« MON BEL AMOUR ( …) MA DÉCHIRURE » Louis ARAGON
Publié le 06/03/2025
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«
« MON BEL AMOUR ( …) MA
DÉCHIRURE » Louis ARAGON
« Séparation », Edward Munch 1896
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PRÉFACE :
« MON BEL AMOUR ( …) MA DÉCHIRURE » Louis ARAGON
MAUX D’AMOUR
La poésie nous accompagne au quotidien.
Qui d’entre vous, chers lecteurs, ne
se souvient de quelques vers récités à l’école ou d’un poème mis en musique ?
« La cigale et la fourmi » de La Fontaine, « Demain dès l’aube » de Victor Hugo
ou bien « Heureux qui comme Ulysse » de Du Bellay ? Les vers surgissent de
manière inattendue, égarés dans notre mémoire.
La poésie est un art qui permet d’exprimer ses sentiments, ses ressentis et
ses émotions.
C’est une manière profonde d’exprimer ce que l’on ressent
en s’appuyant sur la musique des mots.
Par sa beauté, la poésie est utile car elle
peut procurer du plaisir aux lecteurs.
La poésie permet de s’évader, de rêver.
Elle permet aussi d’engendrer des prises de conscience, des réflexions.
Le
poète s’ouvre à nous, on peut donc facilement se sentir concerné par ses écrits.
Chacun d’entre vous peut s’identifier à une expérience vécue par un poète :
l’attente, la séparation… Le poète pose un regard original sur le monde et en
même temps, il parle d’expériences partagées par tous.
Autant que le bonheur d’aimer, les maux d’amour sont sources d’inspiration.
Depuis l’amour courtois du Moyen Age à la poésie moderne, en passant par
l’humanisme du 16ème siècle, le baroque du 17ème siècle et le romantisme du
19ème siècle, la poésie lyrique est sans cesse renouvelée.
Elle est atemporelle et
universelle.
On retrouve souvent le vécu du poète car, pour pouvoir parler du mal
amoureux, il faut l’avoir vécu pour l’évoquer d’une manière touchante et
réaliste.
L’amour est un sentiment intense qui implique des contraintes : la
souffrance, le manque, la perte de l’être aimé.
Quand un être souffre dans son
âme et dans son corps, la musique des mots peut exprimer sa douleur.
La
forme poétique est brève, violente, puissante.
Elle est un murmure qui crie la
souffrance.
Par quels moyens
maux d’amour ?
poétiques
les
mots
peuvent-ils
exprimer
les
Comme titre à notre anthologie, nous avons repris un vers de Louis Aragon :
« Mon bel amour (…) ma déchirure » car l’antithèse traduit bien l’ambiguïté
de l’état amoureux et le pouvoir de l’amour.
Notre anthologie n’est pas
chronologique.
Nous avons choisi de l’ouvrir avec un poème qui nous a touchées
par sa simplicité et sa mélancolie.
Avec « Le pont Mirabeau », Apollinaire évoque
le souvenir d’un amour perdu.
Il joue sur un élément traditionnel de la
poésie lyrique, l’eau mouvante du fleuve pour exprimer la fuite du temps.
L’eau
de la Seine s’écoule comme l’amour qui passe : « L’amour s’en va comme cette
eau courante ».
Le pont Mirabeau reste immobile comme le poète figé dans sa
douleur.
Le refrain crée un effet de douceur et de tristesse.
La forme du poème
est moderne pour l’époque puisqu’Apollinaire varie la longueur des vers.
Le
poème imite ainsi le mouvement fluctuant de l’eau comme une petite vague.
Nous avons mis en relation ce poème avec une photo du Pont des Arts qui,
aujourd’hui, incarne le pont des amoureux.
Les amoureux fixent un cadenas sur le
pont pour sceller leur amour dans l’éternité.
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Il semble logique de poursuivre la thématique marine avec le sonnet baroque
de Pierre de Marbeuf.
Il fait un parallélisme entre la mer et l’amour qui peuvent
être aussi instables : « Car la mer et l’amour ne sont point sans orage.
» Il
entremêle l’eau, le feu, l’orage.
Il faut oser affronter « le feu » de la passion,
prendre le risque d’un « naufrage » pour vivre intensément le trouble de la passion
amoureuse.
Nous avons choisi d’illustrer ce sonnet par « La vague » de Courbet,
tableau réaliste du 19ème siècle qui représente Etretat sans complaisance avec des
galets noirs et une vague tumultueuse et sombre.
Le mouvement de l’eau, le ciel
nuageux font écho au poème de Pierre de Marbeuf.
Aragon présente la souffrance comme indissociable de l’amour avec la
répétition de « Il n’y a pas d’amour heureux.
» Le poème est complexe.
Certains
vers sont intimes : « Mon bel amour, mon cher amour, ma déchirure/ Je te porte
dans moi comme un oiseau blessé.
» Avec l’antithèse et la comparaison, le poète
accepte la douleur liée à l’amour.
Mais le poète ne parle pas que de la souffrance
amoureuse.
Ce poème a été écrit en 1943 dans un recueil qui a pour thème
principal la guerre.
Il est question de « soldats sans armes », « de l’amour de la
patrie ».
Aragon élargit le thème de la souffrance en parlant aussi des larmes des
soldats qui subissent la guerre.
Louise Labé, poétesse du 16ème siècle, décrit dans son sonnet « Je vis,
je meurs… » l’état d’une femme déchirée par l’amour.
Il est étonnant qu’au
16ème siècle, une femme ose écrire les sensations liées à l’amour en
privilégiant le toucher, ce qu’on ressent dans sa chair : « J’ai chaud
extrême en endurant froidure.
» Ce poème est direct, sensuel pour exprimer la
passion physique et le manque.
Comme chez Pierre de Marbeuf et Aragon,
on y lit des antithèses révélatrices des contradictions de l’état amoureux.
Charles d’Orléans, emprisonné par les anglais pendant vingt cinq ans, est resté
longtemps loin de la France.
Exilé, il entretient le souvenir de sa « Maitresse »
grâce à la poésie : « Je n’ai plus rien, à me réconforter,/ Qu’un souvenir pour retenir
liesse ».
Le poème forme une boucle avec la reprise du premier vers à la fin du
poème.
La poésie le console de son éloignement.
Nous avons choisi une gravure
de l’amour courtois pour illustrer ce poème du 15ème siècle qui repose sur l’attente.
Le poème traduit de l’allemand, de Hölderlin est bref mais expressif.
On peut
décider raisonnablement de se séparer car on se dispute trop.
Mais il n’empêche
que la séparation peut être violente comme un coup de poignard, « une
déchirure ».
La comparaison de « l’assassinat » est significative.
On ne se connaît
jamais tout à fait.
Marceline Desbordes-Valmore, poétesse du 19ème siècle, a peur de sa
mémoire.
Elle a vécu une séparation si douloureuse que garder un lien par lettres
avec l’être aimé est intolérable.
Cela ravive la souffrance.
La séparation est
associée au champ lexical de la mort présent dans tout le poème.
Elle veut oublier
les moments heureux avec l’être aimé et aspire à la mort.
C’est pourquoi nous
avons rapproché ce poème du tableau inquiétant de Munch.
La femme isolée, en
robe de deuil, ne participe pas à la danse de la vie.
Les autres dansent à
deux, elle est triste et seule.
Le dernier poème d’un auteur méconnu, traite encore de la séparation.
L’anaphore « N’oublie pas » ou « Ne m’oublie pas » prouve que l’amour permet
d’accéder à l’éternité dans le cœur de l’autre.
Même si l’amour est fini, on veut
exister pour toujours dans le souvenir de l’être aimé.
Il est insupportable de n’être
plus rien pour lui.
L’amour permet peut-être de défier l’oubli et la mort.
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La sculpture de Rodin exprime la fuite de l’amour.
L’homme, en tendant ses
bras, veut rattraper celle qui lui tourne le dos et peut être exister pour elle pour
toujours.
Chers lecteurs, nous espérons que cette préface ne vous a pas ennuyés et vous
a donné envie de lire notre anthologie.
Nous souhaitons que la musicalité
des poèmes choisis vous procure des émotions variées et durables.
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« Le pont Mirabeau », extrait d’Alcools paru en 1913 de Guillaume
Apollinaire.
Ce poème évoque l’amour disparu et le temps qui passe.
La présence d’un refrain
ajoute une sorte de rythme au poème et peut donc faire penser à une chanson.
Nous avons choisi ce poème car son rythme permet de le rendre plus original et de
toucher les lecteurs par les émotions qu’il provoque.
Les strophes en forme de
vagues rappellent les vaguelettes de la seine.
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
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« Les amours s’enfuient vite sur....
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