.

Titan fils de Japet et Clymène, il est le frère d’Epiméthée et d’Atlas, entre autres.

Son nom provient étymologiquement du grec “Προμηθεύς”, soit “celui qui réfléchit après”.

Il est, avec son frère Epiméthée, le façonneur des hommes et des êtres vivants ; mais la légende raconte qu’Epiméthée, dans son étourdissement, oublia d’attribuer aux hommes les qualités physiques déjà distribuées aux autres animaux.

Afin de réparer le tort de son frère, Epiméthée s’introduisit dans l’Olympe à l’insu de Zeus et déroba le feu pour l’offrir à l’homme lésé dans la répartition du titan.

Lorsque Zeus, par la suite, apprit le méfait et décida d’éloigner les hommes de l’Olympe, Prométhée prit le parti de ses protégés.

Pour punition, Zeus le condamna à rester enchaîné sur une montagne du Caucase, où chaque matin, un aigle venait lui dévorer le foie, foie qui repoussait chaque nuit. Ce mythe de Prométhée, au cours de l’Histoire, fit l’objet de nombreuses interprétations et reprises, et fut notamment une source d’inspiration majeure chez les romantiques.

Ce courant romantique, insufflé par les Allemands Johann Wolfgang von Goethe et Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling, et les Français Jean-Jacques Rousseau et François-René de Chateaubriand, quatre des préromantiques les plus célèbres, traverse le monde artistique européen du XIXe siècle comme une vague, marquant plusieurs génération d’auteurs, compositeurs et peintres. Ainsi nous intéresserons-nous à l’usage fait par le romantisme du mythe de Prométhée, à travers deux oeuvres, l’une littéraire : le poème sous forme de fragment dramatique, c’est-à-dire se rapprochant d’une forme théâtrale, Prométhée de Goethe ; l’autre musicale, s’agissant d’une composition de Franz Schubert, inspirée par l’oeuvre précédente, Prometheus.

Il est à noter que Schubert était coutumier de l’adaptation et de l’harmonisation des œuvres de Goethe. 1 : Prométhée, J.W.

von Goethe, 1789 ci-après, l’acte III et dernier dans son entièreté. “PROMÉTHÉE, dans son atelier. 1 Ô Jupiter ! couvre ton ciel de nuages, et, comme l’enfant qui abat les têtes des chardons, exerce-toi sur les chênes et sur les cimes des montagnes, mais laisse subsister ma terre et mes cabanes, que tu n’as point bâties, et mon foyer, dont tu m’envies la flamme. 5 Je ne connais rien sous le soleil de plus pauvre que vous autres dieux ! Vous nourrissez misérablement votre majesté d’offrandes et d’encens, et vous seriez réduits à mourir de faim, n’étaient les enfants et les mendiants, pauvres fous, qui se repaissent d’espérances. Quand j’étais enfant, je ne savais nulle chose ; je tournais vers le soleil mon œil 10 égaré, comme s’il y avait eu par delà une oreille pour entendre ma plainte, un cœur comme le mien pour compatir à l’affligé. Qui me vint en aide contre l’orgueil des Titans ? Qui me sauva de la mort, de l’esclavage ?… N’as-tu pas tout accompli toi-même, ô cœur saintement enflammé, et, jeune et bon, tu rendais, dans ton erreur, de ferventes actions de grâces au dormeur de 15 là-haut ! Moi, t’honorer !… Pourquoi ?… As-tu jamais apaisé les douleurs de l’opprimé ? As-tu jamais essuyé les larmes de l’affligé ? Qui m’a forgé un cœur d’homme ? N’est-ce pas le temps tout puissant et le destin éternel, mes maîtres et les tiens ? Croyais-tu peut-être que je dusse haïr la vie, fuir dans les déserts, parce que toutes les fleurs de 20 mes rêves n’ont pas fructifié ? Ici je réside, je crée des hommes à mon image, une race qui me soit semblable, pour souffrir, pour pleurer, pour vivre et se réjouir et te dédaigner, comme je fais. (Mercure paraît pour proposer encore un accommodement.)” Entre 1772 et 1774, Goethe, s’appuyant sur la version mythique de l’histoire de Prométhée, s’adonne à la rédaction de ce poème, auquel il donnera une forme dramatique, l’habillant comme un texte de théâtre.

Après l’avoir publié une première fois anonymement en 1785, il le signe enfin de son nom en 1789.

Dans ce texte, Prométhée est le personnage principal, et la forme théâtrale choisie par Goethe lui permet de s’exprimer par un discours direct.

Ce choix est tout à fait conforme aux préférences romantiques ; le personnage de Prométhée nous dévoile sa sensibilité de manière plus profonde et vraie.

Le poème est divisé en trois actes.

Dans le premier, Prométhée apparaît dans son atelier, et nous témoigne, à travers un dialogue tantôt avec Mercure, tantôt Epiméthée et Minerve, l’affection qu’il porte à sa création la plus noble, les hommes, ainsi qu’une certaine aversion éprouvée vis-à-vis de la volonté de Jupiter de s’imposer comme dominateur de cette création.

Dans le second acte, nous assistons à la colère de Jupiter apprenant la rébellion du titan, ainsi qu’à l’apprentissage par les hommes des premières formes de sentiments que l’existence leur procure, dans un cadre champêtre tout à fait emblématique du mouvement romantique.

Enfin, le troisième et dernier acte, très court, met en scène un Prométhée seul, dans son atelier (cf.

ci-haut), suppliant Jupiter d’épargner sa création, tout en lui exprimant son profond ressentiment. Intéressons-nous à présent au troisième acte de ce poème, où s’opère tout le génie littéraire de Goethe.

Prométhée s’y exprime dans une longue apostrophe au dieu des dieux, seule réplique de cet acte, à ce propos.

On remarque, choix assez particulier, un caractère assez antithétique à son discours.

Prométhée s’adresse d’une part à Zeus en lui témoignant un profond respect ; mais il ne manque pas, en même temps, de faire preuve d’une véritable impertinence à son égard.

Cet état d’esprit assez paradoxal traduit à merveille la complexité du personnage de Prométhée tel qu’il nous est présenté dans le mythe originel.

Ainsi, son apostrophe à Zeus est-elle introduite par l’interjection vocative “ô” (l.1), marque non seulement du lyrisme imprégnant ce poème goethéen, mais également du respect qu’il lui témoigne, dont nous avons déjà parlé plus haut.

Dans le mythe originel de Prométhée, celui-ci est effectivement un des rares titans, avec son frère Epiméthée, à se ranger dans les rangs des dieux de l’Olympe pendant la Titanomachie, et à jurer allégeance à Zeus.

De même, Prométhée sait se résigner face aux décisions du dieu de l’Olympe et, bien qu’il s’oppose fermement à certaines décisions de celui-ci quant à la domination des dieux sur les hommes - à titre d’exemple -, il ne remet jamais en question sa légitimité à commander aux dieux et aux hommes.

Par ailleurs, des lignes 12 à 15, Prométhée, dans une série de questions rhétoriques, fait les louanges de Zeus et lui rappelle ce qu’il a pu faire pour lui par le passé.

Relevons un réel champ lexical mélioratif et divin : “aide”, “sauva”, “actions de grâce”, “saintement”...

Il déplore par la même occasion, implicitement, la perte de ces vertus dans le cœur du dieu des dieux. Penchons-nous ainsi sur le revers, bien moins flatteur, de ce discours.... »

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