COMMENTAIRE DE TEXTE : ELDORADO, LAURENT GAUDÉ
Publié le 08/10/2022
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«
COMMENTAIRE DE TEXTE : ELDORADO, LAURENT
GAUDÉ
Le roman Eldorado de Laurent Gaudé, publié en 2006, traite de
l'immigration clandestine : sujet d’actualité majeur du 21e siècle.
Dans cet extrait,
deux migrants africains nommés Soleiman et Boubakar se retrouvent à Ceuta au
Maroc, à la frontière entre l’Europe et l’Afrique.
L’entrée clandestine en Espagne
étant interdite, ils se butent à une grande clôture de barbelés les empêchant
d’accéder à ce pays.
Ce passage du roman se déploie sous la forme d'un « assaut
» mouvementé qui met en action les deux personnages, entourés d’autres
clandestins dans leur tentative de franchir la barrière, raconté à travers le point
de vue interne de Soleiman.
Celui-ci fait une série d’observations précises et
choquantes qui rendent compte de son expérience.
La scène s’intensifie à
l’arrivée de la police marocaine qui, de sang-froid, tire des « coups de feu ».
Pris
de panique, Soleiman et Boubakar se dépêchent et parviennent à escalader la
barrière, malgré de graves blessures.
Lorsque le narrateur pose le pied sur le sol,
il regagne un espoir saisissant, laissant place à une dimension héroïque avec la
métaphore : « une force de titans ».
Notre projet de lecture analysera le combat
engagé par les deux migrants dans leur tentative d’atteindre le rêve européen.
Dans un premier temps, nous traiterons de l’action intense occasionnée par
l’assaut, auquel les clandestins doivent faire face.
Puis, nous étudierons leur
caractère déterminé dans le contexte de ce franchissement épique de la frontière
marocaine.
Cet extrait est avant tout une scène d’action qui comporte une description
réelle, effrayante et sincère de cet évènement animé.
En effet, le narrateur souhaite d’abord plonger le lecteur dans l’aspect réel
de son témoignage descriptif.
L’omniprésence du « je » permet de donner libre
cours à un récit qui met l’accent sur les gestes et les sensations du personnage.
Dès l’attaque du texte, il est clair que l’action est déjà en cours ; ceci est mis en
relief avec l’utilisation du passé composé : « L’assaut a commencé » et « fil qui
m’a fait saigner les mains ».
Ainsi, le lecteur est plongé au milieu de la scène à
haute charge dramatique.
La simplicité des phrases permet de mieux visualiser
l’expérience que vit Soleiman, de manière à créer un style dynamique : « J’ai le
souffle court.
Les bras me tirent.
» Les verbes d’action sont omniprésents et
relèvent du champ lexical du mouvement : « Je monte », « franchir », « Je
m’agrippe », « me tirent », « descendre », afin de donner de la vraisemblance à
la scène et à captiver le lecteur.
Le narrateur opte pour le présent de l’indicatif :
« Il reste presque un mètre à franchir.
» Il n’épargne aucun détail.
L’absence de
connecteurs ou de transitions entre les phrases permet d’enchaîner les actions
par de nombreuses parataxes.
Ce passage forme une hypotypose pour laisser
place à un enchaînement visuel cinématographique, qui rend la scène plus facile à
imaginer.
Le lecteur a même accès aux pensées de Soleiman au moment où il vit
l’action, par exemple avec cette simple négation : « Cela n’a pas d’importance ».
Les verbes de perception et de volonté sont nombreux : « J’ai le souffle court »,
« Je veux », « j’entends », « je vois ».
Ces derniers apportent des informations
sur les sensations qu’éprouve le protagoniste.
La description insiste ensuite sur l’intensité de la scène.
La narration met
l’accent sur le temps, le danger imminent et la panique de la situation.
Les
compléments circonstanciels « à toute vitesse », « En quelques secondes » et
« en trombe » et l’utilisation des verbes suivants « se dépêcher » et « faire vite »,
renforcent clairement la vitesse de l’action.
La rapidité est aussi apparente dans
la construction du récit avec la succession constante des actions qui crée un
rythme effréné.
Les moments rares où la tension s’apaise (« Il ne bouge plus »
ou « Il me regarde avec étonnement ») servent à ralentir la vitesse des
interactions et contribuent à l’effet de suspense.
Le désordre cherche toujours à
amplifier la panique, comme le montre l’adjectif qualificatif hyperbolique :
« mouvement incessants ».
À plusieurs reprises, les corps des clandestins
semblent se séparer de leur vie intérieure.
En effet, certains membres du corps
contrôlent les mouvements, au détriment de la volonté du personnage : « Les
bras me tirent ».
D’autres membres sont représentés comme des obstacles (« Il
ne me reste plus qu’à passer la jambe »), pour accentuer la représentation du
climat anxieux qui domine.
Par ailleurs, l’arrivée de la police marocaine surprend
les personnages ; la locution verbale suivante nous en fournit un bel exemple :
« Nous prennent à revers ».
Ainsi, la panique s’empare des migrants « coincés »
entre les policiers et la barrière, permettant de décrire avec emphase cette scène
de désarroi.
Le texte joue également sur la dramatisation et l’horreur du combat qui se
déploie dans cet évènement clairement hors du commun.
La personnification des
barreaux qui « ne cèdent pas » introduit une sorte de rivalité entre les clandestins
et le mur.
En effet, la clôture subit des actions brutales exercées par les migrants.
Elle est « secouée » et « se tord et grince de tous ces doigts qui l’agrippent.
»
Pour autant, la conjonction de coordination « mais » sert de rupture pour mettre
en évidence le désespoir de Soleiman : « mais l’échelle est trop courte ».
Les
allitérations en « r » se comportent comme des figures d’insistance sur la dureté
de l’action : « bras », « barrière », « tirent », « tord », « grince ».
L’horreur de la
scène se laisse entrevoir à la suite de la locution conjonctive : « C’est alors que ».
Le champ lexical de la violence : « saigner », « assaillants », « grenades
lacrymogènes » et « coups de feu », laisse place à une description d’un réalisme
rare.
La situation se dramatise lorsqu’il est question d’hurlements et de « cris de
ceux qui se cachent les yeux », ces derniers succombant à leurs blessures.
La
violence devient alors trop cruelle pour être observée.
Il en résulte une
conséquence
choquante
et
définitive :
la
mort.
Certains
clandestins
« suffoquent » et Soleiman observe que « Des corps tombent.
» L’affirmation qui
précède ce passage : « Mais il y a pire.
» peut être interprétée comme une
antiphrase jouant sur l’ironie.
En réalité, il n’y a rien de pire et la « panique »
s’est complètement emparée des clandestins.
Ce passage d’Eldorado ne se réduit pas à une simple scène....
»
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