Corrigé commentaire Manon Lescaut : Le plaisir de lire Manon Lescaut ne tient-il qu’au récit d’une passion
Publié le 13/06/2024
Extrait du document
«
Suivez toute la journée les pistes proposées par Marie, professeure agrégée, pour retracer les grandes lignes des
sujets tombés pour le bac français.
Attention, il ne s’agit ici que de pistes possibles de traitement du sujet et
non de la copie-type attendue par les correcteurs !
Manon Lescaut : Le plaisir de lire Manon Lescaut ne tient-il qu’au récit d’une passion
amoureuse ?
1.
Analyse du sujet :
Il s’agissait de définir les termes suivants :
« plaisir » : sensation ou émotion agréable, satisfaction...
Il s’agit bien sûr du plaisir
ressenti par le lecteur lorsqu’il lit Manon Lescaut.
« passion amoureuse » : amour violent et exclusif pour une personne, variété la plus
intense de l’amour.
On peut aussi se souvenir que la passion, étymologiquement, renvoie
à la souffrance, au tourment, à ce qui est subi par le sujet.
Il fallait également repérer la structure logique de la phrase : la négation restrictive (« ne...
que...
») invite le/la candidat.e à montrer d’abord la validité de la thèse implicitement
véhiculée par le sujet (« Le plaisir de lire Manon Lescaut tient au récit d’une passion amoureuse »),
avant de montrer que l’intérêt du roman ne réside pas seulement dans cet aspect de l’œuvre.
2.
Proposition d’introduction :
Dans ses Correspondances, Gustave Flaubert écrit que « Ce qu’il y a de fort dans Manon
Lescaut, c’est le souffle sentimental, la naïveté de la passion qui rend les deux héros si vrais, si
sympathiques, si honorables, quoiqu’ils soient fripons.
» Il insiste ainsi sur le plaisir qu’il eut à lire
l’histoire d’amour qui unit les deux personnages, sur le caractère « sentimental » du roman.
Pour
autant, « le plaisir de lire Manon Lescaut ne tient-il qu’au récit d’une passion amoureuse ? » En
d’autres termes, le lecteur est-il invité par l’abbé Prévost à apprécier seulement l’intensité de
l’amour partagé par Manon ou Des Grieux, à se délecter purement d’un récit mettant en scène
des personnages livrés aux tourments de la passion ? Quel plaisir le lecteur moderne ressent-il
aujourd’hui à la lecture de ce roman du XVIIIe siècle ?
Il s’agira d’abord de voir que l’abbé Prévost propose bien dans ce roman le récit d’une
passion amoureuse, qui suscite le plaisir d’un lecteur emporté par la variété des rebondissements
romanesques et l’intensité des sentiments décrits.
Nous montrerons néanmoins que l’abbé
Prévost entendait aussi délivrer dans cette œuvre une réflexion morale plaisante, une leçon sur les
dangers de la passion.
Enfin, nous nous demanderons si le plaisir du lecteur moderne ne repose
pas surtout sur le mystère qui entoure le personnage de Manon et sur le caractère marginal des
deux héros.
3.
Proposition d’un plan :
I.
Le récit d’une passion amoureuse, pleine de rebondissements romanesques et de
sentiments excessifs.
On pourrait montrer dans une première partie en quoi Manon Lescaut nous livre le récit
d’une histoire d’amour passionnelle entre deux héros.
On pourrait notamment rappeler que le
genre romanesque, dès son développement au Moyen-Âge, prend pour thème central les relations
amoureuses.
Prévost satisfait son lectorat en lui offrant l’histoire de deux amoureux emportés par
la passion.
On pourrait ainsi prendre pour exemple l’épisode de la rencontre de Des Grieux et
Manon à Amiens.
L’auteur y reprend les codes traditionnels de la rencontre amoureuse : coup de
foudre au premier regard, hyperboles qui soulignent le caractère excessif de la passion (« je me
trouvai enflammé jusqu’au transport », « un coup mortel pour mes désirs »), registre tragique et
expressions clichées (« la maîtresse de mon cœur », « douceur de ses regards », « prodiges »
effectués par le dieu Amour...).
On pourrait ensuite montrer que le « récit de la passion » proposé par Prévost est ponctué
de nombreux rebondissements et de scènes hautement dramatiques, qui soulignent l’intensité des
sentiments qui animent Des Grieux.
On pourrait ainsi retracer rapidement les grandes étapes du
roman, rappeler tous les obstacles qui s’opposent à la quête amoureuse des héros : séquestration
de Des Grieux par son père, périodes d’emprisonnement, stratégies d’évasion, déportation en
Louisiane...
jusqu’à la mort de Manon, scène racontée par Des Grieux de façon pathétique.
Enfin, Des Grieux déplore souvent que la « passion amoureuse » qui l’animait lui ait fait
renoncer à toute décision rationnelle.
Son amour pour Manon est si intense qu’il le pousse malgré
lui à suivre la jeune femme, à désobéir à son père ou à renier ses principes : Des Grieux
s’affranchit ainsi de toutes les règles religieuses ou sociales.
On pourrait ainsi analyser la scène du
parloir de Saint-Sulpice.
Alors qu’il est retourné à son devoir et vient de devenir abbé, Des
Grieux se laisse emporter par sa passion.
A la vue de Manon, « plus aimable et plus brillante que
jamais », il se sent dépassé par ses sentiments : « Toute sa figure me parut un enchantement »,
« Le désordre de mon âme, en l'écoutant, ne saurait être exprimé.
».
Bien qu’il proteste d’abord en
l’accusant d’être « perfide », il lui avoue très rapidement que « [s]on cœur n’a cessé d’être à [elle] ».
Les personnages se livrent alors à « mile caresses passionnées », aux « plus vives tendresses ».
Bien qu’il soit « épouvanté » par le retour des tourments amoureux, et qu’il en éprouve une
« horreur secrète », Des Grieux ne peut lutter.
Le lecteur prend ainsi plaisir à suivre, à travers Manon et des Grieux, un récit
palpitant qui met en scène l’intensité de l’amour et montre la puissance d’une passion
capable de s’affranchir de tous les interdits et de lutter contre tous les obstacles.
Néanmoins, l’abbé Prévost assure n’avoir pas seulement cherché à susciter le plaisir
gratuit de son lecteur face à la passion.
II.
On pourrait ensuite rappeler la dimension morale de l’œuvre : le plaisir du lecteur tient
aussi à la découverte d’une leçon de morale, « réduit[e] agréablement en exercice ».
On pourrait s’interroger d’abord sur le caractère quelque peu cruel d’un plaisir ressenti à
la lecture d’une histoire tragique, qui mène les deux héros à la souffrance et la mort.
La passion
amoureuse ne désigne pas seulement, en effet, un sentiment amoureux intense et agréable : elle
crée de la souffrance et prend une dimension tragique dans la mesure où elle est subie par les
héros, et notamment par Des Grieux, qui ne cesse de le déplorer.
On pourrait ainsi revenir sur le
récit par Des Grieux de la mort de Manon et les regrets évoqués par celui-ci : « Mon âme ne
suivit pas la sienne.
Le Ciel ne me trouva point, sans doute, assez rigoureusement puni.
Il a voulu
que j'aie traîné, depuis, une vie languissante et misérable.
Je renonce volontairement à la mener
jamais plus heureuse ».
Le personnage lui-même interprète sa fin malheureuse comme une
punition divine.
Il conviendrait ainsi d’interroger le « plaisir » ressenti par le lecture : se réjouit-on
vraiment de l’issue tragique de la passion racontée dans le roman ? Ce plaisir tient-il au triomphe
de la morale ? Les lecteurs du XVIIIe siècle devaient tirer un plaisir singulier à voir ainsi la morale
l’emporter, même si ce plaisir moral peut être discuté aujourd’hui.
Il importerait ainsi de rappeler l’ambition morale revendiquée par l’abbé Prévost dans
l’Avis au lecteur : « L’ouvrage entier est un traité de morale, réduit agréablement en exercice »,
« Outre le plaisir d’une lecture agréable, on y trouvera peu d’événements qui ne puissent servir à
l’instruction des mœurs, et c’est rendre, à mon avis, un service considérable au public que de
l’instruire en l’amusant ».
C’est notamment la fonction du personnage de Tiberge, qui incarne la
fidélité et la voie/voix de la morale.
C’est d’ailleurs sur lui que le récit de Des Grieux s’achève
comme s’il était le garant d’un retour à l’ordre moral à la fin du roman : « Je ne pouvais marquer
trop de reconnaissance pour un ami si généreux et si constant.
» De nombreux lecteurs ont ainsi
été sensibles à ce personnage.
Le plaisir purement sentimental de lire une histoire d’amour passionnée est
quelque peu altéré par le dénouement tragique du roman.
Néanmoins, un certain plaisir
« moral » se dégage à la lecture du roman : celui de voir le vice puni et la morale
triompher.
Toutefois, on pourrait défendre que le lecteur moderne est moins sensible à
cet aspect.
Son plaisir tient alors à d’autres aspects de l’œuvre, tels que l’intérêt pour la
condition féminine ou la marginalité par exemple.
III.
Il s’agirait dans une dernière partie de mettre en avant ce qui a suscité notre propre
plaisir.
Par exemple, on pourrait évoquer l’intérêt suscité par la construction narrative du roman.
Celui-ci repose en effet sur une narration enchâssée : Renoncourt, narrateur premier, cède la
parole à des Grieux, narrateur second.
Pourtant tous deux ont en commun d’être des hommes : le
regard porté sur Manon est donc toujours un regard masculin.
Bien qu’elle soit le personnage
éponyme, Manon reste un personnage mystérieux, inaccessible : le....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Vous expliquerez, discuterez et commenterez ce jugement de Sainte-Beuve sur Carmen : Je viens de lire Carmen de Mérimée, c'est bien, mais sec, dur, sans développement ; c'est une Manon Lescaut plus poivrée et à l'espagnole. Quand Mérimée atteint son effe
- etude linéaire sur Manon Lescaut
- Manon Lescaut extrait 1 étude linéaire: Explication linéaire, extrait 1 : « J'avais marqué le temps de mon départ … ses malheurs et les miens. »
- fiche de lecture manon lescaut 20/20
- A quoi tient le pouvoir des fables : au récit ou à la morale ?