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Dans Manon Lescaut, est-ce parce que les personnages sont marginaux qu’ils sont romanesques ?

Publié le 26/01/2025

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« [Accroche] Dès ses débuts, le roman abonde en personnages marginaux qui semblent être la clé d’une histoire réussie ; Don Quichotte, le héros éponyme du roman de Miguel de Cervantès, paru en 1605, en témoigne.

[Explication du sujet] Le sujet présenté évoque ainsi le fort lien qui unit marginalité et romanesque : dans Manon Lescaut, est-ce parce que les personnages sont marginaux qu’ils sont romanesques ? [Problématique] Dans quelle mesure la marginalité des personnages peut-elle être un vecteur du romanesque ? [Annonce du plan] Nous verrons que la marginalité des personnages, alimentée par une passion tragique, constitue le ressort du romanesque qui interroge l’individu sur ses choix et les valeurs de la société. I.

Des personnages marginaux sources de romanesque 1.

Une galerie de personnages en marge Les profils et les actions de certains personnages du roman leur confèrent une dimension romanesque par leur décalage avec la société et la morale. Ainsi, Manon Lescaut, jeune fille « de naissance commune », échappe au couvent et vend ses charmes, finissant déportée avec des femmes de mauvaise vie ; Des Grieux est un jeune noble qui fuit par amour la carrière ecclésiastique à laquelle il se destinait ; Lescaut, le frère de Manon, peu fréquentable, est un voyou qui évolue dans le monde du jeu et de la triche. L’immoralité gangrène aussi les classes privilégiées : des hommes riches et respectés s’offrent les faveurs de Manon. 2.

La marginalisation progressive du héros Peu à peu, Des Grieux renonce à tout pour Manon : l’honneur, la vie confortable associée à son rang et même ses principes moraux. Ainsi, les amants mènent une vie en marge ; le manque de ressources et les goûts de luxe de Manon les poussent à vivre d’expédients douteux.

Des Grieux en vient à mentir, voler et se fait complice d’escroqueries.

Conscient de déchoir, il agit pourtant comme un « infâme personnage », par amour. 3.

Des aventures rocambolesques En rupture de ban, les amants échappent à leur vie toute tracée ; leur fuite inaugurale signe le début d’une « vie obscure et vagabonde », Des Grieux se retrouvant mêlé à des aventures rocambolesques. Les péripéties s’enchaînent à un rythme effréné : ainsi, la tentative d’escroquerie du vieux G.M.

entraîne l’incarcération de Des Grieux, qui s’évade en faisant couler le sang.

Le couple devient hors-la-loi, enchaînant brèves périodes d’accalmie et infortunes cuisantes.

Dans L’Astragale (1965), Albertine Sarrazin donne aussi à voir les aléas de la relation mouvementée entre Anne et Julien, délinquants confrontés aux difficultés d’une vie précaire. La conduite transgressive des amants déclenche des rebondissements incessants, contribuant largement au plaisir narratif, jusqu’à la déportation en Amérique, signe que le couple ne parvient pas à trouver sa place dans la société de l’époque. À NOTER Les lieux, dans Manon Lescaut, sont symptomatiques d’une certaine marginalisation sociale : les frasques se soldent par une exclusion géographique.

C’est paradoxalement dans le Nouveau Monde que le couple renoue avec une forme de normalité sociale. II.

Un amour romanesque et marginal 1.

Un amour non conventionnel et décisif Prévost reprend le topos du coup de foudre : la passion qui meut Des Grieux, épris au premier regard, contribue à rendre le personnage romanesque. À NOTER Selon É.

Souriau (Vocabulaire d’esthétique, 1990), le romanesque émane de trois éléments principaux : le primat de l’affectif (sentiments nobles, intenses) ; des événements denses ; le jeu sur les extrêmes (le sublime et l’infâme, par exemple). Le couple ne répond pas à la vision traditionnelle de la société de l’époque : les amants sont de conditions opposées (un fils de bonne famille, une jeune fille sans ressources), ils vivent en dehors du cadre du mariage religieux.

Cet amour fait écho à celui que se vouent Tristan et Iseut, passionnément épris après avoir absorbé par erreur un philtre magique. 2.

Un amour contrarié Non conforme aux codes de la société, la relation amoureuse est mise à mal par de nombreux opposants. La propension de Manon à l’infidélité (M.

de B., le vieux G.M., le fils de G.M.) fait rebondir l’intrigue, en éveillant les soupçons de Des Grieux, voire en le séparant de celle qu’il aime. Leur relation est hypothéquée par des instances de pouvoir et d’autorité.

Le père de Des Grieux, défenseur du code aristocratique, fait enlever son fils dans l’espoir de le ramener à la raison.

Tiberge, l’ami vertueux, condamne vertement cette passion subversive.

Pour autant, Des Grieux en fait le pivot de sa nouvelle existence : « elle me tient lieu de gloire, de bonheur et de fortune.

» De même, Béroul raconte la traque de Tristan et Iseut par des barons jaloux qui cherchent à révéler au grand jour leur relation interdite. 3.

Une passion extrême Des Grieux confesse en 1715 au marquis de Renoncour qu’il serait prêt à « aller au bout du monde » pour suivre celle qu’il aime.

L’intensité des sentiments en jeu rattache bien les personnages à l’univers romanesque. Le récit rétrospectif à la première personne révèle les multiples cas de conscience de Des Grieux mûri, réfléchissant à son parcours.

Déchiré entre les valeurs de son milieu et son amour pour Manon, il montre comment il a tout sacrifié pour sa passion dévastatrice. Des Grieux perd Manon dans des circonstances tragiques, au moment même où le couple cherchait à rentrer dans le rang en se mariant : la passion semble in fine injustement punie. III.

Des personnages qui questionnent nos existences Enfin, les personnages sont captivants et émouvants parce que leur destin marginal et funeste donne à penser. 1.

Un destin tragique Dans « L’avis de l’auteur », Prévost annonce un récit à la fois divertissant et instructif.

Des Grieux se dit victime d’un « amour fatal » qui lui fait « violer tous les devoirs ».

Les aventures du jeune homme pourraient être interprétées comme la démonstration de la nécessité de fuir des passions destructrices. À de multiples reprises, Des Grieux exprime une perte de contrôle.

Il constate, perplexe, son propre avilissement pour une femme dont le comportement aura causé sa perte.

Prévost mettrait alors en garde contre l’amour. 2.

Des héros qui interrogent nos mœurs et notre liberté L’auteur propose ainsi un débat éthique sur la manière de mener sa vie. Certains, comme Tiberge ou le père de Des Grieux, sont d’ardents (mais froids ?) défenseurs de la vertu et de l’honneur, condamnant vigoureusement « le poison des plaisirs ». À l’opposé, certains protagonistes deviennent des agents du mal, comme Lescaut.

Manon présente un système de valeurs singulier, distinguant la fidélité de corps et celle du cœur.

Des Grieux, quant à lui, reste tiraillé, mais tient tête à son père et choisit de s’abandonner à ses sentiments. 3.

L’amour : une nouvelle valeur ? Prévost écrit à une époque marquée par de nouvelles aspirations au bonheur individuel.

Le roman, paru en 1731, semble esquisser une morale fondée sur le cœur.... »

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