Fiche – lecture analytique : « Une Charogne », Les Fleurs du mal (1857), C. Baudelaire
Publié le 16/10/2022
Extrait du document
«
Fiche – lecture analytique : « Une Charogne », Les Fleurs du mal (1857), C.
Baudelaire
Notes introductives : situé dans la section « Spleen et Idéal », dans une série de poèmes lyriques
célébrant l’amour, le désir et le corps féminin ; le titre « Une charogne » produit une rupture.
Poème
de 12 quatrains d’alexandrins alternés avec des octosyllabes, aux rimes croisées, qui commence
comme un poème lyrique amoureux et évoque un cadavre pourrissant.
Une reprise ironique du motif
du memento mori qui a différents enjeux, renouvelle le thème en lui donnant une signification
complexe.
Problématique : Comment Baudelaire, à travers cette évocation de la charogne, renouvelle-t-il le motif du
memento mori en en en faisant un manifeste esthétique ?
I.
Une description macabre au ton grinçant, ironique
1) Un poème macabre
- Description repoussante.
Accentue les détails répugnants.
Décrit avec force adjectifs qui insistent sur cet
aspect : « horrible infection », « charogne infâme ».
Description provocatrice qui suscite l’écœurement.
Une
sorte de complaisance macabre dans le spectacle du laid (« Le soleil rayonnait sur cette pourriture », avec
l’allitération)
- Evoque le corps mort sous tous ses aspects : « les ossements et le squelette (« carcasse » « squelette »
« ossements ») et les insectes grouillants sur la charogne : « mouches » « bourdonnaient » ; « larves » ;
« vermine » : accumulation.
Charognard plus gros : le chien : le dernier détail qui donne le coup de grâce….
En plus, celles-ci sont décrites dans une sorte de souffle épique, amplifié : « noirs bataillons de larves » :
mise en valeur du nombre, « tout cela montait comme une vague » « ce monde » : la description réaliste vire
carrément à l’hallucination
• Dans le spectacle de la charogne, un élément est décrit avec fascination, voire jubilation et
gourmandise : la décomposition (d’ailleurs cela clôt le poème : « décomposées ») : le corps se
désagrège et se liquéfie (« suant », « larves, qui coulaient comme un épais liquide » (avec un
enjambement qui mime bien cet écoulement)
• Insiste surtout sur les odeurs « suant les poisons », « plein d’exhalaisons », « ventre putride » (à la
rime) », « la puanteur était si forte », avec un intensif, et l’idée de quelque chose d’insoutenable, qui
provoque l’évanouissement), mais aussi l’« étrange musique » (+ « bourdonnait »).
Evocation
sensuelle.
2) Une tonalité très ironique
• Ton un peu précieux en décalage avec cette réalité macabre et atroce.
Ou alors vocabulaire décalé :
« comme afin de la cuire à point », terme trivial et de cuisine, associe presque la charogne à un plat
appétissant : écœurant ! (voir aussi « le morceau qu’elle avait lâché ».
De même périphrase
précieuse, solennelle pour désigner la décomposition : « Et de rendre au centuple à la grande
Nature/Tout ce qu'ensemble elle avait joint » : pour indiquer que le corps part en mille morceaux, on
a une formulation décalée, grandiloquente (périphrase +assonances en « an »).
Un écart tout à fait
surprenant, qui devient ironique
• On associe la charogne à des termes tout à fait incongrus.
Jeux d’oppositions surprenantes.
Oxymores (« carcasse superbe »), proximité d’expressions en opposition : « Le soleil rayonnait /sur
cette pourriture » (allitération), « beau matin d'été si doux » précède de « charogne infâme» ou «
pourriture » et « la grande Nature ».
Comparaison pour le moins ironique : « comme une fleur
s’épanouir » : normalement associé à la vie, pas du tout associée à ce type de motif.
Associée aux
odeurs positives, à la beauté, etc.
Une comparaison étonnante entre un corps mort, informe, et une
femme vivante animée de désir « comme une femme lubrique », « les jambes en l’air », « sur un
lit », « brûlante »
• Reprend donc un motif en le radicalisant dans la description de l’horreur, et en prenant ses distances
amusées et grinçante vis-à-vis de ce spectacle.
Sorte de jouissance dans la description de l’horreur.
Transition : Pourquoi ?
II.
Les enjeux du mémento mori baudelairien
1) Un rappel de la mortalité
- Poème construit comme un petit apologue, une fable.
Un récit, circonstancié (complément de temps, de
lieu « Ce beau matin d’été si doux/ Au détour d’un sentier » : dramatisation), développement, puis
conclusion, enseignement général à partir du tiret, séparée : « - Et pourtant vous serez semblable à cette
ordure ».
Effet de chute, dimension brutale de l’annonce.
Souligne la surprise par le connecteur « et
pourtant ».
Apparition de la mort dans un endroit bucolique, comme une vanité.
Même les plus belles choses
sont vouées à la pourriture.
Aucune atténuation dans l’évocation du corps de la femme aimée qui va
« moisir ».
La chienne semble attendre la femme vivante comme la charogne, comme une menace.
- Femme aimée promise à la mort (futur de l’indicatif de la certitude).
Annonce extrêmement cruelle de la
mort prochaine : insistance, exclamation (« oui ! telle vous serez »).
Dimension cruelle de l’adresse directe à
la deuxième personne.
Ici ne se conclut pas en demande amoureuse comme chez Ronsard, mais provoque
une réflexion trouble sur l’amour + effacement total de la beauté à travers l'absence de mention d'une
quelconque beauté encore préservée (celle de la femme : non évoquée / celle de l'animal réduit à l'état de
charogne : inaccessible)
2) Un détournement parodique de la poésie lyrique amoureuse
- Détournement des codes habituels de la poésie romantique et plus loin de toute la tradition lyrique qui
exalte l’amour idéalisé.
Le premier vers rappelle la poésie romantique élégiaque, par exemple les vers du
poème « Le Lac » de Lamartine (« Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence»).
Dimension un peu
ridicule de l’allitération en « m » : «L’objet que nous vîmes, mon âme ».
Evocation d’images de la nature
bucolique romantique (« comme l’eau....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Fiche de lecture: Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire
- Lecture Linéaire N°11 Charles Baudelaire, Fleurs du Mal, Texte Intégral, « Tableaux parisiens » « Le Soleil »
- Baudelaire- Les fleurs du mal (analyse du reccueil) - 2
- carnet de lecture Les fleurs du mal
- A une passante des Fleurs du Mal de Baudelaire