Commentaire composé : En 1951, le dramaturge français Eugène Ionesco publie sa pièce la Leçon
Publié le 01/02/2024
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«
Commentaire composé :
En 1951, le dramaturge français Eugène Ionesco publie sa pièce la Leçon dans laquelle il
met en scène deux personnages principaux : le professeur et l’élève.
La question du genre de
cette pièce se pose très rapidement au lecteur.
En effet, elle est sur ce point assez troublante.
Comme la majorité des pièces contemporaines, elle mêle habilement les différents genres,
alliant le rire, la terreur, la cruauté… En quoi cet extrait est-il caractéristique de cette
ambiguïté du genre ? Nous verrons tout d’abord en quoi le professeur est un personnage
ridicule, proche d’un personnage de comédie.
Nous montrerons ensuite que la scène n’est pas
seulement comique mais qu’elle comporte également un aspect inquiétant, à la fois pour le
spectateur et pour le lecteur.
Dans cette scène de la Leçon, le professeur est présenté comme un personnage ridicule.
En effet, il est complètement exalté par son discours.
Entièrement convaincu de
l’exactitude de ce qu’il enseigne à l’élève, il en exagère l’importance de manière totalement
démesurée.
Ainsi, cette leçon devient un problème vital pour l’élève comme le montre la
formule « jusqu’à l’heure de votre mort » (l.
1-2).
La typographie nous indique que ces mots
doivent être prononcés différemment des autres, qu’ils ont une importance toute particulière.
Ainsi le professeur insiste-t-il lourdement sur l’importance vitale qu’ont ses leçons.
On
remarque en outre une abondance de figures de style et en particulier des métaphores (« les
sons […] voltigeront » - l.
17 ; « ceux-ci s’agripperont les uns aux autres » - l.
19-20…) et une
comparaison (« crever comme des ballons » - l.
27).
Cette richesse en images est la preuve de
l’emphase du professeur, d’un discours exalté.
Cependant, ce discours peut plus globalement être qualifié de pompeux et de prétentieux.
Cette prolifération de figures de styles évoquée précédemment dénote non pas la richesse du
discours mais le grotesque du professeur.
Le spectateur ne manque pas de remarquer
l’absurdité de ces images, absurdité due entre autres à leur démesure.
N’est-ce pas en effet
ridicule que de comparer des sons à des papillons et « les mots chargés de signification » (l.
23) à des ballons ? De même le texte est ponctué de connecteurs logiques : « ce qui
implique » (l.
5), « par conséquent » (l.
10), « de cette façon » (l.
16), « ainsi donc » (l.
27).
Dans son souci de logique, le professeur double même le lien de conséquence à la ligne 27.
Une telle fréquence de connecteurs logiques fait immédiatement penser à un discours
structuré, à une démonstration quasi scientifique.
Et pourtant, la leçon que délivre le
professeur n’est que très peu cohérente.
En effet, il est difficile de voir un quelconque lien
entre la définition de la langue et la manière de prononcer les sons, ni entre ce cours de
prononciation et celui sur les liaisons.
Cette dernière explication est d’ailleurs frappante en ce
qui concerne les exemples donnés par le professeur : il n’y a aucun rapport évident entre la
théorie sur les liaisons avec des consonnes et les exemples fournis par le professeur (« trois
heures, les enfants, le coq au vin, l’âge nouveau, voici la nuit », l.
35-36).
Ces exemples
totalement absurdes sont caractéristiques d’un discours désordonné et confus, sans aucune
logique.
Ces expressions qu’il cite à l’élève sont presque des clichés : ils n’ont aucun intérêt
linguistique, mais évoquent des réalités concrètes, des expressions « toutes faites ».
On
retrouve le même phénomène avec l’idée que les paroles peuvent tomber dans l’oreille des
sourds, idée à la base de toute sa théorie sur l’articulation des mots.
Or qu’est-ce donc que
l’expression « tomber dans l’oreille d’un sourd », sinon un proverbe, qu’il serait tout à fait
ridicule d’utiliser comme argument dans une démonstration.
Ainsi, derrière ces airs pompeux,
la leçon du professeur reste dénuée de fond, vide de tout contenu.
1
Il y a évidemment derrière ces paroles une parodie du discours pédagogique.
Ionesco utilise
le personnage du professeur comme caricature des maîtres d’école ; c’est cela qui fait rire
autant le spectateur que le lecteur.
Tout comme celui de tout enseignant, le discours du
professeur est constitué d’assertions au présent de vérité générale : « toute langue n’est en
somme » (l.
4-5), « les sons […] doivent être saisis » (l.9), « seuls, tombent les mots » (l.23)
… Il emploie en outre des termes techniques tels que « assemblages purement irrationnels de
sons » (l.21-22) qui relèvent d’un jargon pédant et vide.
Tout dans le personnage du
professeur est démesuré, grossi à l’extrême : il présente tous les défauts du maître d’école.
On retrouve ainsi la dimension satirique des comédies : le dramaturge accentue le ridicule
d’un personnage afin de dénoncer par le rire ses défauts.
Ionesco effectue une satire des maîtres vaniteux qui, pour valoriser....
»
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