La princesse de Clèves, explication linéaire de l'incipit.
Publié le 03/11/2022
Extrait du document
«
Première partie : Incipit
La magnificence et la galanterie n'ont jamais paru en France avec tant d'éclat que dans les
dernières années du règne de Henri second.
Ce prince était galant, bien fait et amoureux ; quoique
sa passion pour Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois, eût commencé il y avait plus de vingt
ans, elle n'en était pas moins violente, et il n'en donnait pas des témoignages moins éclatants.
Comme il réussissait admirablement dans tous les exercices du corps, il en faisait une de ses plus
grandes occupations.
C'étaient tous les jours des parties de chasse et de paume, des ballets, des
courses de bagues, ou de semblables divertissements ; les couleurs et les chiffres de madame de
Valentinois paraissaient partout, et elle paraissait elle-même avec tous les ajustements que
pouvait avoir mademoiselle de La Marck, sa petite-fille, qui était alors à marier.
La présence de la reine autorisait la sienne.
Cette princesse était belle, quoiqu'elle eût passé la
première jeunesse ; elle aimait la grandeur, la magnificence et les plaisirs.
Le roi l'avait épousée
lorsqu'il était encore duc d'Orléans, et qu'il avait pour aîné le dauphin, qui mourut à Tournon,
prince que sa naissance et ses grandes qualités destinaient à remplir dignement la place du roi
François premier, son père.
L'humeur ambitieuse de la reine lui faisait trouver une grande douceur à régner ; il semblait
qu'elle souffrît sans peine l'attachement du roi pour la duchesse de Valentinois, et elle n'en
témoignait aucune jalousie ; mais elle avait une si profonde dissimulation, qu'il était difficile de
juger de ses sentiments, et la politique l'obligeait d'approcher cette duchesse de sa personne, afin
d'en approcher aussi le roi.
Ce prince aimait le commerce des femmes, même de celles dont il
n'était pas amoureux : il demeurait tous les jours chez la reine à l'heure du cercle, où tout ce qu'il
y avait de plus beau et de mieux fait, de l'un et de l'autre sexe, ne manquait pas de se trouver.
La Princesse de Clèves, Madame de Lafayette, 1678
Incipit.
Explication linéaire
Citation : «Le Moi est haïssable » (Les Pensées) Pascal, 1670
Le passage à l'étude se situe au seuil du roman publié anonymement par Madame de Lafayette
en 1678: La Princesse de Clèves.
Cet incipit amorce une longue présentation de la cour de Henri II,
préparant ainsi un contexte historique aux protagonistes.
Le récit se présente donc en première
lecture comme l'œuvre d'une mémorialiste qui met d'emblée l'accent sur les fastes, les fêtes et les
jeux d'une cour qu'elle regarde depuis le siècle suivant, ce Grand Siècle marqué par des courants de
pensée aussi antagonistes que le Jansénisme ou la Préciosité ou le Libertinage.
Je vais maintenant
procéder à la lecture.
Madame de Lafayette, contemporaine de ces mouvances, proche de la cour
de Louis XV, porte donc un regard orienté sur le passé et nous nous demanderons quelle image elle
donne de ce microcosme fastueux ou règne le divertissement.
Pour répondre nous suivrons la
progression du texte qui comporte trois mouvements équilibrés.
Le premier paragraphe présente le
cadre historique et le roi brièvement, dans le second paragraphe l'accent est mis sur les
divertissement royaux et la fin du passage introduit la figure de la reine, par une rapide analepse.
Premier mouvement, premier paragraphe : Présentation d'un moment historique et du roi.
- Les premiers mots sont 2 substantifs coordonnés, en apparence très mélioratifs : « magnifience et
galanterie » : ils insistent sur le faste et l'élégance des manières de la cour qui porterait à un point de
perfection le raffinement déjà recherché par le père de d'Henri II, François Ier.
Cet éloge est
renforcé par une négation partielle « n’ont jamais paru en France » et un complément manière :
« avec tant d’éclat » (renforcé par un adverbe intensif).
Cependant le recours au passé composé
montre que ce temps est révolu.
- La fin de la phrase indique une période précise : la fin du règne d'Henri II.
Par la suite certains
évènements comme: Le mariage de Claude de France et du Duc de Lorraine ou les préparatifs de la
signature d’un traité de paix permettent de situer précisément le début du roman en novembre 1558.
Contrairement aux grands romans précieux comme Clélie, histoire Romaine, (1660) de Madeleine
de Scudéry qui se passe dans une antiquité idéalisée, Madame de Lafayette fait donc le choix de la
véracité historique, et d'une période relativement récente pour ses lecteurs.
- La phrase suivante amorce le portrait du roi avec trois adjectifs qualificatifs en attribut : « galant »,
bien fait, « amoureux », suite ternaire qui met en relief le dernier terme, plus long.
L'adjectif
« galant » répète par polyptote le substantif de la première phrase et insiste donc sur « la
galanterie » de la cour, qui renvoie de façon ambivalente autant à la courtoisie qu'à la recherche
d'aventures amoureuses, notamment en dehors des liens du mariage.
Ces trois adjectifs renvoient
aussi à des qualités physiques, (bien fait), une certaine frivolité (galant) et un état affectif
(amoureux) qui détournent des préoccupations politiques, que le lecteur pourrait attendre d'un
souverain.
- La proposition concessive : « quoique sa passion pour Diane de Poitiers, Duchesse de Valentinois,
eut commencé il y a plus de 20 ans.
Confirme cette critique de la « passion » du roi aussitôt associé
à la violence, excès....
»
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