AL5 excipit de Salammbô: En quoi cet extrait est-il une représentation violente de la destruction de Mâtho ?
Publié le 08/04/2024
Extrait du document
«
AL5 excipit de Salammbô
Écrit en 1862, juste après Madame Bovary, Salammbô est un roman historique dont
l’action se situe au IIIe siècle avant J.-C en Afrique du Nord, illustrant un passé marginal
représenté par le récit de la guerre des mercenaires.
Mâtho, le chef des mercenaires, est redouté
et spectaculaire par sa carrure imposante, sa force et sa beauté.
Salammbô est la fille du général
Hanniclar qui combat ces mercenaires.
Elle est envoyée pour séduire Mâtho et récupérer dans
sa tente le voile de la déesse Tanit qui, selon les croyances, représenterait le salut et la fortune
du peuple de Carthage.
Elle ramène le voile mais tombe amoureuse de son ennemi.
Dans les
dernières pages du roman, Flaubert décrit le supplice de Mâtho, lynché par les carthaginois,
sous les yeux de Salammbô.
-
En quoi cet extrait est-il une représentation violente de la destruction de Mâtho ?
L.
1 à 8 « espace » : le supplice
L.
8 à 20 « toujours ! » : le face à face amoureux
L.
21 à 25 « qu’il mourût ! » : souvenirs doux et douloureux
L.
25 à 27 « ne bougea plus » : la mort
L.
28 à la fin : le faux triomphe
Les esclaves du
Conseil le frappèrent
avec leurs fouets en
cuir d'hippopotame,
L.
1 à 8 « espace » : le supplice
- D’emblée, le texte s’ouvre sur une scène de supplice et de
violence, dont la couleur s’annonce déjà par le verbe frapper
et l’instrument du supplice « fouets en cuir d’hippopotame ».
Le matériau employé pour fabriquer les fouets, témoigne de
l’époque et permet de mieux placer cette violence dans un
contexte historique, celui du IIIe siècle avant J.-C.
- Mâtho, victime de cette violence, n’est plus considéré comme
un être humain.
Objet grammatical dans la phrase, il n’existe
qu’à travers le pronom personnel complément d’objet « le ».
si furieusement et
pendant si longtemps
que les franges de
leur tunique étaient
trempées de sueur.
- La longueur de la phrase qui se décline sur les deux premières
lignes cherche à restituer la longueur du supplice, dont
l’interminable durée et la violence résident dans les
adverbes « furieusement » et « longtemps » aggravés par
l’intensité « si ».
- Aucune trace dans la phrase de la souffrance qu’il peut
ressentir, et la conséquence de l’acte ne se traduit que par
l’état des bourreaux « si…que les franges de leurs tuniques
étaient trempées de sueur ».
- D’ailleurs, la brève indépendante qui suit souligne la placidité
du personnage « Mâtho paraissait insensible ».
Le préfixe
négatif dans l’adjectif « insensible » l’exclut à tel point que le
lecteur a l’impression que les bourreaux paient le prix de cette
violence plus que la victime.
Mâtho paraissait
insensible ;
tout à coup, il prit son
élan, et il se mit à
courir au hasard, en
faisant avec ses lèvres
le bruit des gens qui
grelottent par un grand
froid.
Il enfila la rue de
Boudès, la rue de
Soepo, traversa le
Marché-aux-Herbes et
arriva sur la place de
Khamon.
Il appartenait aux
prêtres, maintenant ;
les esclaves venaient
d'écarter la foule ; il y
avait plus d'espace.
.
- Mâtho semble revenir à la vie de manière inattendue par le
biais de la locution adverbiale « tout à coup ».
À présent sujet
de la succession des verbes de déplacement au passé simple
« prit », « se mit », « enfila », « traversa », « arriva », la
rapidité de son action vient contrebalancer l’état dans lequel il
est réduit dans le CCM « en faisant avec ses lèvres le bruit
des gens qui grelottent par un grand froid ».
- Le personnage se montre donc capable d’un tel déplacement
héroïque malgré son état, et l’énumération des lieux traversés
« la rue de Boudès », « la rue de Sœpo », « le marché aux
herbes la place de Kamon », illustre le trajet parcouru.
- Ces indications spatiales emmènent, par la main, le lecteur
dans les rues africaines d’une autre époque, le persuadant tout
de même qu’il les connaît déjà puisqu’elles sont nommées.
Flaubert, en cela, reste fidèle à cette volonté de peindre une
réalité qui prend le pas sur la fiction.
- Cependant, l’image du héros est cassée à nouveau par le
verbe « appartenir » qui survient en début du paragraphe
suivant.
Mâtho redevient l’objet dont on peut disposer « Il
appartient aux prêtres ».
- La scène est d’autant plus dramatisée par la présence de la
foule qui se presse, spectatrice comme dans un théâtre à la
réalité brûlante.
L.
8 à 20 « toujours ! » : le face à face amoureux
- La fin du mouvement dont le rythme rapide tient le lecteur en
haleine, annonce une trêve.
Nous avons l’impression qu’une
Mathô regarda autour
de lui, et ses yeux
rencontrèrent
Salammbô.
nouvelle attraction va se mettre en place.
- Cette impression se justifie par le lexique du regard.
L’insistance sur les yeux fige la scène qui reste suspendue
dans le temps, par un ralentissement du rythme.
- Les deux indépendantes coordonnées (unies par un lien de
conséquence) et le nom de Salammbô qui survient à la fin de
la seconde montrent qu’elle est l’aboutissement de la quête.
Dès le premier pas
qu'il avait fait, elle
s'était levée ;
- Les actions des deux personnages se synchronisent comme en
témoigne l’emploi du même temps verbal (le plus-queparfait) dans la subordonnée ayant comme sujet « il » et dans
la principale ayant comme sujet « elle ».
puis involontairement,
à mesure qu'il se
rapprochait, elle s'était
avancée peu à peu
jusqu'au bord de la
terrasse ; et bientôt,
toutes les choses
extérieures s'effaçant,
elle n'avait aperçu
que Mâtho.
- Le déplacement de Salammbô demeure somnambulique.
Son
caractère lent et inconscient est souligné par les adverbes
« involontairement » et « peu à peu » jusqu’à la mener vers ce
point de rencontre des deux regards.
Un silence s'était fait
dans son âme, - un de
ces abîmes où le
monde entier disparaît
sous la pression d'une
pensée unique, d'un
souvenir, d'un regard.
- La sensation visuelle éclipse celle auditive : la scène tombe
dans le silence.
Tout semble se résorber d’abord par l’absence
de bruit qui donne à la scène l’allure d’un étourdissement
« silence » et « abîmes », puis par la gradation en decrescendo
« d’une pensée unique, d’un souvenir, d’un regard ».
Cet homme, qui
marchait vers elle,
l'attirait.
- La négation restrictive « elle n’ait vu que Mâtho » élimine
du tableau la présence de la foule laissant en face à face les
deux héros du roman, disparition d’autant plus prononcée par
l’emploi des verbes « s’effaçant » et « disparaît ».
- C’est le regard de Salammbô à présent qui restitue la scène.
On est dans le point de vue interne, censé expliciter les
sensations et les sentiments de l’héroïne.
- Enfin, la force magnétique qui pousse les amants l’un vers
l’autre....
»
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