Dissertation les Caractère de La Bruyère
Publié le 26/05/2024
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Dissertation sur les Caractères de la Bruyère
“Dans 100 ans, le monde subsistera encore en son entier : ce sera le même théâtre et les
mêmes décorations, ce ne seront plus les mêmes acteurs.” Ainsi, dans le Livre VIII, La Bruyère
résume le thème du theatrum mundi et sa résistance au passage du temps: aujourd’hui encore les
mêmes idéologies s’appliquent.
« Je rends au public ce qu’il m’a prêté : j’ai emprunté de lui la
matière de cet ouvrage » ainsi La Bruyère introduit la Préface de son seul ouvrage les Caractères,
duquel huit éditions ont été publiées entre 1688 et 1694.
L’auteur augmente le nombre de remarques
au cours de chaque publication, en passant de 420 à près de 1120.
La Préface explicite l’objectif de
l’auteur qui, en tant que moraliste, observe les comportements des courtisans et des bourgeois de la
société française.
Il semble montrer ces personnages à ses lecteurs qui deviennent ainsi le public de
cette comédie sociale, ce spectacle mis en scène par tous les gens qui dissimulent leur véritable
nature derrière une illusion.
La vision du monde qui se dégage des Caractères est-elle donc celle
d’un spectacle de théâtre, et lequel? Certes, le texte de la Bruyère se présente comme une comédie,
mais il semble que la société elle-même dans son organisation sociale et politique est un vaste jeu
où chacun joue un rôle selon La Bruyère , d’où la question de la visée de l’auteur que l’on peut se
poser : cherche t’il à se moquer, à faire rire, à corriger les mœurs ?
D’emblée, le texte de La Bruyère apparaît comme une comédie .
Toutefois, le dictionnaire
de l'Académie révèle qu’en français classique le mot “comédie” désigne une “pièce de théâtre
représentant quelque action de la vie humaine qui se passe entre des personnes privées”.
A la fin du
Grand siècle, la comédie ne vise donc pas à faire rire: elle est synonyme de théâtre.
En effet, le texte
présente une série de décors, qui sont représentés par les cercles successifs de la société dans les
livres VI à X.
Par ailleurs, la description des lieux accueillant les différents rangs de la société,
permet d’insister sur l’idée d’une pièce de théâtre se déroulant à la Cour.
Par exemple, dans Des
biens et de fortune, on remarque que l’auteur se concentre sur la représentation de l’intérieur: “un
vestibule et une antichambre” (r.
11), “de mon lit et de ma chambre” (r.
12), “du cabinet à
l’antichambre [...] au garde-meuble” (r.
33), en situant ainsi la scène dans un contexte intime.
Ensuite, le Livre VII, se concentrant sur La Ville de Paris, décrit davantage des aspects de cette
dernière comme: le “Cours”, les “Tuileries” (r.
1), “le lit de la Seine” (r.
2), “au Cours ou à
Vincennes” (r.
9).
De surcroît, dans De la Cour, cette dernière apparaît comme un lieu incommode
fait d’espaces intermédiaires comme “antichambres”, “cours” et “escalier”.
Par la suite, le Livre IX
oppose l’apparente et opulente richesse des Grands de la Cour à leur effective situation financière
qui, dans la plupart des cas, dégénère à cause de l’incapacité des nobles à gérer leur argent.
Les
“grands domaines” (r.
19) et “riches ameublements” (r.
5), sont associés à une solvabilité douteuse.
Toutefois, le décor n’est pas suffisant pour la construction d’une scène théâtrale, cette
dernière nécessite des acteurs.
C’est pour cela que l’auteur dépeint une galerie de personnages qui
jouent manifestement des rôles par le biais de portraits.
Au fur et à mesure que La Bruyère affine sa
plume et publie les nombreuses rééditions des Caractères, le nombre de portraits augmente de
manière considérable.
Ces personnages constituent des contr-modèles de l’honnete homme: un ideal
répandu au XVII siècle et désigna tun homme de grande culture mais modeste, qui sait participer à
la vie en société sans pour autant devenir faux ou hypocrite.
Parmi ces portraits, certains
représentent de véritables membres de la société de l’époque, il s’agit de portraits à clé.
D’autres ne
référencent personne et sont simplement la description de comportements récurrents, stéréotypés:
des caractères.
Par ailleurs, à cette époque, la littérature était un art collectif et social; en effet les
aristocrates ne concevais pas la lecture comme une pratique silencieuse et solitaire: au contraire ils
se réunissaient dans des salons pour partager la lecture, discuter des propos de l’auteur et meme
tenter de deviner qui se cacher derrière ces portraits à clé.
Parmi les personnages qui jouent un rôle dans la société, on trouve Arrias, dans le Livre V, qui
“aime mieux mentir [...] que paraître ignorer quelque chose”.
En effet, ce dernier non seulement
cherche à dissimuler son ignorance mais prétend connaitre plus que ses convives; ainsi avec son
propos mensonger il est dépeint pas La Bruyère comme un hypocrite pas très brillant.
Ou encore,
les Grands du Livre IX, dissimulent leur véritable identité et leur absence de vertu “sous l’écorce de
la politesse” (r.25).
A cela s’ajoute, parmi bien d’autres, le personnage de Ménophile, à la remarque
48 du livre VIII, qui “[porte] un masque toute l’année” et se présente à la société “toujours sous un
certain nom et sous le même déguisement”.
Ces derniers ne sont que quelques exemples des
nombreuses références de La Bruyère à la comédie sociale, aux courtisans jouant un rôle pour être
vus des autres.
De manière plus générale, la Cours toute entière semble dissimuler sa nature cruelle
et décadente derrière un masque de fetes et feux d’artifice comme le souligne l’auteur dans les
maximes ouvrant le Livre VIII : “Ses agrééments diminuent [...] si l’on s’en approche”.
Cependant, un décor et des acteurs n’ont pas de raison d'être sans un public pouvant assister
à leur performance.
Ces spectateurs sont des lecteurs, auxquels La Bruyère s’adresse; dans son
ouvrage on y trouve plusieurs références.
Par exemple, dans la préface, il écrit “Je n’ai pas pu
résister au plaisir de vous parler [au lecteur] en cet endroit, et de vous dire que je suis, avec
beaucoup de respect, votre très humble et très obéissant serviteur.” Ainsi, ce moraliste présente à
ses lecteurs une œuvre servant à la fois de miroir leur permettant de voir leur propre comportement
mais également de forme d’amusement pour les membres de la société.
En effet, afin de se protéger
des conséquences, l’auteur n’emploie pas, dans ses portraits, les noms des personnes réellement
existées.Or, les aristocrates du XVIIème siècle trouvaient amusant de se réunir pour discuter de ces
hommes mystérieux.
De plus, plusieurs auteurs ont publié des Clefs de La Bruyère contenant des
hypothèses argumentées sur l’identité de ces personnages.
Ainsi, la lecture était une véritable
activité sociale à l’époque et tous les lecteurs devenaient spectateurs de leur propre société en
observant, comme La Bruyère, les comportements de tous.
Par ailleurs, l’auteur décrit encore, dans
la remarque 13 du livre VIII, un “spectateur de profession” qui passe sa vie à la Cour et à la ville
pour tout voir.
Cela revient également, tout au long du livre VII, où le champ lexical du regard avec
des termes tels que “regarder”, “voir”, “monter”, “s’embellir”, “se regarder”, … montre
l’importance de l’observation les uns des autres.
Or, cette comédie semble ne pas être confinée à l’ouvrage de La Bruyère, on se demande
donc si la société toute entière ne soit pas elle-même un spectacle.
En effet, comme nous l’avons
mentionné plus haut, les gens jouent un rôle pour les autres, les observateurs, les spectateurs.
Mais
cela ne se limite pas aux quelques personnages protagonistes des portraits : ce comportement
s’étend à tous les rangs et tous les membres de la société.
En partant des valets qui prennent des
grands airs, de gentilhomme.
Aux courtisans qui adaptent leur conversation à leur interlocuteur,
dans le seul but de plaire sans jamais faire preuve d’une véritable personnalité.
Par ailleurs, La
Bruyère écrit que “un caractère bien fade est celui de n’en avoir aucun” (r.
1, Livre V) et cela
semble être une claire référence à ce comportement hypocrite des aristocrates qui “sourient à [leurs]
ennemis” et changent de comportement selon la situation.
Tous ces hommes portent constamment
des masques pour se montrer comme ils ne sont pas, pour dissimuler leurs défauts et feindre leurs
qualités.
C’est le cas d’un “Pamphile” (r.
50, Livre IX), que La Bruyère définit de la manière
suivante: “Un Pamphile en un mot veut être grand, il croit l’être ; il ne l’est pas, il est d’après un
grand”.
Cet extrait présente un chiasme qui met en évidence l’écart entre les prétentions, le jeu de
Pamphile : “veut être”, “croit l'être” et la réalité avec “il ne l’est pas” et “il est d’après un grand”.
Ce comportement d’acteur semble concerner le Roi lui-même (Livre IX), qui paraît jouer le rôle
d’un souverain tout en espérant trouver un confident auprès duquel il puisse enfin être naturel.
Ce spectacle ne concerne pas seulement les individus mais toute la société autour du Roi .
On assiste à une véritable mise en scène faite d’une....
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