Introduction de l’analyse linéaire du poème « À la musique » des Cahiers de Douai
Publié le 17/06/2024
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Introduction de l’analyse linéaire du poème « À la
musique » des Cahiers de Douai
Phrase d’accroche
Arthur Rimbaud incarne comme personne d’autre l’idée de rébellion contre l’ordre établi.
Il
rejette fermement le conflit Franco-Prussien qui nait au début de l’année 1870 ainsi que la
bourgeoisie de sa ville, qu’il déteste.
Cette scène d’apparence plutôt banale qu’il raconte dans “À la musique”, un concert un jeudi
soir sur la place publique de Charleville, cristallise en fait sa critique d’une bourgeoisie
satisfaite de sa médiocrité et d’une musique militaire qui commence à résonner un peu trop
fort à son goût.
Présentation de l’auteur
Arthur Rimbaud rêve de liberté, pas de guerre et de compromis bourgeois : il veut renouveler
la poésie et le langage.
L’histoire d’Arthur Rimbaud devient-elle celle d’une fulgurance, d’un cri de révolte, et d’une
fuite constante.
Enfant sage, bon élève, il brille principalement dans les disciplines littéraires.
C’est sa
rencontre avec le professeur Georges Izambard qui va le pousser à s’intéresser à la littérature
en tant qu’artiste.
Commence une quête de liberté pour le jeune Rimbaud.
Quête qui s’exprime par des fugues
répétées, et par une volonté de révolutionner le langage poétique.
Finalement, après des années chaotiques passées aux côtés de Paul Verlaine, à écrire et à vivre
follement, Arthur Rimbaud décide d’arrêter définitivement la poésie.
L’auteur des Illuminations choisit de voyager et de vivre du commerce – et même du trafic
d’armes – avant de mourir, quelques années plus tard, d’une tumeur au genou.
Présentation de l’œuvre
Le poème « À la musique » se trouve dans la première partie du premier recueil d’Arthur
Rimbaud : Cahier de douai.
Ce recueil dont Rimbaud écrit les poèmes à l’occasion de ses
fugues en 1870 ne sera publié qu’après sa mort, en 1919.
Présentation du poème
Dans “À la musique”, Arthur Rimbaud dresse une critique acerbe de la bourgeoisie
carolopolitaine (de Charleville).
Il s’oppose à ces personnages détestables qu’il dépeint à la
fin du poème : lui s’intéresse aux femmes, à l’amour, à la sensualité, surtout pas à la guerre.
Ce long poème en neuf quatrains permet à Rimbaud de décrire ironiquement la société bourgeoise
de la ville qui l’a vu naître et grandir : Charleville-Mézières
Problématique
Pour guider notre explication du poème, nous nous demanderons comment Rimbaud
critique la bourgeoisie et l’armée tout en donnant une définition du poète.
Plan
Pour mener cette analyse linéaire du poème « À la musique » d’Arthur Rimbaud, nous
adopterons un découpage simple en 2 grandes parties.
Le premier mouvement comprend les six premières strophes et peint le tableau d’une
bourgeoisie médiocre profitant d’un orchestre militaire à Charleville.
Le deuxième
mouvement, dans les trois dernières strophes, revient au poète, à l’amour et à la sensualité.
Poème « À la musique » : Texte pour l’analyse linéaire
À la musique
Place de la Gare, à Charleville.
Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.
– L’orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres.
Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
Les gros bureaux bouffis traînant leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;
Sur les bancs verts, des clubs d’épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent : » En somme !… »
Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d’où le tabac par brins
Déborde – vous savez, c’est de la contrebande ; –
Le long des gazons verts ricanent les voyous ;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes…
– Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien ; et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.
Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.
J’ai bientôt déniché la bottine, le bas…
– Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas…
– Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres…
« À la musique » d’Arthur Rimbaud : Analyse linéaire
Mouvement 1 : Le concert sur la place
Strophe 1
Le début du poème se veut très descriptif.
Après la mention du lieu “Place de la Gare, à
Charleville”, les premiers mots du premier quatrain décrivent une place parfaitement
entretenue : “sur la place taillée en mesquines pelouses” ; “Square où tout est correct”.
Mais passé l’aspect purement descriptif, on constate que le vocabulaire utilisé est bel et bien
appréciatif, avec une valeur péjorative.
Aussi l’adjectif “mesquines” revient-il à dire l’avarice
du traitement du paysage, le peu de place laissé à la nature.
Aussi, le “Square” est intéressant de par son sens en anglais (carré).
Dès la description de la
place, le poète insiste donc sur le rigorisme et l’esprit étriqué de son aménagement.
Cette
étroitesse d’esprit, celle qui veut que tout soit correct (“tout est correct”), c’est la bourgeoisie.
Dès le troisième vers, le nombre des bourgeois présents est exagéré par l’hyperbole “Tous les
bourgeois”.
Ces individus sont moqués par le poète : ils sont “poussifs”, et en surpoids, car la
“chaleur” les “étrangle”.
Enfin, le verbe “portent” au vers 4 est conjugué au présent, temps utilisé ici pour sa valeur
itérative.
Le poète se moque de l’unique activité à laquelle les bourgeois de Charleville se
rendent chaque semaine, tous “les jeudis soirs” : le concert sur la place.
Enfin, l’hypallage “bêtises jalouses” (la jalousie devrait qualifier les bourgeois, pas la bêtise)
montre que ces personnages sont si stupides aux yeux du poète qu’ils se confondent avec leur
bêtise, tant elle fait partie d’eux.
Strophe 2
Les premiers mots de la deuxième strophe introduisent l’autre instance que critique Rimbaud
dans ce poème : l’armée.
En effet, l’orchestre venu jouer est un “orchestre militaire”.
Il
“balance ses schakos” (des couvre-chefs militaires) et fait jouer des “fifres” (instrument utilisé
dans l’armée).
On remarque ici la familiarité du vocabulaire utilisé par Rimbaud : “balance ses schakos”.
Cette familiarité trahit le peu d’estime du poète pour l’armée, et montre aussi qu’il les
considère comme vulgaires et peu éduqués.
Cependant, Rimbaud continue son portrait détaillé de la bourgeoisie présente sur la place : “le
gandin” ; “le notaire” ; puis dans les strophes suivantes “Des rentiers” ; “Les gros bureaux” ;
les “grosses dames” ; “des clubs d’épiciers retraités”.
Le poète veut souligner le fait que toute la bourgeoisie carolopolitaine se trouve réunie sur la
place de la gare.
Mais ajoutons, si l’on regarde la manière dont est décrite cette bourgeoisie, que son avarice
est mise en avant, notamment par l’emploi du lexique de l’économie : “notaire” ; “breloque à
chiffres” ; puis dans les strophes suivantes “rentiers” ; “réclames” ; “épiciers” ; “traités” ;
“argent” ; “somme”.
Enfin, ce qui ressort de l’attitude des bourgeois, c’est l’envie d’être vus, regardés, admirés :
“aux premiers rangs, parade le gandin”.
Strophe 3
La critique s’accentue dans cette strophe : les “rentiers” sont présentés comme d’odieux
personnages qui ne savent se mettre en avant qu’en rabaissant les autres.
En effet, ils
“soulignent tous les couacs de l’orchestre” (ils font remarquer chaque fausse note).
Les employés de bureau sont décrits uniquement par l’intermédiaire de leur travail, comme
s’il n’avait aucune valeur en dehors.
Pour cela, Rimbaud utilise la synecdoque : “Les gros
bureaux”.
De plus, dans ce vers, puis par la suite, Rimbaud se moque du surpoids de la bourgeoisie :
“gros” ; “bouffis” ; “grosses” ; puis “épatant” ; “rondeurs” ; “bedaine”.
On peut presque lire un parallélisme entre “les gros bureaux” et “leurs grosses dames” :
Rimbaud les place tous dans la même catégorie.
Notons, toujours au sujet de la moquerie du surpoids, que les “officieux cornacs” auxquels
sont comparées certaines dames (“celles dont les volants ont des airs de réclame”) désigne des
conducteurs d’éléphants !
Enfin, en affirmant que les volants des robes des dames ont des airs de réclame (publicité),
Rimbaud souligne la vulgarité des femmes bourgeoise qu’il observe sur la place.
Strophe 4
Dans cette strophe, Rimbaud revient rapidement sur un thème abordé au début du poème :
celui de la nature dénaturée par l’homme.
En effet, le vert, normalement celui de l’herbe et
des arbres, est maintenant celui des “bancs verts”, la “pomme” se retrouve sur la “canne” des
épiciers.
Rimbaud critique ici le manque de naturel de la bourgeoisie qui préfère tailler en “mesquines....
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