Molière Dom Juan le tombeau d’un commandeur
Publié le 22/04/2024
Extrait du document
«
Situation réelle : En 1664 Molière a 44 ans et est en pleine querelle du Tartuffe depuis 1 an, qui est
censuré.
Il a dû écrire Dom Juan rapidement pour faire vivre sa troupe, d’où le problème religieux de la
pièce et le fait qu’elle soit en prose.
Il reprend une œuvre de Tirso de Molina qu’il réagence à sa guise, ce
que nous verrons au cours de notre analyse.
Situation dans l’œuvre : la scène que nous allons étudier succède aux scènes ou dom juan aide Don Carlos
qui était attaqué par 3 brigands, il lui sauve la vie.
Don Carlos qui lui est redevable lui permet de s’en aller
après que son frère, Don Alonse, lui ait révélé sa véritable identité : Dom Juan est en effet l’homme qu’ils
cherchent : c’est bien celui qui a déshonoré leur sœur.
Reconnaissant de l’avoir sauvé Don Carlos met
toutefois en garde Dom Juan que celui-ci finira par payer pour ses offenses.
Un fois avoir retrouvé Sganarelle et après avoir repris sa tirade sur ses relations avec les femmes (acte 1
scène 2 ), DJ et Sganarelle aperçoivent le tombeau d’un commandeur tué autrefois par Dom Juan, s’en
approchent et font une terrible découverte.
Découpage du texte :
-
I – de la réplique 11 à 19 : ils aperçoivent et s’approchent du tombeau du commandeur
II – de la réplique 20 à la réplique 30 : le tombeau s’ouvre ils voient sa statue et en « jouent »
III- de la réplique 30 à la réplique 42 (la fin) Sganarelle s’adresse directement à la statue qui réagit ;
on passe de 2 à 3 protagonistes dans la scène dialogue trialogue
Comment dans cette scène le lecteur est-il amené à sentir la chute de la scène ? Comment Molière fait ici
sentir que le Dom Juan amusé et amusant commence à s’effacer pour un repentir sévère.
Autrement dit,
comment Molière prépare ici sa chute finale ?
En quoi peut-on dire que cette scène sera d’autant mieux comprise si elle est relue une fois l’œuvre
finie ?
Comment dans cette scène on ressent fortement l’esprit calculateur du théâtre hybride de Molière ?
Comment dans cette scène, tout en dressant un portrait de plus en plus déplaisant de Don Juan,
l’auteur prépare-t-il sa chute ?
I-
11 à 19 ; ils aperçoivent et s’approche du tombeau du commandeur
11 Dom juan : Mais quel est le superbe édifice que je vois entre ces arbres ?
Cette réplique donne une information plus remarquable sur la situation géographique ou ils se trouvent : la
scène se situe dans la foret près du lieu de combat de la scène précédente.
La forêt = représentation en
général d’un espace très étendu : accroit le hasard, DJ mentionne d’ailleurs les arbres explicitement.
C’est
une coïncidence qu’ils tombent et sur le frère de Don Elvire et sur le tombeau du commandeur.
L’intrigue
est faite par le hasard des rencontres, et le fil directeur parait avancer en même temps qu’eux avancent dans
l’espace : la pièce a ainsi un côté assez romanesque.
12 Sganarelle : Vous ne le savez pas ?
Cette réplique de Sganarelle rien qu’à la lecture laisse entendre sa surprise concernant l’ignorance de son
maitre, ignorance qu’il doit ensuite souligner et repréciser ensuite par « vraiment » (réplique 13)
13 Dom Juan : Non, vraiment.
14 Sganarelle : Bon ! c'est le tombeau que le Commandeur faisait faire lorsque
vous le tuâtes.
C’est grâce à cette ignorance que Sganarelle, en tant que bon « maitre d’orchestre » du récit, va pouvoir
introduire le commandeur.
Il convient ici de revenir sur la figure du commandeur pour mieux comprendre
l’intention de Molière.
Le commandeur était un noble que Dom Juan a tué lors d’un duel.
En fait, comme on a commencé à le dire dans l’introduction Dom Juan n’est pas une histoire inventée par
Molière, c’est une histoire issue du théâtre espagnol de Tirso de Molina.
Dans son récit, Dom Juan
s’introduit chez Dona Anna avec de mauvaises intentions et son père meurt en voulant la protéger.
Molière
supprime complètement l’histoire de Dona ana et toute l’intrigue autour d’elle mais fait le choix de
conserver le commandeur (il construit son intrigue autour de DE et son histoire) + choisit de ne pas le
nommer car n’est pas intéressé par le personnage en tant que tel.
C’est ainsi que Molière ne se sépare pas de
l’élément primordial de Dom Juan, mais le rapproche de son intrigue : on verra qu’il tire ensuite le
personnage vers sa fonction et son universalité symbolique.
15 Dom Juan : Ah ! tu as raison.
Je ne savais pas que c'était de ce côté-ci qu'il
était.
L’ignorance de Don Juan participe à la construction d’un personnage frivole et égoïste.
Il est
inconséquent à l’égard des autres.
Il ne se souvient pas directement d’un homme qu’il a tué, ce n’est
pas anodin.
De plus il est intéressé par l’apparence de ce tombeau car il en a entendu parler.
Sa
motivation est une pure curiosité esthétique.
C’est ainsi qu’il dit : Tout le monde m'a dit des
merveilles de cet ouvrage, aussi bien que de la statue du Commandeur, et j'ai
envie de l'aller voir.
16 Sganarelle : Monsieur, n'allez point-là.
à l’impératif, Sganarelle étonnamment donne un ordre à son maitre.
Il devient directif face à un excès moral
de son maitre.
Il se fait porte-parole du bon sens, en règle générale Sganarelle incarne le respect et la morale
face à Dom Juan qui la bafoue
17 Dom Juan : Pourquoi ? => le fait que Dom Juan ne comprenne pas participe de
ce portrait déplaisant, Dom Juan est fidèle à lui-même et ne reconnait pas la bonne
foi.
C’est la 2e fois que Sganarelle doit l’éclairer depuis le début de l’extrait, qui vient
de débuter.
18 Sganarelle : Cela n'est pas civil, d'aller voir un homme que vous avez tué.
19 Dom Juan
Au contraire, c'est une visite dont je lui veux faire civilité, et qu'il doit recevoir de
bonne grâce, s'il est galant homme.
Allons, entrons dedans.
Pire que d’ignorer la bonne foi DJ va jusqu’à la bafouer, car il joue justement sur la civilité énoncée par son
valet pour se donner raison, Dom Juan est ici un véritable rhéteur qui réutilise les arguments de ses
opposants pour les retourner contre eux.
C’est un manipulateur qui maitrise le langage parfaitement.
En conclusion dans cette première partie nos deux personnages repèrent le tombeau et débattent sur le fait
d’aller voir ou non.
Le bon sens de Sganarelle qui a bien en tête les agissements de son maitre s’oppose ici
au portrait toujours plus frivole et léger de DJ qui veut allez voir l’esthétisme du lieu.
La mention d’un passé
non raconté inscrit le récit dans une biographie plus longue et suggère ainsi une certaine profondeur au
personnage.
De plus le lecteur ne connait pas forcement l’histoire de Tirso de Molina et n’a ainsi pas
d’éléments pour juger de l’acte de DJ, ça confère une forme d’irrationalité et de mystère autour de la mort
du commandeur ainsi qu’une tonalité plus lourde et inquiétante à l’aura de Dom Juan.
La violence qui ne
s’explique pas est automatiquement plus violente.
II – Ils entrent finalement dans le tombeau et voient la statue du commandeur
(Le tombeau s'ouvre, où l'on voit un superbe mausolée et la statue du
Commandeur.)
=>Cette didascalie fait encore évoluer la situation géographique de la scène : au début la scène se déroulait
dans la foret ensuite autour du tombeau et enfin dans le tombeau du commandeur -> Le découpage de la
scène se fait avec le décor.
Le tombeau s’ouvre : décor en mouvement qui donne une indication sur l’évolution constante de la pièce :
on avance toujours psychologiquement comme géographiquement.
Comme la comédia del arte italienne la
pièce de Dom Juan est un théâtre à décors
20 Sganarelle
Ah ! que cela est beau ! Les belles statues ! le beau marbre !....
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