Dissertation alcools: Apollinaire modernise-t-il la poésie dans Alcools ?
Publié le 19/10/2022
Extrait du document
«
Guillaume Apollinaire est très souvent présenté comme un poète moderne rompant avec les
différentes traditions des siècles passés et introduisant la vie moderne dans ses poèmes, il publie son
recueil Alcools en 1913 qui rassemble des poèmes écrits entre 1898 et 1913.
Dès sa parution, il est
la cible de nombreuses critiques ; « Tout cela vient de loin [...] c'est un assemblage de faux tableaux,
de vêtements exotiques et rapiécés, d'accessoires pour bicyclettes et d'instruments d'hygiène privée.
» le qualifiera un journaliste du Mercure de France.
Ces commentaires peu mélioratifs désignent le
recueil comme une simple imitation mais le premier vers de « Zone » : « A la fin tu es las de ce
monde ancien» semble vouloir annoncer du renouveau, de la modernité.
Alors Apollinaire modernise -t'il la poésie dans Alcools ?
Tout d'abord, nous verrons qu’Apollinaire s’éloigne de la poésie traditionnelle en amenant de la
nouveauté dans son œuvre.
Nous montrerons par la suite les différents codes de la poésie classique
pour innover et qui paraissent indispensables même pour progresser.
Alcools s'éloigne d'un recueil traditionnel puisque la forme et la structure des poèmes et du
recueil en lui-même n'ont rien de classique.
D'emblée le titre Alcools, au pluriel, a quelque chose de
novateur : l'ambiance festive, 'atmosphère des bars, la soif de vivre, l'ivresse évoqués nous éloigne
des sujets habituels.
Ainsi, à première vue, le recueil a quelque chose de nouveau : en apparence, il
semble totalement désorganisé et dépourvu d'une quelconque suite logique.
Le premier poème dans
Alcools est « Zone » dont les premiers vers sont « A la fin tu es las de ce monde ancien » tandis que
le dernier du recueil « Vendémiaire » se termine par « Les étoiles mourraient le jour naissait à
peine».
« Zone » a été écrit trois ans avant «Vendémiaire»), ils n'obéissent donc a aucune suite
chronologique.
Les poèmes sont de tailles variées, plus ou moins grands.
Par exemple, « Chantre »
ne compte qu'un seul et unique vers tandis que « Vendémiaire » plus de 170.
La forme est libre dans quatorze poèmes : le mètre y est variable, il n'y a pas toujours le même
nombre de vers par strophes et pas forcément de rimes comme dans «Zone» ou «La maison des
morts».
On remarque ainsi que Apollinaire prend beaucoup de liberté et amène de la nouveauté
dans son recueil, ce qui est encore accentué par l'absence totale de ponctuation.
Ayant été
supprimée juste avant la parution, l'absence de ponctuation crée des ambiguïtés grammaticales que
l'on remarque dans «Le pont Mirabeau» où l'on ne sait plus à quel sujet appartient quel verbe : »Les
mains dans les mains restons face à face/ Tandis que sous/ Le pont de nos bras passe/ Des éternels
regards l'onde si lasse ».
Apollinaire veut montrer que la vraie musicalité est le rythme, la
musicalité des vers.
C'est le lecteur qui va s'approprier le rythme.
Comme il le dit lui-même: «Le
rythme même et la coupe des vers, voilà la vrai ponctuation et il n'en ai pas besoin d'une autre.».
Il
s'inspire beaucoup de Verlaine qui lui aussi laissait une grande place au rythme: «De la musique
avant toute chose et pour cela préfère l'impair».
Tous ces poèmes paraissent n'avoir aucun point en
commun, sont de formes différentes, de tailles différentes, juxtaposés comme une œuvre cubiste.
Ils ne semblent respecter aucun ordre chronologique, thématique, temporaire ou même logique.
Mais le recueil est en fait organisé selon une symétrie en miroir vers le centre du recueil.
Des
poèmes ou des groupes de poèmes s'opposent ou se répondent avec au centre «Le brasier».
On peut
voir par exemple «Les colchiques»: «Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne» et
«1909»›:«Cette femme était si belle/ Qu'elle me faisait peur» qui évoquent l'impossibilité de
l'amour ou encore «Palais» et «Clair de lune» qui sont liés à l'esthétique symboliste.
Apollinaire est
un poète avant-gardiste qui rejette les règles littéraires strictes et classiques trop contraignantes.
Par conséquent bien sûr qu’Apollinaire amène de la nouveauté sur l'esthétique et la composition
de son recueil, ce qu'il va également faire dans le contenu de son œuvre ; comme Rimbaud dit: «Il
faut être absolument moderne».
De nouveaux thèmes sont abordés et notamment des thèmes en lien
avec l'Esprit nouveau, un courant où les poètes puisent leur imagination dans leur quotidien, dans
leschoses simples de la vie sans oublier l'importance de la surprise.
Ils peuvent créer de nouvelles
choses sans avoir de limites.
Les poètes ne sont plus simplement des écrivains mais des ingénieurs,
des scientifiques.
De nouvelles techniques comme la photographie et le cinéma font leur apparition.
C'est une période de changement, de renouveau : Paris s'est transformé grâce aux travaux
haussmanniens (la première ligne de métro est née dans la capitale, la Tour Eiffel s'est construite en
moins de deux ans et l'exposition universelle de 1900 a eu lieu); c'est la Belle Époque.
Les thèmes
de la ville et de l'industrialisation des paysages sont ainsi très présent, parfois évoqués plus
péjorativement que d'autres, notamment dans «Zone».
« J'aime la grâce de cette rue industrielle »
ou encore dans «Vendémiaire») : « Les viriles cités où dégoisent et chantent/ Les métalliques saints
de nos saintes usines ».
Mais Apollinaire n'est pas le seul : Léopold Senghor dans «New Yorlo) nous
montre son émerveillement face à la beauté de la ville puis son dégoût de cette ville décrite comme
stérile et inhumaine : « Si timide d'abord devant tes yeux de métal bleu, ton sourire de givre ».
Les
industries apparaissent et avec elles de nouveaux métiers : «les ouvriers et les belles
sténodactylographes » cités dans « Zone ».
La Belle Époque est ainsi une période où de nombreuses
inventions sont faites, de nouvelles technologies apparaissent, ce que les poètes évoquent, comme
par exemple Jules Supervielle dans «Marseille»: «ses tramways avec leurs pattes de crustacés».
L'électricité, le gaz, les automobiles ou encore les avions voient le jour : « Flambant de
l'électricité »dans «La chanson du mal-aimé».
Il montre dans «Zone» sa volonté de rompre avec le
passé «Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes»), elles qui viennent juste d'être créées
mais qui le sont déjà justement.
Le monde des arts et des lettres est en effervescence : des
mouvements nouveaux voient le jour en peinture, musique, littérature et architecture.
Avant
Apollinaire, Baudelaire évoquait déjà lui aussi ces thèmes notamment dans « Le spleen de Paris »
ou à travers les poèmes les « Tableaux parisiens » dans Les Fleurs du mal.
C’est une aire de
modernisation qu’Apollinaire évoque au fil de recueil.
Mais c'est surtout grâce au ressort de la surprise que ces poètes s'éloignent de la tradition.
Dans sa
conférence sur l'Esprit nouveau en novembre 1917, Apollinaire déclare : «L'esprit nouveau est
également dans la surprise.
La surprise est le grand ressort nouveau.
C'est par la surprise, par la
place importante qu'il fait à la surprise que l'esprit nouveau se distingue de tous les mouvements
artistiques et littéraires qui l'ont précédé.».
Il faut que l'on trouve de la surprise, de la nouveauté, des
choses hors du commun, qui étonnent dans l'art.
Déjà la forme, la structure du recueil et l'absence
de ponctuation sont des méthodes nouvelles et surprenantes.
Comme Guillaume Apollinaire le fait,
il faut traiter de nouveaux thèmes, laisser l'inspiration venir et une plus grande place aux rêves, à
l'inconscient ou même au hasard.
Le fait que « Chantre » ne compte qu'un seul et unique vers : « Et
l'unique cordeau des trompettes marines » ou que « Automne....
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