Gil Blas de Santillane d’Alain-René Lesage Commentaire
Publié le 03/11/2022
Extrait du document
«
Un étrange médecin
Gil Blas de Santillane d’Alain-René Lesage
Commentaire
Architecture du texte :
Le texte suit l’ordre chronologique.
Lignes 1 à 6 : sorte d’introduction à la scène.
-
Lignes 1 à 3 : Nouveau jour, nouvel épisode.
Début de journée assez rapide = sommaire.
Lignes 3 à 6 : Considérations générales du narrateur-personnage qui préparent la scène qui
suit.
Lignes 6 à la fin : scène dont la tension va crescendo
-
Lignes 6 à 20 : confrontation polie des deux médecins.
Gil Blas est mal à l’aise face à l’ironie
polie de Cuchillo.
Lignes 20 à 38 : diagnostic et traitement à donner au malade.
Gils Blas se trompe et tente de
s’en sortir avec assurance (cou de bluff).
Lignes 38 à 56 : Il réussit à faire sortir Cuchillo de son ironie.
Les deux médecins en viennent
aux invectives puis aux coups.
Problématiques :
-
Nous verrons comment Lesage, dans cet extrait de roman picaresque, fait une satire féroce
des médecins, à travers une scène comique qui tend à la caricature.
Gil Blas se comporte-t-il en héros ? Gil Blas, héros ou anti-héros ?
Caricature ou réalisme avant l’heure ?
Faut-il prendre ce texte au sérieux ?
Commentaire linéaire :
Cet extrait de roman s’apparente à une scène de genre en peinture, c’est-à-dire la
représentation d’une scène à caractère anecdotique ou familier.
Ici, le lecteur est plongé dans un
intérieur bourgeois et assiste à une scène anecdotique et très visuelle, l’accrochage verbal et physique
de deux médecins.
La progression est chronologique.
Le point de vue est interne : tout est vu depuis
Gil Blas, le narrateur-personnage.
Lignes 1 à 3 : « Le lendemain » : C’est un des épisodes de l’histoire mouvementée d’un jeune homme
en quête de fortune, Gil Blas, prêt à tout pour parvenir.
Ici, il est devenu, sans avoir rien étudié de la
médecine, disciple du docteur Sangrado.
Il joue donc un rôle comme au théâtre.
Cette scène est donc
assez théâtrale et, par bien des aspects, très caricaturale.
Il visite des malades et reverse une partie de
l’argent récolté à Sangrado.
« dès que j’eus dîné » : hâte à faire fortune.
« je repris mon habit de
substitut » : il est « substitut », c’est-à-dire adjoint de Sangrado ; il agit en son nom.
Jeu de mot : il se
substitue à un vrai médecin ; Gil Blas est un imposteur.
L’habit très reconnaissable que portaient les
médecins fait d’ailleurs penser à un costume de théâtre : GB joue un rôle ; c’est un hypocrite (ce mot
vient du grec, langue dans laquelle il peut avoir le sens d’acteur, de comédien).
« je me mis en
campagne » = cynisme (impudence, immoralité) de GB qui bafoue toute morale : il conçoit son métier
de médecin comme une entreprise commerciale, voire comme une guerre (métaphore : faire une
campagne militaire), ce qui est assez paradoxal pour quelqu’un qui doit sauver des vies.
La phrase
1
suivante montre l’aberration de sa pratique et l’auto-ironie de GB : il y a antithèse entre « plusieurs »
et « tous de la même manière ».
La concession finale (« bien que… ») montre que GB est très lucide
sur sa méthode.
Il ne fait d’ailleurs que suivre celle de Sangrado, qui soigne toute maladie avec de l’eau
chaude et des saignées.
Lignes 3 à 6 : « les choses » = sorte d’euphémisme pour parler de ses pratiques plus que douteuses.
« grâce au ciel » : expression figée mais qui a un effet comique quand on lui restitue son sens initial.
En effet, il remercie, paradoxalement, le ciel de protéger ses crimes.
GB fait de l’auto-dérision : il parle
par antiphrases (ironie).
Il faudrait plutôt dire : « grâce au diable ».
Dans ce même esprit, GB se
présente de manière burlesque presque comme Dieu lui-même qui régit le monde par ses
« ordonnances ».
« mais quelque que… » = concession ironique : là encore, il parle par antiphrase, car
il a bien conscience que sa pratique est très mauvaise.
Il fait aussi une satire des médecins, imbus de
leur méthode et convaincus de son efficacité.
« censeurs et envieux » : annonce de la suite ; c’est
Cuchillo et ses semblables qui sont visés par ces termes.
GB s’exprime comme un médecin bafoué dans
son amour-propre mais il ne pense nullement ainsi.
Lignes 6 à 8 : « un marchand épicier » = quelqu’un qui fait commerce des épices ; c’est donc un riche
bourgeois, qui a les moyens de faire venir deux médecins.
Il est vrai que l’enjeu est énorme et qu’il ne
peut lésiner sur les moyens : la vie de son fils est menacée car l’hydropisie est l’épanchement de
sérosité dans une cavité naturelle du corps, un épanchement entraînant des œdèmes généralisés.
La
situation est donc digne de pitié (registre pathétique) mais les médecins impudents vont transformer
la chambre du petit malade en terrain d’affrontement de leurs egos et bafouer ainsi la douleur du père
et la dignité du fils.
« Cuchillo » veut dire « couteau » en espagnol : nom comique quand on voit
l’affrontement qui suit.
Les deux médecins sont « à couteaux tirés ».
Le médecin n’est pas un sauveur
mais un tueur.
C’est peut-être aussi une allusion à la pratique médicale généralisée de la saignée.
« un
petit médecin brun » : aspect inoffensif et quelque peu comique car son physique ne convient pas un
grand (sens figuré) médecin.
Lignes 8 à 11 : « Je fis de profondes révérences à tout le monde » : GB doit attirer d’autant plus les
bonnes grâces qu’il est un imposteur.
Il se comporte comme un comédien.
Il doit flatter le maître de
maison pour avoir de bons émoluments et surtout Cuchillo, qui doit être plus compétent que lui.
La fin
de la phrase est compliquée et embarrassée, à l’image de l’embarras de GB, qui multiplie les
salamalecs.
Attitude impénétrable de Cuchillo, qui dévisage GB.
Le point de vue interne permet de
partager les inquiétudes du narrateur.
Lignes 12 à 20 : Les propos de Cuchillo sont fielleux, à double entente.
Sous la politesse (« je vous prie
de… »), perce l’ironie.
Cuchillo a bien compris que GB était un imposteur, ne serait-ce que par ses
salutations embarrassées.
Il ne peut l’attaquer de front mais s’arrange pour le déstabiliser.
GB va avoir
fort à faire pour parer ses attaques mais il est intelligent et effronté.
Il adopte donc d’abord une
attitude humble.
Il prend Sangrado comme paravent, moyen efficace dans un tout premier temps,
dommageable dans un second car il est l’ennemi de Cuchillo.
« Sangrado » signifie « saignement » en
espagnol, allusion....
»
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