explication linéaire de sous le pont mirabeau.
Publié le 03/11/2022
Extrait du document
«
Sous le pont Mirabeau
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Sous le pont Mirabeau, Alcools, Guillaume Apollinaire, 1913
Explication linéaire
« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve » (Héraclite VIème av.
JC).
Cet
aphorisme présente dès l’antiquité une image linéaire du temps qui passe, inexorablement, Tempus
Fugit (le temps s’enfuit), Never More disent les Anglais.
Cette fuite du temps est un motif
d’inspiration souvent associé aux amours perdus dans la tradition poétique.
On peut se souvenir du
« O temps suspends ton vol ! » du très romantique Lamartine qui déjà prenait à témoin et implorait
les eaux bucoliques du lac du Bourget dans son célèbre poème Le Lac.
Apollinaire préfère les eaux
mouvantes de la Seine et le Pont Mirabeau qu’il empreintait régulièrement du temps de sa liaison
avec l’artiste peintre Marie Laurencin.
Ce pont donne son titre au plus célèbre des poème d’Alcools
et qui fait suite à Zone, déjà parisien, écrit en vers libres.
Juste après dans le recueil, l’auteur
semble renouer avec
une versification plus traditionnelle et pourtant d’emblée la modernité
s’impose avec l’absence de ponctuation.
Il serait donc intéressant de voir comment Guillaume
Apollinaire renouvelle le topos élégiaque des amours enfuies et du temps assassin.
Plan fondé sur le mouvement du texte :
Le texte, scandé par le retour d’un refrain en distique, comporte quatre quatrains où, après
l’évocation du pont lui rappelant son amour passé (premier quatrain), le poète évoque la lassitude
qui s’installe dans le couple (deuxième quatrain), puis la fuite de l’amour (troisième quatrain), et
enfin la fuite du temps qui laisse cet amour dans un passé inaccessible (quatrième quatrain).
Explication linéaire :
L’évocation du pont lui rappelle son amour passé (premier quatrain) :
Les quatrains sont en fait des tercets à la base (voir le manuscrit) : les vers 2 et 3 de chaque strophe
sont en fait un décasyllabe coupé en deux (4 + 6).
Il s’agit là encore d’une volonté de donner une
forme moderne à la strophe tant par la mise en page et avec le choix de casser le rythme traditionnel
des décasyllabes, ce qui a chaque fois crée une rime orpheline.
L’espace
Le complément circonstanciel initial indique un lieu « sous le pont Mirabeau » (v.1).
Ce pont
constitue un cadre moderne (ouvrage métallique, sa construction s’achève en 1896), dans un
environnement urbain, Paris, la tour Eiffel figurait dans Zone précédemment, cependant la ville
n’est pas évoquée davantage dans la suite du poème.
C’est aussi un élément autobiographique qui renvoie à la relation du poète avec Marie Laurencin,
ils empreintaient ce pont régulièrement à l’époque de leur liaison.
Enfin le pont est un symbole de la fixité, il est immobile et barre le cours du fleuve.
Il représente
aussi la récurrence du quotidien, ce sera dans le poème le lieu du souvenir, verbe présent d’emblée
au vers 2.
Le temps
L’auteur associe dès le début du poème l’amour à la Seine qui passe comme le temps, éternellement
comme l’indique le verbe au présent de généralité: « coule » (v.1).
Le pluriel de « nos amours » (v.2) peut être vue comme une expression vieillie qui se rapporte à la
relation entre l’auteur et Marie Laurencin mais il peut aussi prendre une valeur universelle
Il s’agit pour le poète d’une tentative pour remonter vers un passé heureux (verbe à l’imparfait
« venait » (v.4)), il se l’impose au présent avec une injonction interrogative ou pointe l’incertitude
« faut t’il qu’il m’en souvienne ? » (v.3) et la lassitude avec le choix du verbe « falloir » (v.3).
La
tournure impersonnelle qui fait l’impasse sur l’emploi du « je » renforce la tonalité universelle de
même les articles définis « le, la».
L’élégie s’impose au d’emblée avec la rime « souvienne/peine » (v.3-4) , elle relie le souvenir à la
déploration.
Cet amour orageux trouvait son équilibre (imparfait itératif) en quelque sorte dans une
compensation de la peine par la joie.
Dans cette antithèse, la joie est présentée dans le vers en
première position, comme sujet du verbe, alors qu’elle vient après (« La joie venait toujours après
la peine »).
Le mètre choisi pour le distique, l’heptasyllabe, montre là aussi une volonté de modernité héritée de
l’ « Art poétique » Verlaine (« De la musique avant toute chose, / Et pour cela préfère l'Impair /
Plus vague et plus soluble dans l'air »).
Cette sorte de refrain au rythme fluide oppose un souhait ou
une hypothèse ou une concession (avec deux subjonctifs « vienne, sonne » = « (que) vienne la nuit,
(que) sonne l’heure ») à la réalité de l’indicatif « Les jours s’en vont je demeure ».
Le parallélisme
de construction « Vienne la nuit sonne l’heure » associe....
»
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