Lecture linéaire Sagesse de Verlaine
Publié le 21/06/2023
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«
LECTURE LINEAIRE « Sagesse », Verlaine
INTRODUCTION
Sagesse est le 5ème recueil poétique de Paul Verlaine, écrit à partir de 1873 et publié en 1881.
Il marque le retour du
poète sur la scène littéraire après une absence de sept ans.
En effet, une partie des poèmes du recueil a été composée
alors qu’il était emprisonné en Belgique pour tentative de meurtre à l’encontre d’Arthur Rimbaud, autre poète avec
qui il vit une relation à la fois passionnée et destructrice.
[Alors, qu’il l’a rejoint en Belgique et que Rimbaud menace de le quitter, Verlaine, ivre, lui tire dessus avec un revolver,
blessant le jeune homme.
Son homosexualité, à l’époque considérée comme circonstance aggravante, lui vaudront
deux ans de prison en 1873].
Converti en prison au catholicisme, il s’épanche dans ses poèmes sur les troubles de son âme avec un élan mystique
vers Dieu.
Tout son recueil va ainsi être marqué par l’importance des remords qui rongent le présent et cet élan vers
Dieu vers qui il souhaite trouver une forme d’apaisement après les tourments de sa vie passée.
Le titre « Sagesse »
peut évoquer à la fois un désir de rédemption et d’honnêteté après son égarement.
On peut retrouver en effet dans
le recueil un itinéraire de conversion : après avoir admis sa culpabilité, il désire retrouver une véritable innocence, une
pureté perdue.
La religion semble être une consolation à son désespoir et son déchirement intérieur.
Dans la première édition du recueil Sagesse, le poème qui nous intéresse est le sixième de la partie III.
L’alexandrin est
coupé dans un rythme binaire qui fait suivre un octosyllabe (= 8 syllabes) puis un tétrasyllabe (= 4 syllabes) dans quatre
strophes différentes aux rimes croisées.
Il décrit un paysage extérieur paisible, opposé à son angoisse intérieure face
aux remords du passé et au temps qui s’écoule.
Comment s’exprime dans ce poème la nostalgie d’un monde extérieur dont il est coupé et le regret d’une jeunesse
perdue ?
MOUVEMENT 1 : description d’une nature sereine (quatrains 1 et 2)
Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.
Le premier quatrain met d’emblée en valeur le champ lexical lié à la nature avec des mots comme « ciel »,
« arbre », « palme ».
Il se dégage une impression de paix de ce paysage :
comme le montre le choix des adjectifs : « calme », « bleu » (supposant un temps au beau fixe)
l’usage du mot « palme » qui connote un paysage exotique (palmier) mais a aussi un symbole religieux, car
pouvant faire référence aux feuilles de palmier agitées par la foule et mises au sol pour accueillir Jésus à son
entrée à Jérusalem.
l’hyperbole avec l’adverbe « si » répété à deux reprises : « si bleu, si calme ! » insistant sur cette sérénité et
associé à une exclamation qui marque l’admiration du poète observant ce paysage, sorte de paradis perdu.
mais aussi l’usage du verbe « berce » qui personnifie l’arbre dans une figure maternelle : il « berce sa palme »
comme il bercerait un enfant pour l’endormir ou le consoler.
Ce balancement donne une impression
d’équilibre et de douceur.
Cependant, on voit que la description n’est pas uniquement centrée sur la nature et met aussi au centre la
présence humaine à travers l’usage du référentiel « toit ».
le complément circonstanciel de lieu « par-dessus le toit » est répété deux fois mettant en valeur une coupure
entre le monde terrestre et l’immensité du ciel ou de la végétation.
sachant les circonstances d’écriture du poème on peut y voir une référence à la situation de Paul Verlaine,
alors enfermé en prison qui observerait ce qu’il voit depuis sa cellule, avec un regard tourné vers le haut,
comme s’il souhaitait s’évader par la pensée et que le monde n’apparaissait à lui que par une mince
ouverture.
cette nature semble en effet dominer soit par l’immensité du ciel ou la grandeur de l’arbre : on a un effet
d’opposition entre un espace intérieur et extérieur.
La cloche, dans le ciel qu'on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l'arbre qu'on voit
Chante sa plainte.
Le deuxième quatrain met en valeur des sensations auditives :
le sens de l’ouïe est mobilisé à travers le son de la cloche qui « tinte » et le chant de l’oiseau qui « chante sa
plainte » ainsi que l’assonance en [an] et [in] qui parcourt tout le poème et crée une harmonie des sons :
« dans », « tinte », « chante », « plainte », « simple », « tranquille », « pleurant », « sans cesse ».
c’est néanmoins un son doux et feutré, dans la continuité d’une description paisible, comme on le voit avec
l’adverbe « doucement » à propos du son de la cloche qui tinte comme si elle lui parvenait de très loin ou la
« plainte de l’oiseau » qui évoque un son mélancolique.
« plainte » est d’ailleurs le seul mot qui semble péjoratif et initie un sentiment de tristesse qui va être
confirmé ensuite
Les deux compléments circonstanciels de lieu que l’on peut trouver viennent compléter la description de la
nature de la première strophe :
« la cloche dans le ciel » est une métaphore en référence à un son divin, dans une connotation religieuse, la
cloche est associée à l’idée d’un appel au rassemblement des fidèles pour la prière.
Ici c’est comme si le poète
prêtait l’oreille à ce son délicat (« doucement tinte »), marquant sa volonté d’élévation religieuse.
« un oiseau sur l’arbre » évoque cette fois une présence animale concrète, qui pourrait ici symboliser par une
métaphore plus discrète l’âme triste du poète qui chante sa plainte de la même manière que l’oiseau.
Dans la répétition de la proposition subordonnée relative « qu’on voit » (« le ciel qu’on....
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