Charles Baudelaire (1821-1867) Les Fleurs du Mal 1857 (seconde édition, supervisée par l’auteur : 1861)
Publié le 24/11/2022
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Charles Baudelaire (1821-1867)
Les Fleurs du Mal
1857
(seconde édition, supervisée par l’auteur : 1861)
Chronologie du recueil Les Fleurs du Mal
9 avril 1821 : Naissance de Charles Pierre Baudelaire à Paris.
1827 : Son père Joseph-François Baudelaire, qui l’a initié aux Beaux-Arts, meurt.
1828 : Sa mère, Caroline Dufaÿs, se remarie avec Jacques Aupick, un militaire.
1836-41 : Charles écrit des poèmes de jeunesse et s’intéresse à la peinture.
1841-42 : Expédié vers l’Inde sur un bateau, Charles ne va pas plus loin que l’Île
Bourbon.
Il revient à Paris et fait la connaissance de Jeanne Duval.
Il compose les
premiers poèmes de ce qui deviendra, 15 ans plus tard, Les Fleurs du Mal.
À sa
majorité, Charles touche l’héritage de son père et le dilapide très rapidement.
1843 : Il commence à consommer des drogues, et recherche des « paradis artificiels ».
Il contracte la syphilis, une maladie sexuellement transmissible, dont l’évolution lente
réapparaît par cycles, et qui finira par le tuer.
Jeanne Duval l’a aussi probablement.
1843-44 : Charles envisage déjà de publier un recueil, intitulé Les Lesbiennes, sous le
nom de « Baudelaire-Dufaÿs ».
Le titre est évidemment provocateur pour l’époque.
1845 : Tentative de suicide.
Il commence à publier des « Salons », c’est-à-dire des
articles de critique d’art.
Il suit de près l’évolution de la peinture, admire les œuvres
d’Eugène Delacroix, devient un familier de l’atelier de Gustave Courbet.
1846 : Il commence à écrire des essais, des nouvelles, des articles de critique littéraire.
1847 : Il devient opiomane (dépendant à l’opium).
1848 : Il devient le traducteur des œuvres de l’écrivain américain Edgar Allan Poe.
1851 : Une revue publie onze sonnets sous le titre Les Limbes.
1857 : Jacques Aupick meurt le 27 avril.
Le 21 juin paraît le recueil Les Fleurs du Mal.
Dans l’été, Baudelaire et son éditeur sont accusés d’outrage « à la morale publique et
aux bonnes mœurs ».
Six poèmes sont censurés et le resteront jusqu’en 1949, en
France.
Le procès fait scandale et attire l’attention du public sur son auteur.
1861 : Baudelaire ajoute 32 poèmes à la seconde édition des Fleurs du Mal.
1864 : Les six poèmes censurés en France sont publiés en Belgique, accompagnés de 16
autres poèmes, sous le titre Les Épaves.
1866 : Baudelaire commence à préparer une troisième édition du recueil, mais son état
de santé empire très rapidement.
Sa mère le rapatrie de Bruxelles à Paris.
L’éditeur fait
paraître un recueil qui n’a pas été relu par l’auteur.
31 août 1867 : Charles Baudelaire meurt à Paris, des suites de la syphilis.
Jeanne Duval
meurt probablement peu de temps après lui, au plus tard en 1870.
1868 : L’éditeur fait paraître la « version définitive » des Fleurs du Mal.
1871 : Mort de Caroline Dufaÿs.
1949 : La condamnation des Fleurs du Mal est annulée par la justice.
IV
Le portrait
La Maladie et la Mort font des cendres
De tout feu qui pour nous flamboya.
De ces grands yeux si fervents et si tendres,
De cette bouche où mon cœur se noya,
De ces baisers puissants comme un dictame
De ces transports plus vifs que des rayons,
Que reste-t-il ? C’est affreux, ô mon âme !
Rien qu’un dessin fort pâle, aux trois crayons,
Qui, comme moi, meurt dans la solitude,
Et que le Temps, injurieux vieillard,
Chaque jour frotte avec son aile rude…
Noir assassin de la Vie et de l’Art,
Tu ne tueras jamais dans ma mémoire
Celle qui fut mon plaisir et ma gloire !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal,
section « Spleen et Idéal », poème XXXVIII (éd.
1861)
Illustration : Charles Baudelaire (1821-1867), dessin représentant Jeanne Duval, v.
1855
« L’invitation au voyage »
Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
— Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal,
section « Spleen et Idéal », poème LIV (éd.
1861)
Illustration : Salomon van Ruysdael (v.
1602-1670), Deventer, vu du Nord-Ouest, 1657
« Spleen »
J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.
Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
De vers, de billets doux, de procès, de romances,
Avec de lourds cheveux roulés dans ses quittances,
Cache moins de secrets que mon triste cerveau.
C’est une pyramide, un immense caveau,
Qui contient plus de morts que la fosse commune.
— Je suis un cimetière abhorré de la lune,
Où comme des remords se traînent de long vers
Qui s’acharnent toujours sur mes morts les plus chers.
Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées,
Où gît tout un fouillis de modes surannées,
Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher,
Seuls, respirent l’odeur d’un flacon débouché.
Rien n’égale en longueur les boiteuses journées,
Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
L’ennui, fruit de la morne incuriosité,
Prend les proportions de l’immortalité.
— Désormais tu n’es plus, ô matière vivante !
Qu’un granit entouré d’une vague épouvante,
Assoupi dans le fond d’un Sahara brumeux ;
Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux,
Oublié sur la carte, et dont l’humeur farouche
Ne chante qu’aux rayons du soleil qui se couche.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal,
section « Spleen et Idéal », poème LXXVI (éd.
1861)
Illustration : Maxime Du Camp (1822-1894), « Vue du grand sphinx » (tirage photographique), 1849
Gustave Courbet (1819-1877), L'Atelier du peintre, 1855
Une (très courte) synthèse sur Baudelaire et Les Fleurs du Mal
Quelle est la place de Baudelaire dans l’histoire littéraire ?
Charles Baudelaire (1821-1867) est un des plus célèbres poètes dans la longue histoire de la poésie
française.
François Villon (XVè s.), Clément Marot, Pierre de Ronsard, Joachim Du Bellay ou encore Louise
Labé (XVIè s.) sont parmi les grands noms qui l’ont précédé et auxquels, à bien des égards, son œuvre rend
hommage.
Comme Villon, il se sent rejeté par la société dans laquelle il vit en paria.
Comme Marot, il
consacre de nombreux poèmes à évoquer le corps féminin.
Comme Ronsard, Du Bellay et Labé, il compose
une majorité de sonnets.
Il y a, au début du XIXè siècle, une poésie romantique représentée principalement par Alphonse de
Lamartine, Alfred de Vigny, Alfred de Musset et surtout le jeune Victor Hugo (1802-1885).
Baudelaire, né 19
ans après Hugo, appartient à la génération suivante.
Dans la dédicace des Fleurs du Mal, il rend hommage à
Théophile Gautier (1811-1872) qui fût avant lui critique d’art et poète, et prit ses distances avec la poésie
romantique.
L’œuvre de Baudelaire est donc encore marquée par le Romantisme, mais elle s’oriente vers ce
qu’on appellera après lui le Symbolisme.
Après Baudelaire viendront Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, Jules Laforgue et la génération des
« poètes maudits » (une expression que Baudelaire utilise déjà pour se désigner) : Isidore Ducasse dit
Lautréamont, Tristan Corbière, Charles Cros.
Paul Verlaine, en 1884, compose un ouvrage intitulé Les Poètes
maudits en y intégrant également Stéphane Mallarmé.
Bio et biblio
Charles Pierre Baudelaire est né le 9 avril
1821, à Paris.
Sa mère a 27 ans, son père 61.
JosephFrançois Baudelaire est un homme cultivé, amateur de
peinture et des grands auteurs du XVIIIè s.
(période
dite des « Lumières »).
Mais En février 1827, alors qu’il
n’a pas encore six ans, le jeune Charles voit mourir son
père.
Sa mère Caroline Dufaÿs se remarie un an plus
tard avec Jacques Aupick, militaire de carrière.
Charles
ne s’entendra jamais avec son beau-père.
Leurs différends éclatent pendant l’adolescence du futur poète, qui reste influencé par l’héritage
culturel de son père : Charles au lycée compose des vers latins et s’intéresse à la peinture.
Le Général Aupick,
de bien des façons, tente de s’opposer à sa vocation.
De plus, Charles reste très attaché à sa mère et considère
que son second mari lui vole l’attention et l’affection qu’elle devrait lui réserver.
Charles mène une vie dissipée et son beau-père décide de l’éloigner de Paris : il le fait embarquer
pour un long voyage vers Calcutta, en Inde.
Le bateau fait naufrage et n’ira pas plus loin que l’île Bourbon (la
Réunion).
Quelques mois plus tard, Charles transposera ses impressions de voyage en mer et son goût
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Une (très courte) synthèse sur Baudelaire et Les Fleurs du Mal
ambivalent pour l’exotisme dans certains de ses poèmes.
En 1842, de retour à Paris il fait la connaissance de
Jeanne Duval, une femme métisse qui devient sa maîtresse et sa muse, au point qu’il l’appellera sa « Vénus
noire ».
Il commence à composer les premiers poèmes de ce qui deviendra, 15 ans plus tard, Les Fleurs du
Mal.
À sa majorité, il touche l’héritage de son père, mais en partie seulement car il est né d’un second
mariage et il a un demi-frère plus âgé.
En à peine 18 mois, il dilapide cette importante somme d’argent : il
s’habille en dandy et vit bien au-dessus des ses moyens.
En 1843, il découvre ce qu’il nommera plus tard les
« paradis artificiels » c’est-à-dire le haschich, issu de la résine du cannabis.
Sa vie choque son entourage, qui ne veut plus
assumer ses dépenses ni tolérer ses
frasques
(prostituées, drogues).
Il contracte la syphilis, une
maladie sexuellement transmissible dont il finira par
mourir des années plus tard.
On convoque un conseil
judiciaire qui décide de lui attribuer une pension
mensuelle et qui le place sous la tutelle de ses parents,
alors qu’il est majeur.
Infantilisé, Charles tente de se
suicider en 1845.
En 1847, il consomme de l’opium
initialement pour soigner des maux de tête récurrent,
mais
en
augmentant
progressivement
sa
consommation, il finit par en devenir dépendant.
Critique d’art, il se passionne pour Eugène Delacroix, qui a peint La Liberté guidant le peuple en
1830 et fréquente assidûment l’atelier de Gustave Courbet, qui est à cette époque le chef de file du Réalisme
en peinture.
Il apparaîtra même dans L’Atelier du peintre, une œuvre importante de Courbet, en 1855.
En
février 1848 a lieu la troisième révolution française (après celle de 1789 qui a marqué la génération
romantique et celle de 1830 qui a inspiré le tableau de Delacroix) : Baudelaire soutient le rétablissement de la
République et crée même une éphémère gazette républicaine.
À partir de 1848, Baudelaire devient le
traducteur de l’écrivain américain Edgar Allan Poe, célèbre auteur de nouvelles fantastiques et d’Histoires
extraordinaires, souvent macabres.
Il vit pendant quelques années de ses activités littéraire (traduction) et
journalistique (critique d’art), et continue par ailleurs d’écrire des poèmes.
Le 27 avril 1857, le Général Aupick meurt à Paris.
Charles se retrouve enfin, comme il l’a longtemps
souhaité, seul avec sa mère.
Le 21 juin 1857 paraissent enfin Les Fleurs du Mal.
L’auteur y a recueilli 100
poèmes répartis en 5 sections, dont 77 poèmes dans la section principale intitulée « Spleen et Idéal ».
Moins
de deux mois après la parution, Baudelaire et son éditeur sont attaqués en justice pour « atteinte à la morale
publique et aux bonnes mœurs ».
À l’issue du procès, l’auteur est condamné à une amende de 300 francs.
Suivant les conseils de ses amis, il écrit à l’Impératrice Eugénie pour la prier d’intervenir auprès du
Ministre de la Justice : son amende est réduite à 50 francs.
L’éditeur doit s’acquitter d’une amende de 100
francs et 6 poèmes doivent être supprimés du recueil.
Dans les exemplaires déjà imprimés, les 6 poèmes
condamnés sont « placardés » c’est-à-dire recouverts d’une page noire.
Baudelaire, qui a envoyé un
exemplaire des Fleurs du Mal à Victor Hugo, reçoit en retour une lettre d’encouragement et de solidarité.
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Une (très courte) synthèse sur Baudelaire et Les Fleurs du Mal
Hugo, qui s’est exilé volontairement car il déteste Louis-Napoléon Bonaparte qu’il appelle « Napoléon le
Petit », félicite même Baudelaire pour ses ennuis judiciaires : « Une des rares décorations que le régime
actuel peut accorder, vous venez de la recevoir.
Ce qu’il appelle sa justice vous a condamné au nom de ce qu’il
appelle sa morale ».
Le retentissement du procès vaut un certain succès au Fleurs du Mal, comme à Madame
Bovary, le roman de Flaubert attaqué en justice la même année, pour le même motif.
En 1861 paraît une seconde édition des
Fleurs du Mal : l’éditeur a retiré les 6 poèmes
condamnés, et Baudelaire a compensé cette
censure en ajoutant 32 poèmes.
En 1862, il....
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