Dissertation Sylvain Tesson, dans Un été avec Rimbaud
Publié le 08/06/2024
Extrait du document
«
Sylvain Tesson, dans Un été avec Rimbaud (2021), écrit : « Rimbaud est un barbare.
Son
but : détruire l’ordre classique et, sur les ruines du temple, bâtir du nouveau.
»
Vous commenterez et discuterez cette citation à la lumière de votre lecture des Cahiers
de Douai.
Problématique
Peut-on dire qu’Arthur Rimbaud fait table rase de la poésie classique pour créer une
poésie moderne dans les Cahiers de Douai ?
I.
Un recueil qui porte en lui les germes d’une poésie moderne
a.
Certains poèmes abordent des sujets inattendus et jouent avec les attentes du
lecteur.
Même s’ils demeurent minoritaires dans le recueil, certains poèmes des Cahiers de
Douai peuvent en effet surprendre le lecteur sur le plan thématique.
Tout d’abord, certaines
pièces apparaissent comme très prosaïques dans les sujets traités.
Ainsi, «Le Buffet», «La
Maline» ou «Au Cabaret-Vert» élèvent au rang de poésie des objets du quotidien et des scènes
de genre banales de la vie de tous les jours.
Dans « Rêvé pour l’hiver », il fait du train, moyen
de transport moderne par excellence, le lieu d’une rêverie amoureuse.
En outre, Arthur
Rimbaud n’hésite également pas à jouer avec les attentes du lecteur en écrivant, sous des
titres évoquant la poésie classique, des textes surprenants.
Ainsi, dans «Venus anadyomène», il
transforme avec ironie la naissance de la déesse de l’amour en la description d’une femme
repoussante sortant de son bain, et joue ainsi avec les références mythologiques.
Enfin, il fait
pleinement entrer l’adolescence en poésie
b.
Arthur Rimbaud, dans ce recueil, prend quelques distances avec la forme
poétique dite «traditionnelle».
Tout d’abord, certains longs poèmes comme «Soleil et Chair» ou encore «Le Forgeron»
se distinguent par leur irrégularité formelle.
Dans «Le Forgeron», les strophes se libèrent de
toute forme fixe établie pour donner lieu à un long poème dialogué.
Dans «Soleil et Chair», des
strophes de longueurs différentes se succèdent sans régularité, parfois entrecoupées de lignes
pointillées.
Dans « Rêvé pour l’hiver », l’hétérométrie ne respecte aucun schéma vu auparavant
et présente un aspect très irrégulier.
Ensuite, sur le plan de la versification, Rimbaud multiplie
les enjambements, rejets et contre-rejets, ce qui empêche toute synchronisation de la syntaxe
et de la versification, et donne de la fluidité et de la modernité à la phrase poétique.
Dans «Au
Cabaret-Vert», par exemple, il poursuit la cinquième phrase du vers 7 au vers 14, gommant
ainsi la distinction traditionnelle entre les quatrains et les tercets et faisant presque oublier au
lecteur qu’il s’agit d’un poème à forme fixe.
Dans les poèmes plus tardifs, Rimbaud se permet
parfois de ne pas respecter la césure à l’hémistiche (v.
2 du « Mal », v.
6 du « Buffet »…).
c.
Sur le plan du lexique, Arthur Rimbaud se montre novateur dans certains
poèmes des Cahiers de Douai.
Rimbaud innove effectivement sur le plan lexical dans certains poèmes.
Tout d’abord, il
intègre parfois des termes prosaïques à ses vers, donnant ainsi lieu à une forme de poésie
nouvelle, entre lyrisme et trivialité.
Dans «Les Reparties de Nina», par exemple, la réplique
finale « — Et mon bureau ? » crée un effet de chute après l’envolée lyrique du jeune amoureux.
À plus forte raison encore, dans «Venus anadyomène», la rime finale entre «Venus» et «anus»
(terme très peu utilisé en poésie) fait basculer le sonnet dans la trivialité et la scatologie.
En
outre, le jeune poète utilise parfois ponctuellement une langue très orale.
Elle comporte des
familiarités inhabituelles en poésie comme les interjections «Peuh» («Le Châtiment de
Tartufe», v.
14) et «Oh! là! Là!» («Ma bohème», v.
4) ou encore des fautes de langue.
Ainsi, il
emploie l’adverbe ardennais «malinement» pour «malignement» dans «Première Soirée» (v.
4
et 32), et l’expression incorrecte «Une froid sur la joue» dans «La Maline» (v.
14), afin de
compléter le portrait populaire de la serveuse peu farouche.
Arthur Rimbaud va même jusqu’à
utiliser l’argot dans certains poèmes: «Merde à ces chiens-là!» («Le Forgeron», v.
171), «culs»
(«Les Effarés», v.
3).
II.
Un recueil qui ne renie pas pour autant la tradition poétique antérieure.
a.
Au moment où il rédige les Cahiers de Douai, Arthur Rimbaud est encore disciple
de Victor Hugo.
Sa poésie, nourrie de références romantiques, en témoigne.
Au moment de l’écriture des Cahiers de Douai, l’influence du romantisme est encore
palpable dans la poésie de Rimbaud.
Le lyrisme y tient par exemple une place prépondérante,
avec des poèmes comme «Sensation» ou «Première Soirée» qui évoquent l’éveil du sentiment
amoureux, déjà abordé par Victor Hugo dans des poèmes comme «Vieille chanson du jeune
temps» ou «Elle était déchaussée» (Les Contemplations).
En outre, l’engagement politique et
social cher aux romantiques est également bien présent dans le recueil.
Ainsi, la peinture des
enfants affamés des «Effarés» peut être rapprochée de certaines descriptions pathétiques des
Misérables, qu’Arthur Rimbaud qualifiait de «vrai poème».
De même, des poèmes satiriques
comme «L’Éclatante Victoire de Sarrebrück» rappellent, par la dénonciation grotesque qu’ils
font du tyran impérial, la critique virulente de Napoléon III dans Les Châtiments.
b.
Mais le....
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