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La mort de Manon, l’Abbé Prévost (analyse littéraire)

Publié le 08/02/2025

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« Texte 3 : La mort de Manon Homme d’Eglise, homme de lettres, précepteur, journaliste, militaire, l’Abbé Prévost comule, au milieu d’un XVIIIe siècle traversé par le mouvement des lumières, les caractères d’une vie tiraillée entre confesseur et fossaire, entre mondain et aventurier, entre le sacré et le profane.

Né en 1697, AntoineFrançois Prévost, au cours de sa vie, a rejoint l’armée, puis l’a presque deserté, a été chez les jésuites, pour y être congédié deux fois, a rejoint l’Ordre de SaintBenoît, pour quitter son monastère sans autorisation ; en définitive, l’abbé Prévost est un de ces hommes dont la vie est à l’image de leur œuvre, comme le rappelle Sainte-Beuve en affirmant : « Sa vie fut pour lui le premier de ses romans, et comme la matière de tout les autres ».

Transgresseur, ses Mémoires et aventures d’un homme de qualité, ne le sont pas moins ; elles comprennent 7 tomes, publiés de 1728 à 1731 et tous consacrés aux aventures de l’homme de qualité, Renoncour, si ce n’est le dernier tome, qui raconte l’histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, personnage éponyme.

Manon Lescaut est condamné au feu par le parlement de Paris en 1733 et 1735 ; pour cause, ce roman de mœurs décrit une société où l’ordre moral n’est souvent qu’une facade qui peut être transgressée ou achetée par le statut social et l’argent, et qui montre un personnage principal qui oscille entre une voie exemplaire, vertueuse, et un libertinage engendré par la fatalité de sa passion amoureuse dévorante.

Le roman met en scène des personnages marginalisés, et Le passage à expliquer est justement la mort de Manon, à la fin de la deuxième partie, mourrant d’épuisement dans le désert où ils ont dû fuir à la suite d’un duel dont elle était la cause.

Comment le récit douloureux de DG sublime-t-il la mort de Manon et positionne-t-il le Chevalier en héros tragique ? Nous verrons, dans le premier mouvement du texte, Des Grieux qui partage sa douleur, activée par son récit avec Renoncour.

Nous analyserons dans le deuxième mouvement le récit de l’agonie de Manon dans le désert de Louisiane.

Enfin, dans le troisième mouvement du texte, nous traiterons de Des Grieux s’adressant de nouveau à Renoncour sans pouvoir aller au bout de son récit. Analyse linéaire : I. - - - Un impossible et douloureux récit « Pardonnez, si j’achève en peu de mots un récit qui me tue.

Je vous raconte un malheur qui n’eut jamais d’exemple.

Toute ma vie est destinée à le pleurer.

» : le texte s’ouvre sur un impératif, une prière de DG envers Renoncourt pour susciter la compassion.

Par effet de mise en abyme, le lecteur a l’impression de devenir le destinataire de cette déploration pathéthique.

Les mono ou bi-syllabiques indiquent une difficulté à s’exprimer de DG.

Les périphrases hyperboliques « un récit qui me tue » et « un malheur qui n’eût jamais d’exemple » montrent encore sa difficulté à s’exprimer, son malheur indiscible comme évoqué avec « en peu de mots » et met le personnage dans une posture tragique à tous les aspects, la terreur et la ptitié, la fatalité, mais aussi la catharsis puisque les malheurs de DG doivent servir d’exemple pour prévenir la force des passions comme mentionné dans « L’avis de l’auteur ».

On remarque le parallélisme de construction entre ces deux phrases construites avec deux subordonnées relatives hyperboliques qui retardent le récit de la mort de Manon, cette attente accentue la souffrance de DG.

Le pronom « vous » brouille la frontière entre le destinataire, Renoncourt, et le véritable public de ce récit, le lecteur. « Toute ma vie est destinée à le pleurer » montre que DG ne peut pas tourner la page, ce qui l’amène ici, son destin est lié à celui de Manon depuis le début, comme le montre, surtout, le pronom « toute ». « destinée » crée un lien explicite avec le registre tragique, du latin destinare, une idée que l’on retrouve souvent dans la tragédie, depuis Œdipe-Roi, dans lequel Sophocle nous dit « Et qu’aurait donc à craindre un mortel, jouet du destin ? » « Mais, quoique je le porte sans cesse dans ma mémoire, mon âme semble reculer d’horreur, chaque fois que j’entreprends de l’exprimer » : « Je le porte sans cesse dans ma mémoire » montre encore une fois que DG ne peut pas tourner la page, le présent d’habitude et la négation « sans cesse » insistent sur le fait que DG est constamment ramené par son deuil.

DG s’exprime par métaphore en personnifiant l’âme, principe spirituel, en nous faisant voir son « âme » « reculer d’horreur » (hyperbole).

Le présent de narration devient un présent d’habitude dans cette dernière phrase, nous faisant voir sa souffrance persistante. On peut voir une antithèse entre la mémoire, principe physique, et l’âme, principe spirituel, qui est personnifiée, ce qui montre que c’est l’être sentimental de DG qui le fait souffrir, un principe préromantique avec une exaltation des sentiments. Héros tragique endeuillé, victime de la fatalité et d’une noble souffrance qui, par son pathéthique, nous fait ressentir de la compassion et craindre ce récit avant même qu’il commence, DG est une figure préromantique. On remarque d’ailleurs les champs lexicaux du récit « récit, raconte, exprimer » ou encore de la tragédie « malheur, destiné à le pleurer, reculer d’horreur ». II. - - Le récit de l’agonie de Manon « Nous avions passé tranquillement une partie de la nuit.

Je croyais ma chère maîtresse endormie et je n’osais pousser le moindre souffle, dans la crainte de troubler son sommeil.

» : le mouvement s’ouvre sur un plusque-parfait qui nous plonge dans le cadre du récit passé, nous sommes propulsés avant, dans le désert de Louisiane  L’abbé Prévost nous place dans le motif préromantique de la mort dans la nature, à l’écart de la civilsation corrompue.

Le « nous » est la dernière union des amants, c’est la dernière fois qu’il seront désignés par ce pronom.

L’adverbe « tranquillement » introduit une tendresse, mais aussi un répit trompeur et douloureux, de même que le verbe « je croyais » (qui lui n’est que trompeur) teinté d’ironie tragique puisque Manon n’est pas entrain de dormir mais de mourir, la figure du sommeil pouvant être une petite mort : bien qu’ironique, cette figure du sommeil et cette phrase forment l’image d’une mort délicate, pudique.

Manon n’est jamais nommée, sa mort est qualifiée dans le premier mouvement par les périphrases hyperboliques « un malheur qui n’eût jamais d’exemple » ou « un récit qui me tue » : de la même manière, si sa mort est horrifiante, sa vie est idolatrée, ce pourquoi elle n’est aussi qualifiée qu’avec des périphrases, ici « ma chère maîtresse », qui montre la tendresse du chevalier mais aussi un amour qui se traduit par la dépossession de soi, DG se préoccupe de Manon plus que de lui, comme le montre la modalité négative « n’osait pas pousser le moindre souffle », ce qui, rationnellement, le rapprocherait de la mort, tandis que Manon, elle n’est que dans un état où il « craint de troubler son sommeil », ce qui est ironique puisque c’est en fait Manon qui est entrain de mourir.

La posture du chevalier qui retient son souffle accentue donc l’ambiguité entre la mort et le sommeil, avec une allitération en M qui évoque les murmures, les paroles, la douceur « tranquillement, ma maîtresse, endormie, moindre, sommeil ». « Je m’aperçu dès le point du jour, en touchant ses mains, qu’elle les avait froides et tremblantes.

Je les approchai de mon sein, pour les échauffer » : le passage au passé simple « je m’aperçu » montre que l’action va s’accélérer.

On a une opposition entre le « point du jour », qui est symboliquement associé à la vie, au renouveau, et les mains froides et tremblantes, qui annoncent la mort, ce qui accentue la terreur de DG.

Les - - III. - allusions au corps, avec la métonymie « sein », qui désigne le cœur, montre une certaine proximité, une tentative vaine de DG, qui pense que Manon souffre simplement du froid, et les rapproche de son cœur, qui peut laisser entendre qu’il pense que l’amour peut venir à bout de tous les maux. « Elle sentit ce mouvement, et, faisant un effort pour saisir les miennes, elle me dit, d’une voix faible,.... »

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