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Explication linéaire n° 1 : texte associé au parcours « Théâtre et stratagème» extrait de Tartuffe de Molière, acte IV, scène 5, v.1437-38, 1447-1452, 1479-1488 et 1495-1506

Publié le 16/10/2022

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« Explication linéaire n° 1 : texte associé au parcours « Théâtre et stratagème» extrait de Tartuffe de Molière, acte IV, scène 5, v.1437-38, 1447-1452, 1479-1488 et 1495-1506 : 1.

v.

1437 à 1451 : Une stratégie payante : Tartuffe avoue à Elmire son désir pour elle + la didascalie du v.1452 qui est le signal convenu entre Elmire et Orgon et qui annonce le 3ème mouvement ; TARTUFFE.

– C’est sans doute, Madame, une douceur extrême Que d’entendre ces mots d’une bouche qu’on aime.

[…] Et, s’il faut librement m’expliquer avec vous, Je ne me fierai point à des propos si doux, Qu’un peu de vos faveurs1, après quoi je soupire, Ne vienne m’assurer tout ce qu’ils m’ont pu dire, Et planter dans mon âme une constante foi Des charmantes bontés que vous avez pour moi. Explication linéaire : ELMIRE.

Elle tousse pour avertir son mari.

– […] Cette didascalie est capitale pour la compréhension de la situation et elle résume bien toute la stratégie d’Elmire pour démasquer Tartuffe : en effet, elle utilise ce moyen pour avertir Orgon qu’il doit à présent sortir de sa cachette (ce que ce dernier tardera à faire, bien après la fin de notre extrait).

Le principe de la double énonciation est au cœur de cette scène car l’échange, en apparence secret, entre Tartuffe et Elmire, est en réalité observé et écouté à la fois par Orgon et par le public : ce procédé du témoin caché place le spectateur dans une grande complicité avec les personnages au centre de ce dispositif (Elmire et Orgon) et présente un exemple de « théâtre dans le théâtre » puisqu’Elmire joue la comédie face à Tartuffe.

De plus, cette situation revêt une fonction comique évidente : la présence du mari sous la table pendant que sa femme se fait courtiser par un autre, a fortiori un homme d’Église, relève du genre de la farce et du vaudeville. Pensant qu’il est seul avec Elmire, Tartuffe lui avoue son désir : il utilise le langage de la galanterie, le vocabulaire précieux de la séduction amoureuse comme cela est de mise à l’époque : « douceur extrême », « bouche qu’on aime » (le verbe aimer a ici un sens proche de plaire, désirer), « propos si doux », « faveurs », « charmantes bontés » ; dans ce mouvement, les propos sont galants et les avances sont faites à demi-mots ; Tartuffe se montrera plus audacieux dans le mouvement suivant avec les termes « contentements » et « désir ». Mais, en parallèle, il affirme que, plus que des « mots », il sollicite désormais des actes de la part d’Elmire (« un peu de vos faveurs ») : même s’il utilise un vocabulaire appréciatif pour évoquer les propos de la jeune femme comme « douceur extrême », la métonymie « bouche qu’on aime » et « propos si doux » avec l’accentuation de l’intensif « si », il réclame des preuves de l’attirance d’Elmire, autrement dit un rapport charnel, et oppose les paroles (« mots, bouche et propos ») et les gestes (« faveurs »).

L’utilisation de la négation absolue (« Je ne me fierai point à des propos si doux ») et du lexique de la certitude (« m’assurer », « planter » au sens figuré, « constante ») insistent sur l’impatience et la détermination du faux dévot qui mettent Elmire momentanément en danger car elle va peut-être être contrainte de céder à Tartuffe.

De nombreuses mises en scène de ce passage montrent souvent le faux dévot en train de « joindre le geste à la parole », de se rapprocher physiquement d’Elmire. La scène peut faire rire par le décalage entre le rang social d’Orgon, père de famille, homme riche et figure d’autorité dans sa maison, et sa posture ridicule, caché sous la table sur ordre de sa femme.

L’inversion des rôles est également amusante : on s’attendrait à ce que l’amant se cache du mari, mais ici c’est Orgon qui espionne celui qui pourrait devenir l’amant de sa femme. 2.

v.

1479 à 1496 : Tartuffe expose ouvertement son immoralité et son hypocrisie religieuse ; Mais comment consentir à ce que vous voulez, Sans offenser le Ciel, dont toujours vous parlez ? TARTUFFE.

– Si ce n’est que le Ciel qu’à mes vœux on oppose, Lever un tel obstacle est à moi peu de chose, Et cela ne doit pas retenir votre cœur. ELMIRE.

– Mais des arrêts2 du Ciel on nous fait tant de peur ! TARTUFFE.

– Je puis vous dissiper ces craintes ridicules, Madame, et je sais l’art de lever les scrupules. Le Ciel défend, de vrai, certains contentements ; (C’est un scélérat qui parle.) Mais on trouve avec lui des accommodements […] « Le Ciel » est mentionné à quatre reprises dans ce passage, notamment dans une interrogative partielle (« Mais comment consentir à ce que vous voulez, /Sans offenser le Ciel, dont toujours vous parlez ? ») et une exclamative (« Mais des arrêts du Ciel on (valeur élargie de ce pronom qui désigne l’église) nous fait tant de peur ! ») d’Elmire car cela lui permet d’évoquer les préceptes chrétiens censés régir sa vie et a fortiori celle de Tartuffe qui est dévot, comme elle le rappelle avec la proposition relative « le Ciel, dont toujours vous parlez » où elle oppose à la rime les verbes « voulez » (en référence aux avances de Tartuffe) et « parlez » (en référence à ses propos pieux).

Elle met ainsi en regard les paroles de celui-ci et ses actes pour les questionner, sur le même modèle que les propos qu’il a tenus dans les vers précédents. L’empressement d’Elmire à invoquer le Ciel afin de dévoiler l’hypocrisie de Tartuffe est contrebalancé par le manque de considération de ce dernier qui semble balayer aisément ses scrupules.

Il emploie ainsi une tournure négative restrictive : « Si ce n’est que le Ciel », renforcée par l’expression « peu de chose » au vers suivant et les qualifie ensuite de « craintes ridicules » ; l’emploi de cet adjectif dépréciatif pour évoquer les dogmes religieux est déjà blasphématoire. Pour lui, la religion devient même une gêne pour obtenir Elmire, comme le souligne le parallélisme de construction : « Lever un tel obstacle » et « l’art de lever les scrupules ». Tartuffe insiste à plusieurs reprises sur le fait qu’il a le pouvoir (« je sais l’art ») de contourner les règles de l’Église, ce que souligne par exemple : « Le Ciel défend, de vrai, certains contentements (les plaisirs charnels avec une femme mariée, qui plus est !) ; / Mais on trouve avec lui des.... »

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