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« J’écris pour que vous sachiez ; je crie pour que vous entendiez ; je marche en avant pour que vous connaissiez la route. »

Publié le 21/05/2023

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« Dissertation 1 Proposition de corrigé Sujet : « J’écris pour que vous sachiez ; je crie pour que vous entendiez ; je marche en avant pour que vous connaissiez la route.

» Ces propos de Flora Tristan, tirés de la préface de L’Émancipation de la femme ou Le Testament de la paria, édité à titre posthume en 1845, peuvent-ils s’appliquer au projet d’Olympe de Gouges dans la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne ? [Introduction] Lorsque Olympe de Gouges écrit en 1791 sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, elle pose un geste fort au cœur de l’ébullition révolutionnaire : elle répond à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en la pastichant et en la réécrivant pour appeler les membres de l’Assemblée à aller au bout de leurs revendications égalitaires, sans abandonner les femmes sur le bord du chemin.

Par ce texte visionnaire, Olympe de Gouges dénonce vigoureusement les inégalités d’une société française qui ne reconnaît pas pleinement aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes, et elle propose des axes de réflexion susceptibles de guider une action émancipatrice.

Quelques décennies plus tard, Flora Tristan, elle aussi engagée dans la lutte pour les droits des femmes, écrit dans la préface de L’Émancipation de la femme ou Le Testament de la paria : « J’écris pour que vous sachiez ; je crie pour que vous entendiez ; je marche en avant pour que vous connaissiez la route.

» Avec cette affirmation, elle se présente à la fois comme autrice, oratrice et guide.

Une telle posture peut, de toute évidence, s’appliquer à la démarche d’Olympe de Gouges.

Il convient dès lors de se demander comment se déploie chez elle un tel projet.

[Plan] On verra d’abord en quoi l’incarnation du combat par son autrice lui donne de la force [partie 1], avant de voir quelles finalités sous-tendent ce combat : éveiller les consciences en dénonçant les inégalités [partie 2], puis montrer la voie pour permettre un monde plus égalitaire [partie 3]. [Développement] [Partie 1] La présence forte du pronom « je », sujet des verbes d’action « écrire », « crier » et « marcher en avant » dans la phrase de Flora Tristan, peut être retrouvée dans l’œuvre d’Olympe de Gouges.

Cela fait d’emblée ressortir une caractéristique essentielle de la pamphlétaire : son combat pour l’égalité ne s’est pas seulement construit à sa table d’écriture, il a aussi été porté par une action, véritable incarnation ou prise en charge physique et active de ses idéaux. [Sous-partie 1] On peut remarquer, dans la littérature d’idées, une adéquation récurrente entre l’écrit, la parole et l’action des autrices et auteurs militant pour l’égalité.

La vie et l’œuvre d’Olympe de Gouges l’illustrent parfaitement.

On ne peut qu’être impressionné par la prodigieuse énergie qu’elle a déployée, contamment et sans relâche, pour défendre ses idées et mener ses combats.

Celle qui se dit « contente d’avoir servi dans l’obscurité la cause du peuple » l’a fait en mobilisant une palette variée de formes de la littérature d’idées : lettres, essais, brochures, pétitions, déclaration ou encore pièces de théâtre.

Elle y sert la cause du peuple en général, mais aussi celle des femmes et des Noirs en particulier.

On ne peut manquer de LIRE LES CLASSIQUES, Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne 1 © Bordas/SEJER, 2021 – ISBN 978-2-04-733897-1 remarquer l’ancrage de son engagement dans son histoire personnelle : enfant naturelle d’un père aristocrate qui a toujours refusé de la reconnaître, elle a défendu le droit des femmes et mères non mariées mais aussi celui des enfants naturels ; malheureuse dans un mariage qui la laisse veuve et mère à dix-huit ans, consciente qu’une femme autrice ne peut pas publier sans l’autorisation de son mari, elle ne se remariera jamais, affirmant que « le mariage est le tombeau de l’amour et de la confiance ».

On peut observer chez d’autres autrices et auteurs une cohérence entre leurs idéaux et leur engagement viscéral dans l’écriture littéraire mais aussi dans l’action militante.

Flora Tristan, victime de violences conjugales et d’un féminicide, fine observatrice du monde ouvrier, s’est battue toute sa vie pour que soit rétabli le droit au divorce (aboli par Napoléon), et pour améliorer la condition des ouvriers.

La réflexion anticoloniale de Frantz Fanon s’est nourrie de son expérience dans un hôpital de l’Algérie encore française, ce dont il parle dans Les Damnés de la Terre (1961).

Quant à l’avocate Gisèle Halimi, elle a non seulement défendu les droits des militants de l’indépendance de l’Algérie mais aussi ceux des femmes, notamment dans la lutte pour l’accès à l’avortement, ce qu’elle relate dans Une Farouche Liberté (2020). [Sous-partie 2] La forme de la phrase de Flora Tristan révèle un autre aspect fondamental du projet de Gouges : ce « je » s’adresse toujours à un « vous », une locutrice adresse sa parole à une communauté qu’elle interpelle et pour laquelle elle se bat.

« La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune », écrit-elle dans l’article 10 de la Déclaration.

Il est intéressant de noter que le préambule et les articles sont encadrés par deux textes qui interpellent : le premier prend à partie l’« homme », au singulier et sans article, tandis que le second s’adresse aux « femmes », sans article mais au pluriel.

Olympe de Gouges s’empare ainsi de la tribune et met en scène ses adresses aux différents protagonistes du combat pour l’égalité.

On sent, derrière un pronom « je » qui ne cherche pas à se dissimuler, la présence forte de celle qui se fait tour à tour accusatrice et avocate.

D’ailleurs, la Déclaration est dédicacée à la reine et s’adresse aussi aux membres de l’Assemblée nationale.

Seule face à toutes et tous pour porter la parole de celles qui ne l’ont pas encore, « les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la Nation », Olympe de Gouges entend bien, à sa façon, prendre part aux discussions qui engagent son destin, mais aussi celui des femmes qu’elle représente et celui des Noirs dont les souffrances la révoltent.

Elle semble, en fait, comme appelée par cette lutte impérieuse, ce que l’on comprend bien lorsqu’elle écrit dans le postambule : « Il est bien nécessaire que je dise quelques mots sur les troubles que cause, dit-on, le décret en faveur des hommes de couleur, dans nos îles.

» [Transition] Ainsi, le projet d’une autrice qui proclame : « j’écris », « je crie », « je marche en avant » est sous-tendue par sa parole, sa voix et son corps engagés dans la lutte qu’elle porte. [Partie 2] Mais si cette parole se fait entendre avec tant de force, c’est qu’elle cherche à produire un effet, qu’elle affiche son but, qu’elle exhibe sa dimension pragmatique, c’est-à-dire son souci de réussite.

Olympe de Gouges aurait pu dire avec Flora Tristan : j’écris et je crie « pour que vous sachiez », tant elle avait à cœur d’éveiller les consciences en dénonçant les inégalités. [Sous-partie 1] LIRE LES CLASSIQUES, Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne © Bordas/SEJER, 2021 – ISBN 978-2-04-733897-1 2 En effet, La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne entend bien dénoncer un oppresseur et un système : elle écrit pour que les femmes, entre autres, sachent qui les opprime.

En interpellant d’emblée l’homme, juste avant le préambule de la Déclaration, elle cible sans équivoque l’homme et interroge sa capacité à « être juste ».

Les verbes « opprimer », « régner en despote » et le groupe nominal « empire tyrannique » ne laissent aucun doute sur l’idée qu’elle se fait de la réponse et on sent poindre l’indignation de l’autrice qui constate que l’homme est la seule créature de la nature qui traite ainsi sa compagne, tout en « préten[dant] jouir de la Révolution, et réclamer ses droits à l’égalité » – les droits des hommes, et d’eux seulement.

Elle s’insurge contre cette indignité au seuil du texte et n’aura de cesse d’en donner des exemples, pour montrer que rien n’a changé : une formule choc, dans le postambule, présente ainsi les femmes, comme « ce sexe autrefois méprisable et respecté, et depuis la Révolution, respectable et méprisé.

» Identifier l’oppresseur et piquer son orgueil, c’est bien aussi ce que fait Roxane en écrivant à son mari, Usbek, la dernière des Lettres persanes.

Pour échapper à ce mariage de servitude, puisqu’elle est enfermée dans son harem, elle s’empare des deux seules possibilités dont elle dispose pour s’affranchir de la tyrannie et se montrer l’égale d’Usbek : elle lui écrit pour lui annoncer son suicide et, ce faisant, elle s’arroge le dernier mot sur leur histoire et son récit en sera désormais la trace immuable.

Sur un ton de défi, elle exhibe sa liberté d’action et inverse la situation dont Usbek se.... »

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