Analyse linéaire Le portrait de la Princesse de Cleves
Publié le 30/10/2022
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Dans la seconde moitié du XVII° siècle la mode est aux récits d'aventures sentimentales
situés dans un cadre historique, de fait Madame de Lafayette s'est particulièrement documentée
pour écrire La Princesse de Clèves qu'elle publie anonymement en 1678.
Ce roman fait revivre la
cour des Valois à l'époque d'Henri II et il retrace tout particulièrement les deux dernières années de
ce règne.
Cependant Madame de Lafayette ne fait pas œuvre d'historienne puisqu'elle affiche
délibérément un parti pris d'idéalisation qui se traduira dans le roman par de nombreuses hyperboles
et qui est héritier du roman précieux.
Dans cette œuvre, l'influence de la cour, qui en réalité évoque
celle de Louis XIV, sur les individus est particulièrement perceptible, c’est pourquoi la romancière
opte pour un incipit qui décrira précisément cette cour avant de nous présenter l'héroïne.
LECTURE
PB comment cet incipit et le portrait de l'héroïne insiste sur l'ambivalence de la cour et l'importance
de l'éducation.
Composition
L1 à 7 : incipit à proprement parlé
L8 à 13 : apparition de l'héroïne, "une beauté parfaite"
L13 à 25 : description précise de l'éducation morale
L25à32 : retour au moment de l'action,
L'INCIPIT
Au sens strict c'est la première phrase d'un roman, or dès cette première phrase l'accent est
mis sur le faste et l'élégance de cette cour grâce à deux substantifs coordonnés "magnificence" et
"galanterie" qui sont en apparence très mélioratifs d'autant plus ils sont immédiatement suivis d'une
négation partielle "n'...jamais" et d'un complément de manière "avec tant d'éclat" marqué par
l'intensif : grandeur et magnificence sont ainsi mises en valeur mais en même temps elles sont
nuancées par l'utilisation du passé composé " ont paru" qui laisse supposer que cela n'est plus .
La
fin de l'incipit au sens strict permet une datation précise la fin du règne d'Henri II donc le roman
s'ouvre en 1558.
L’incipit continue par le portrait du roi "galant, bien fait et amoureux" ces trois qualificatifs
en rythme ternaire mettent en valeur le côté galant du souverain et place le roman dans le domaine
de l'amour.
Notons la polysémie du mot "galanterie" qui peut désigner la politesse et l'élégance mais
aussi la recherche d'aventures galantes adultérines.
Ainsi la galanterie de la Cour, d’emblée mise en
évidence, suggère qu'il il va être question par la suite de relations adultérines.
La fin de la deuxième
phrase du roman évoque, à l'aide d'une subordonnée concessive la passion du roi pour Diane de
Poitiers, passion qui reste d'un caractère violent malgré les années passées.
Si l'accent est mis sur la
violence de cette passion c'est pour montrer qu'elle est condamnable par son excès.
Notons
également l'importance des témoignages publiques que le roi donne à sa maîtresse depuis plus de
vingt ans.
Le premier paragraphe du roman précise donc nettement le cadre historique de l'action
tout en mettant l'accent sur l'aspect ambivalent du roi puisque on ne parle pas de la reine mais de la
maîtresse .
Le deuxième paragraphe permet de peindre la cour du roi en insistant sur les nombreuses
festivités qui ne sont liées qu'aux qualités physiques du roi (cf la subordonnée de cause), notons la
tournure au superlatif et le présentatif descriptif qui va suivre "c'était tous les jours..." Notons
également que le terme "divertissement" fait référence au Moraliste Pascal.
La suite de l’incipit, supprimé ici, sera une suite de portraits des Grands du Royaume qui
sont tous plus remarquables les uns que les autres.
Et c'est dans ce cortège d'êtres d’exception,
décrits de manière superlative que va paraître tout à coup l'héroïne, Mlle de Chartres.
L'APPARITION D'UNE BEAUTE PARFAITE
" Il parût alors…belles personnes « (l.8 à 10)
C'est l'effet de surprise qui domine, le nom de l'héroïne n'est pas donné, au contraire le
portrait débute par une sorte d'énigme "Il parût alors…tout le monde" l'effet de surprise est mis en
valeur par l'utilisation du passé simple et de la tournure impersonnelle, et l'article indéfini "une"
renforce le mystère.
Aucun trait physique de la jeune fille n'est précisé, il suffit pour l'instant de dire
qu’ "elle éblouit la cour".
(comme l'arrivée intempestive de Cendrillon «une grande princesse qu'on
ne connaissait point").
L'héroïne est présentée de façon superlative, les expressions "beauté
parfaite" "admiration" montrent qu'elle surpasse toutes les autres, bien que cette cour soit "si
accoutumée à voir de belles personnes", cela laisse présager que son arrivée sera lourde de
conséquences.
A noter la répétition du substantif « beauté" et le fait que tous les regards se tournent
vers elle.
La présentation de l'héroïne est faite à l'aide d'un discours épidictique (discours de
l'éloge).
"elle était de la même maison…" "sans revenir à la cour » (l.10 à 13)
En revenant sur le passé de la jeune fille mystérieuse le narrateur donne des éléments de
résolution de l'énigme, l'héroïne appartient à la famille du Vidame de Chartres Ces phrases retracent
des événements à la fois banals et exceptionnels; banals parce que des événements familiaux
analogues n'étaient pas rares à l'époque de Madame de Lafayette, exceptionnels du fait que la jeune
fille est "une des plus grandes héritières de France" (l 11)et que sa mère possède des qualités
morales "extraordinaires"(l.12).
Là encore les superlatifs dominent : Mademoiselle de Chartres est
d'emblée présentée comme parfaite : perfection de la beauté, perfection de la position sociale et par
la suite sera démontrée la perfection de l'éducation morale.
"Pendant cette absence…aimable"
Notons que pour parfaire son éducation Madame de Chartres a tenu sa fille éloignée de la
cour, ce qui laisse sous-entendre que la Cour est dangereuse.
Madame de Lafayette n'insiste pas sur
la formation intellectuelle de son héroïne, tout est dit en une formule qui met sur le même plan
facultés mentales et disposition physiques "son esprit et sa beauté"(ce qui permet de plaire en
société) mais la grande préoccupation de madame de Chartres "dont la vertu et le mérite étaient
extraordinaires" n'est pas d'ordre intellectuel mais moral "elle songea "à lui donner la vertu" ;
Notons la formule négative "elle ne travailla pas seulement".
Elle se propose par ailleurs un objectif
paradoxal : non seulement "lui donner de la vertu" "mais la lui rendre aimable".
Notons aussi
l'utilisation du lexique de l'éducation.
" la plupart des mères...être aimées"
Le développement qui suit, dont on sent l'importance à la place centrale qu'il occupe dans le
passage, a le caractère vivant d'une conversation sans cesse reprise comme le suggère les nombreux
imparfaits "elle lui montrait", "elle lui contait" "elle lui faisait voir ».
Mme de Chartres qui fonde
son action sur la parole sait aussi qu'il n'y a pas d'éducation sans imprégnation; femme intelligente
elle refuse la conspiration du silence qui s'organise d'elle-même quand il s'agit de l'éducation des
filles "la plupart des mères s'imaginent qu'il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes
personnes pour les en éloigner «elle prend ainsi le contrepied de l'éducation de l'époque, elle va
contre la doxa à laquelle elle s'oppose "elle avait une opinion opposée; elle faisait souvent à sa fille
les peintures de l'amour" , ici l'imparfait doublé de l'adverbe de temps "souvent" insiste sur cette
volonté de respect de la vérité qui prouve l'intelligence de Madame....
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