L'histoire de la Belgique
Publié le 24/08/2023
Extrait du document
«
l’histoire de la
BELGIQUE
en 100 cartes
anciennes
l’histoire de la
BELGIQUE
en 100 cartes
anciennes
Philippe De Maeyer
Michèle Galand
Bram Vannieuwenhuyze
Guy Vanthemsche
Les cartes anciennes et notre désir d’explorer le temps
David Van Reybrouck
« J’
ai du mal à comprendre », lui dis-je en lui tendant mon
carnet et mon stylo.
« Est-ce que vous pourriez me
faire un croquis ? » Je me trouve au foyer des vétérans dans la
ville de Manado, à la pointe nord de l’île de Sulawesi, ou Célèbes
en français.
C’est ici que commença l’invasion de l’Indonésie
par l’armée japonaise, le 11 janvier 1942.
Navires, raids aériens,
parachutistes… la guerre dans toute son horreur.
Hendrik
Pauned Muntuuntu me lance un regard surpris.
Âgé de 15 ans à
l’époque, il en a 89 aujourd’hui.
Il m’a confié à l’instant avoir vu
des barges de débarquement japonaises « sur la plage de Kema ».
Attendez, où ça exactement ? J’ai besoin d’un plan d’ensemble.
« Bien sûr », dit-il d’un ton hésitant.
Il semble trouver ma question étrange.
Tout le monde sait où se trouve Kema, non ?
Il se met ensuite à dessiner dans mon carnet : la péninsule
de Minahasa, la ville de Manado, la direction d’où venaient les
navires de guerre japonais, la marche des soldats vers l’aéroport,
l’endroit où stationnait l’armée néerlandaise, et enfin, la plage de
Kema.
Il s’applique pendant une bonne vingtaine de minutes,
ajoutant sans cesse de nouveaux détails à son plan.
Il note des
noms, trace une nouvelle route, épaissit une flèche.
Pendant ce
temps, il poursuit sans interruption le récit des événements dont il
a été témoin.
Je griffonne à mon tour quelques-unes de ses explications.
À la fin, je me retrouve avec une page de carnet d’apparence chaotique, mais qui contient en réalité une carte très précise
du début de l’invasion japonaise en Indonésie.
Lorsque je consulte
par la suite des rapports militaires japonais, tout s’avère correct
dans les moindres détails.
C’est stupéfiant.
Comment expliquer
qu’une telle carte puisse vous procurer tant de renseignements et
vous faire comprendre si bien une situation d’un seul coup d’œil ?
Et comment se fait-il que la cartographie alimente tant de récits ?
Même les cartes géographiquement ou historiquement « incorrectes » contiennent des trésors d’informations sur la manière
dont les gens expérimentent ou imaginent l’espace.
La carte très
approximative de Lubumbashi, la deuxième ville du Congo, qu’un
de mes informateurs dessina au cours d’un entretien, indiquait
exactement les limites de son monde et le rapport entre ces frontières invisibles et le plan de la ville coloniale d’il y a un demi-siècle.
Il en va de même avec les cartes « erronées » reproduites dans le présent ouvrage.
En examinant la carte de l’Europe
occidentale dessinée par Lambert de Saint-Omer en 1121, on se
rend compte à quel point les Alpes et les Pyrénées formaient des
obstacles redoutables et apocalyptiques dans la mentalité médiévale.
La carte des voies navigables du comté de Flandre, qui date de
1452, permet de dresser une carte mentale des relations économiques de l’époque : Bruges, telle une grande et solide roue de
charrette, domine le reste du paysage.
Et que dire de ce projet utopique de « Cité mondiale » reproduit sur une carte fascinante de
1913 ? Plus vaste que Bruxelles, cette ville dédiée à la science, au
progrès et à la paix dans le monde devait voir le jour entre Tervuren et Sterrebeek.
Elle illustre combien les aspirations pacifistes
étaient encore vivaces à la veille de la Première Guerre mondiale.
Les cartes ne lèvent pas seulement un coin du voile sur le passé,
mais nous en disent aussi long sur ce que les gens d’alors prenaient pour la réalité – ou rêvaient de voir réalité.
Si j’éprouve une telle passion pour les cartes anciennes, c’est parce
qu’elles nous convient à un voyage en trois dimensions : l’espace, le
temps et l’imaginaire.
Ce voyage est d’autant plus intense que l’on
connaît bien la région.
Les vieilles photos de personnes connues
suscitent toujours une émotion plus vive que les clichés d’étran-
Une réédition de la
table de Peutinger au
XIXE siècle.
Konrad
Miller, Die Weltkarte des
Castorius, genannt die
Peutingersche Tafel,
Ravensbourg 1888.
4
gers, aussi beaux soient-ils.
Seule cette familiarité vous incite à
chercher les différences, à imaginer comment était la vie autrefois
et à accepter l’impossibilité frustrante d’assouvir cette curiosité.
La recherche historique n’est pas une descente dans le gouffre du
temps, c’est le désir d’entreprendre cette descente.
Car on se heurte
inéluctablement à la rambarde du présent, par-dessus laquelle on
ne peut que tenter de sonder les profondeurs.
Contempler une carte, c’est comme se rapprocher un bref
instant du passé.
Chaque coup d’œil soulève de nouvelles questions.
Comment était-ce de circuler sur cette chaussée romaine
entre Cologne et Bavay, qui figure sur la table de Peutinger ? De
quels bruits résonnaient les alentours de Bruges, si brillamment
peints par Pieter Pourbus par une belle journée printanière de
1561 ? Les conversations et les manières étaient-elles vraiment
si raffinées dans ce cercle d’aristocrates pommadés qui fréquentait la ville thermale de Spa en 1780 ? Nous ne pourrons jamais en
faire l’expérience mais les cartes, telles des fenêtres s’ouvrant sur
le passé, nous invitent à la rêverie.
Nous imaginons les moutons,
les voiliers, les tintements de cloches, les coups de canon.
Nous
croyons même sentir l’odeur de l’herbe fraîchement coupée.
avec leurs montres à gousset et leurs favoris descendant dans
les carrières qui longent la Meuse pour étudier les couches
géologiques.
Et que dire de cette carte des opérations de sabotage établie par l’occupant allemand en décembre 1943 ? Tous
ces points entourant certaines villes nous rappellent que des
résistants risquèrent leur vie pour gagner notre liberté.
La présente collection a ceci de très particulier qu’elle ne
nous propose pas uniquement des cartes géographiques.
On y
trouve aussi le plan d’un temple maçonnique ou l’aménagement
intérieur d’un paquebot de la Red Star Line, par exemple.
Ces
dessins nous permettent de plonger dans la topographie intime
de l’existence humaine : nouvelles formes de spiritualité au
XIXE siècle, nouvelles expériences de compatriotes partis chercher fortune ailleurs… Qui plus est, ce livre démontre une fois
de plus que la Belgique ne se cantonne pas dans son territoire.
Les projets coloniaux, la construction de chemins de fer en
Chine, les migrations depuis et vers notre petit pays confirment
que l’histoire nationale ne s’arrête pas aux frontières.
À vrai dire, la cartographie est une forme de poésie.
Comme
les poèmes, les cartes suggèrent une foule de choses avec une
grande économie de moyens.
Comme les poèmes, elles nous invitent à une lecture plurielle : de la première impression générale à l’exploration du moindre détail.
Comme les poèmes, elles
nous font errer longuement sur une page.
Elles nous envoûtent
au fur et à mesure que nous pénétrons plus loin, elles captivent
notre attention et nous font « perdre le nord ».
Seuls deux genres
de livres parviennent à nous faire fixer la même page aussi longtemps : l’atlas et le recueil de poésie.
Ce sont là deux formes
de voyage fabuleux : la lecture-quête de l’amateur de poésie,
le regard scrutateur du passionné de cartes anciennes.
Prenez les feuilles absolument stupéfiantes de la célèbre
carte de Ferraris (1777).
On pourrait les contempler pendant des
heures, en laissant son esprit flotter ou vagabonder librement
au-dessus de et à travers les paysages du XVIIIE siècle.
Ou prenez
cette carte géologique de 1856, d’une richesse incroyable : elle
n’évoque pas seulement les mers tropicales à l’origine des strates
calcaires dans les Ardennes, mais aussi d’élégants messieurs
Longtemps les cartes ont été considérées comme de simples
illustrations de l’histoire, aussi belles soient-elles.
Je suis de
plus en plus convaincu du contraire : l’histoire se résume
souvent à quelques (trop) longues notes en bas de page de la
cartographie.
Regarder une carte, c’est déjà savourer le passé.
Tout le reste est de l’histoire.
5
Photo d’une double
page d’un carnet de
notes utilisé par David
van Reybrouck en
Indonésie.
En bas à
gauche, le plan dessiné
par Hendrik Pauned
Muntuuntu.
L’informant, qui avait appris le
néerlandais à l’époque
coloniale, s’est également efforcé d’écrire
le nom de l’auteur
(en haut à droite).
Van Reybrouck a dû lui
expliquer que la graphie
des noms flamands était
moins phonétique que
ceux des noms néerlandais.
Manado, Sulawesi
du Nord, 25 janvier
2016.
Sommaire et ligne du temps
Vers 500
Xe siècle
1307
1452
L’établissement
des Francs
p.
24
L’Empire
carolingien s’effrite
p.
27
La naissance de la cartographie fonctionnelle
p.
38
La course
à la mer
p.
46
p.
30
p.
20
1491 1492
Juridictions
locales
p.
54
La principauté
de Liège
p.
57
p.
42
p.
34
p.
50
400
1121
1274
1356
1467
1473
Une carte
routière de
l’Empire romain
Retour au calme
après des temps
troublés
La Flandre
contre la France
Une Joyeuse Entrée
consolide le Brabant
Mort de
Philippe le Bon
Les Pays-Bas
bourguignons
p.
16
58 av.
J.-C.
Jules César....
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