Commentaire - La Machine Infernale Oedipe et le Sphinx
Publié le 19/10/2022
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«
DANS LE CADRE DU COURS DE FRANÇAIS
LUNDI 9 MAI 2022
Ce passage saisissant de la pièce de théâtre de Jean Cocteau,
intitulée La Machine infernale, se déploie sous la forme d’une
réécriture moderne, au XXe siècle, de la célèbre tragédie antique de
Sophocle.
Le Sphinx est une jeune fille tombée amoureuse d’Œdipe et
qui le retient prisonnier en lui présentant la fameuse énigme de
l’homme à laquelle il doit répondre pour être libéré.
Bien qu’elle lui
dévoile
la
réponse,
Œdipe
entre
dès
lors
dans
un
état
d’incompréhension marquant qui persiste jusqu’à la fin de l’extrait.
À
l’arrivée d’Anubis, dieu égyptien à tête de loup, l’épisode s’intensifie :
la pression exercée sur Œdipe amplifie sa fatalité tragique.
Celui-ci
répond finalement à la devinette en répétant la solution proposée par
le Sphinx, se réjouissant alors de manière vaniteuse et absurde.
Le
protagoniste
s’enfuit
enfin,
ce
qui
provoque
la
surprise
et
l’exaspération d’Anubis et du Sphinx : « Il n’a donc rien compris.
»
Notre projet de lecture analysera dès lors la façon dont cet épisode de
paralysie intense fait preuve d’une grande originalité.
Dans un premier
temps, nous étudierons cette scène de présentation effrayante du
destin du prisonnier Œdipe.
Puis, nous verrons comment l’auteur joue
sur de nombreux renversements surprenants et atypiques en déjouant
les attentes du lecteur dans ce passage allégorique.
Le texte évoque précisément la vision tragique et dramatique du
personnage d’Œdipe, détenu lors de cette exposition d’un épisode
inquiétant qui n’a pas encore eu lieu.
Ce dialogue est en premier lieu caractérisé par une annonce et une
« démonstration » précises d’une souffrance hypothétique à venir.
L’adverbe temporel « Ensuite » à l’attaque du texte révèle un
enchaînement d’actions énumérées par le Sphinx.
L’omniprésence du
conditionnel présent, qui réfère à un futur proche au début du discours
du Sphinx, donne libre cours à une description détaillée d’actions
présumées, n'ayant pas encore eu lieu : « je te commanderais », « je
t’aiderais », « je t’interrogerais ».
Les descriptions du Sphinx restent
riches en détails avec les précisions apportées par la locution
adverbiale « un peu » et le gérondif présent « en desserrant ».
Ceci
contribue
à
la
création
d’une
hypotypose
par
le
biais
d’un
enchaînement visuel, plus facile à imaginer.
Le pronom indéfini
« tous » indique qu’Œdipe devient l’un des hommes, parmi tant
d’autres, ayant été détenus par la jeune fille.
La locution adverbiale
« par exemple » démontre que le plan n’est pas définitif et que le
Sphinx ne fait que présenter ou répéter la scène.
Il s’agit bien d’une
« démonstration », comme elle l’affirme et le répète : « une simple
démonstration ».
Ce substantif est emprunté du latin demonstratio,
qui signifie l’action de montrer, de mettre en scène.
Ainsi, le Sphinx
joue le rôle de metteur en scène, de présentatrice, lors de ce passage
théâtralisé, ce qui crée un effet de mise en abyme à l’intérieur de la
pièce.
La domination et la supériorité du Sphinx s’imposent ensuite en
suscitant l’inquiétude et la peur d’Œdipe en état de détention.
Le
prisonnier doit obéissance au Sphinx ; ceci est mis en évidence par la
locution verbale « mettre à genoux », la formule au mode conditionnel
« tu courberais la tête » et par l’ordre au présent de l’impératif « Sois
sage.
» Ces tournures visent à affaiblir et rabaisser Œdipe.
Celui-ci
adopte une modalité exclamative tout au long du passage, ce qui
traduit sa crainte.
Pour autant, les nombreux points de suspension et
répétitions suggèrent une parole hésitante.
Plusieurs mots-phrases tels
que l’interjection « Oh ! », l’adverbe de négation « non ! » et
l’appellatif « Madame ! » sont répétés de manière à présenter
l’imploration d’Œdipe, comparable aux lamentations d’un enfant.
La
répétition des tournures impatientes mais rassurantes « Allons » et
« là », attribue une dimension presque maternelle au personnage du
Sphinx.
L’effroi d’Œdipe atteint son paroxysme lors des descriptions
des souffrances que la jeune fille lui ferait subir.
Ceci est mis en
lumière par le réseau lexical de la peur : « tu t’écrierais », « pousse un
cri » et « face d’épouvante ».
Par ailleurs, la parole n’est aucunement
contrôlée par Œdipe dans ce passage, puisque ses répliques restent
courtes et simples, ce qui montre son état d’infériorité.
Il est même
interrompu par Anubis et appelé à se taire avec le mot-phrase
exclamatif : « Silence ! »
Le tragique vient ensuite hanter le passage avec la manifestation du
destin inquiétant d’Œdipe.
En effet, la scène devient plus intense à
l’arrivée de la figure d’Anubis, qui est traditionnellement le dieu
funéraire représenté avec une tête de chacal dans l’Égypte antique.
Les didascalies décrivent son langage corporel désobligeant qui indique
une fermeture d’esprit : « les bras croisés, la tête de profil ».
Le dieu
est ensuite animalisé et assimilé à une créature terrifiante par le biais
de l’emploi du verbe de mouvement « s’élancer » et le groupe nominal
pluriel « ses mâchoires de loup ».
La fatalité d’Œdipe est apparente
dans l’interdiction définitive d’Anubis au présent de l’indicatif qui vient
rappeler le sort du héros : « Cet homme ne peut sortir d’ici sans subir
l’épreuve ».
Le mode impératif est employé par Anubis pour donner
des ordres au Sphinx, succédant à deux reprises à la conjonction
adversative « Mais… » : « Interroge-le… », « Interroge cet homme.
»
Le
Sphinx confirme son obéissance
« interroger »,
l’interrogerai ».
conjugué
Ainsi,
pour
une
la
avec
première
conséquence
la reprise
fois
au
définitive
et
du verbe
futur :
« Je
inéluctable
s’impose pour Œdipe avec une reprise de contrôle chez la jeune fille,
signalée par la locution-phrase « C’est bon.
» Il est enfin question d’un
« dernier regard » entre Anubis et le Sphinx, avant que l’énigme ne
soit posée.
Plus encore qu’une scène de démonstration terrifiante, le passage
symbolise, au-delà des attentes du lecteur, une réécriture hors norme
de la tragédie de Sophocle, où revirements et questionnements sur le
parcours humain sont privilégiés.
La supériorité des personnages surnaturels du Sphinx et d’Anubis,
par rapport à Œdipe, permettent de réfléchir sur l’existence humaine
par le biais de la devinette.
En effet, Œdipe est tenu prisonnier par ces
créatures dominantes pour être rabaissé à sa condition humaine : le
Sphinx est traditionnellement une créature légendaire et monstrueuse
au corps d’un lion.
Une certaine association des figures surnaturelles
est marquée par la formule de respect et de politesse d’Anubis envers
le Sphinx (« Pardon, Sphinx.
») et le vouvoiement (« Vous attendiezvous […] »).
La....
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