Explication linéaire de “Sonnet” de Charles Cros dans Collier de griffes
Publié le 02/11/2022
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Explication linéaire n°16 “Sonnet” de Charles Cros dans Collier de griffes
Le thème de l'incompris parcourt la poésie de la 2e moitié du 19e siècle.
Le poème “Sonnet” qui constitue
la dernière pièce du recueil Collier de griffes est un poème bilan en octosyllabes définissant la situation inadaptée
du poète incompris.
Ce décalage est à l'image de Charles Cros, marqué par des échecs nombreux, sur le plan
sentimental, littéraire et scientifique.
Peu remarqué en tant que poète, méconnu comme inventeur (il fut pourtant à
l'origine du phonographe et de la photographie en couleurs) Cros mena une vie peu à la hauteur de ses ambitions.
Ses recueils traduisent ses déceptions, le sentiment d'être toujours à côté, une certaine forme d'inadaptation à la
société.
Poète maudit, provocateur et fantaisiste, il se révèle dans “Sonnet” comme l'archétype de l'incompris
inspiré.
Extrait du recueil Collier de griffes, dont le titre imagé suggère blessures et combats, le poème “Sonnet”
est consacré à la situation d'un marginal, incompris et décalé, le poète lui-même.
Lecture
Mouvements: mvt 1 constat d'un décalage illustré par plusieurs situations dans les deux premiers quatrains (v.1 à
v.7)// mvt 2 l'expression d'un espoir consolateur (v.8 à la fin)
En quoi le poème “Sonnet” est-il alchimique?
Moi, je vis la vie à côté,
Pleurant alors que c'est la fête.
Les gens disent : Comme il est bête!
En somme, je suis mal coté.
Le sonnet s'ouvre sur un constat: “Moi, je vis la
vie à côté v.1/ Le poète reconnait et martèle à la
première personne du singulier et au présent de
l'indicatif son inadaptation durable dans une
succession de monosyllabes:”Moi je vis la vie”.
L'expression “à côté”, à laquelle répond en écho et
sous forme de jeu de mot le groupe adjectival “mal
côté” du V.4 insiste sur cette impression de
décalage.
Mais la présence du pronom personnel à
la forme tonique “Moi” au début de poème sonne
comme la revendication active de la personne du
poète inadapté.
Certes il est marginal mais c'est ce
qui fait de lui un créateur assumé.
Ce décalage souligné par le rapprochement sous
forme de pléonasme de “vis”/”vie” v.1 est illustré
dans la suite du
sonnet par des évocations
répétées de situations, d'actions ou de lieux
contradictoires:
- le V.2 “pleurant alors que c'est la fête” présente
une situation contradictoire: opposition entre la
tristesse du poète et l'ambiance festive qui l'entoure
marquée par la proposition subordonnée de
concession introduite par la locution conjonctive
“alors que”.
Mais cette sensibilité n'est-elle pas la
force du poète?
-le poète est en décalage et perçoit le mépris du
monde qui l'entoure en le rapportant directement
pour le faire entendre de manière autenthique dans
une courte exclamation: “Comme il est bête!” v.3
On s'adresse à lui à la 3e personne, on l'insulte sans
qu'il n'ait un droit de réponse.
C'est un poète
maudit déprécié par “les gens”.
Le poète rappelle qu'il est un être marginal,
méprisé socialement dans une forme de courte
conclusion au v.4 “En somme, je suis mal côté”.
J'allume du feu dans l'été,
Dans l'usine je suis poète ;
Pour les pitres je fais la quête.
Le 2e quatrain développe par une suite d'exemples
précis juxtaposés l'image d'un être en constant
déséquilibre mais qui tente de réunir les contraires
par une forme d'alchimie:
tout d'abord on peut imaginer que l'alchimie est
créée par le chiasme:
J'allume du feu dans l'été,
Dans l'usine je suis poète ;
certes ce chiasme montre que le poète n'est jamais
là où il faut ni quand il faut: allumer du feu en été,
difficulté d'être un être sensible au Beau dans un
monde industriel mais le chiasme poétique réunit
les contradictions.
Ainsi:
“j'allume du feu dans l'été”, montre aussi que le
poète est un créateur d'énergie; le temps devient un
espace “dans l'été”.
Le poète se place dans une
situation ascendante, recherche une élévation
comme le suggère le motif de la chaleur, connotée
par les termes “feu”, “été”, “flammes”.
Il est à la
fois créateur de vie mais aussi de mort.
Ce que l'on
retrouve avec les doubles connotations des
substantifs “feu” et “flamme” (qui connotent vie
mais aussi destruction)
l'assertion “dans l'usine, je suis poète” révèle que la
création esthétique naît malgré la rudesse....
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