Les fascismes européens
Publié le 13/12/2023
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«
Les fascismes européens
« Définir le fascisme c’est avant tout en écrire l’histoire ».
Le fascisme est
probablement l’un des phénomènes politiques les plus controversés.
Au sens strict, le
fascisme désigne le régime totalitaire d’extrême-droite mené par Benito Mussolini en Italie
de 1922 à 1944.
Provenant du mot italien fascismo, qui vient lui-même de fascio, « faisceau »
en français, ce terme désignait spécifiquement l’assemblage de verges liées autour du
manche d’une hache que portaient les licteurs dans la Rome antique, devenu par la suite
emblème du parti fasciste italien.
Au sens large le fascisme a pu selon différents historiens désigner de nombreux mouvements
politiques de pays européens, inspirés du fascisme italien, dans lesquels on range
fréquemment le nazisme.
L’image de cette période reste dans les esprits celle d’une
fascisation de l’Europe, comme une maladie qui aurait contaminé pays après pays.
Le mythe
de l’universalité du fascisme est donc pour ainsi dire tenace.
De l’Italie mussolinienne au
nazisme hitlérien en passant par la Hongrie de l’amiral Horthy, à l’Espagne de Franco et le
Portugal de Salazar ou encore la France de Vichy et le maréchal Pétain, « les idées fascistes »
semblent avoir trouvé en Europe un terreau fertile.
Mais comment prennent-elles racine ?
Peut-on employer le terme fascisme comme un terme générique ? Ces différents régimes
constituent-ils des cas singuliers, enracinés chacun dans leur histoire nationale spécifique ?
Nous nous demanderons donc dans quelles mesures le concept de « fascismes européens »
peut-il être vu comme un phénomène dont l’essence serait commune aux mouvements
nationalistes autoritaires européens du XXème siècle ou peut-il être vu comme un sophisme
par association qui omettrait de souligner l’importance des singularités inhérentes à ces
régimes ?
En somme, peut-on établir une théorie générale de ce phénomène ? Peut-on vraiment parler
de fascismes européens ?
Pour répondre à ces multiples interrogations, nous verrons d’abord les similitudes entre les
régimes nationaliste-autoritaires menés dans l’Europe du XXème siècle puis dans un second
temps les dissonances fondamentales qui empêcherait alors d’employer le mot fascisme
comme un terme générique.
I-
Le fascisme comme phénomène se propageant dans les pays européens
du XXème siècle.
Considéré sous l’angle d’un phénomène, on pourrait trouver dans le fascisme un climat
fécond commun aux pays européens de l’après-guerre.
En effet, les régimes qui sont nés de ce
climat présentent des caractéristiques communes : confiscation du pouvoir par un parti
unique, présence d’un guide charismatique, encadrement de la société et manipulation des
masses.
A) Un climat fécond
Adèle DOUAY
L’Europe de l’après-guerre a été le terreau d’un climat fécond pour l’émergence de
mouvements fascistes et autoritaires.
Les régimes autoritaires ou « fascismes européens » qui
ont vu le jour, seraient pour la plupart nés d’un traumatisme et d’une grande frustration liée
à la Première Guerre mondiale, qui a laissé des millions de morts, des villes dévastées et des
économies ruinées.
Les années 1920 ont été marquées par des crises économiques,
notamment l’inflation et le chômage massif.
En janvier 1929, l'Allemagne recense 3 millions
de chômeurs.
Les usines ferment les unes après les autres.
Après la guerre, de nombreux pays d’Europe de l’Est et du Sud, qui avaient peu d’expérience
démocratique et dont l’économie n’était pas encore fleurissante ont brièvement expérimenté
la démocratie, tendance insufflée par les grandes puissances victorieuses.
Cependant, en
raison de l’absence de traditions démocratiques solides et de bases économiques stables, ces
nouvelles démocraties se sont rapidement effondrées.
Une fois vaincue, l’Allemagne vit dans
un état de crise, d’agitation sociale permanente, mettant en péril la survie de la République
de Weimar.
En plus de la défaite, on impute à la République de Weimar la responsabilité d’un
traité de Versailles vu comme un diktat.
La révolution Russe et l’apparition de l’état bolchevique sont sources de grands
bouleversements notamment avec le mouvement communiste international.
Des régimes
autoritaires ont alors émergé, destinés à éliminer la menace des mouvements
révolutionnaires et à restaurer le pouvoir de l’élite traditionnelle au sein de la société.
L’Italie
fasciste a probablement été le modèle d’une volonté de changement en profondeur de la
société, basé sur l’ordre, la discipline et la hiérarchie.
Des valeurs à l’opposé des Lumières.
Le premier pas de ces régimes a été la création de partis politiques, qui exploitaient le climat
de mécontentement social (notamment le désir d’une communauté authentique, inspirée du
passé, souvent symbolisée par la nation et la race), économique et politique pour gagner en
popularité, n’ayant qu’une obsession : sauver leur pays de la dégénérescence.
En 1920 en Allemagne, le NSDAP (Parti ouvrier allemand) est fondé, duquel Hitler prendra la
tête en 1921.
La même année en Italie, Benito Mussolini fonde Le parti national fasciste.
Mais
alors comment un pays bascule-t-il « définitivement » dans le fascisme ? Nous l’avons vu les
crises économique et politique, la faiblesse de la démocratie, la complicité des élites ou
l’ingérences des forces étrangères sont probablement le terrain nécessaire et enclin à une
telle transformation politique.
Il suffit alors de l’émergence d’un leader charismatique
appuyé par un parti fort et parfois d’un coup d’état réussi pour que la graine devienne un
arbre.
B) Un nationalisme à toute épreuve
Le nationalisme a probablement été le point clivant de ces « fascismes européens ».
Il a pour
la plupart des pays européens était radical, excluant et hostile à l’Autre, en considération de
son ethnie, son appartenance religieuse ou politique.
La grandeur perdue du pays était au
cœur de l’idéologie fasciste, soulevant une idéologie suprémaciste de nation mais aussi
d’êtres supérieurs à d’autres.
La répression des cultures et des langues était aussi de mise, si
bien qu’en Espagne franquiste les langues et les cultures régionales ont été réprimées.
L’histoire et les traditions étaient mythifiées, si bien qu’en Italie on retrouvait l’inscription
SPQR emprunté à la Rome antique.
En effet c’était à l’émergence d’un nouvel empire
Adèle DOUAY
qu’aspirait « les fascistes ».
Mussolini s’inspirait de la Rome Antique car c’était l’Empire
Romain, la finalité, qui justifiait les moyens.
Dès lors que le mouvement fasciste espagnol
avait forgé une unité territoriale, politique, et socio-économique, un État totalitaire pouvait
être construit.
Mais il faut souligner que cet État totalitaire n'était pas, en lui-même, l'objectif
de ce grand déploiement d'efforts.
Le but était l'Empire et l'État totalitaire n'était que
l'instrument nécessaire à la conquête.
Les écrivains ont cherché en vain à déterrer un
programme économique en fouillant les activités fascistes mais ils n’ont trouvé que des
improvisations au jour le jour, car le fait brutal du fascisme était la conquête, le pillage et le
butin par l'emploi de l'action directe et de la violence, par la propagande ultra-nationaliste et
la formation de groupes de jeunesse.
En effet il est important de relever que le fascisme en
son sens générique a eu tendance à attirer la jeunesse bourgeoise, souvent imprégnée de
nationalisme, méprisant la démocratie, et qui valorisait profondément les idéaux
nationalistes et autoritaires.
En témoignent les enfants embrigadés en uniforme, Balilla
italiens faisant un salut fasciste maladroit, Hitlerjugend battant tambour dans l’enceinte de
Nuremberg, ou la Mocidade Portugesa et son S pour Salazar et Servir sur la boucle de leur
ceinture.
Mais il s’agit moins de surveiller ou de contrôler la jeunesse, que de préparer les
générations futures à faire perdurer l’idéologie mise en place à ce moment.
Choisie pour la
malléabilité de ses comportements, son potentiel révolutionnaire et son idéalisme sans
limites la jeunesse embrigadée et dès lors elle devient un des symptômes récurrents du
fascisme.
Pour ce qui est de la conquête, il y a un désir récurent d’expansion, pour
l’Allemagne l’espace vital est à l’Est, lorsqu’en 1938 Mussolini envisageait de faire sauter les
verrous de la méditerranée et d’aller vers les océans.
Mais ce grand projet nécessite d’être
porté par quelqu’un.
C) Un leader charismatique et le culte de la personnalité
Le culte de la personnalité et la vénération du leader charismatique ont été des
caractéristiques distinctives des mouvements fascistes européens du XXe siècle.
Ces régimes
ont exploité habilement l'image du leader comme un symbole de pouvoir absolu, captivant
les masses à travers des propagandes soigneusement orchestrées.
Dans l'Italie de Mussolini,
l'utilisation de l'imagerie virile et de la gestuelle autoritaire dans la propagande a érigé
Mussolini en un leader infaillible et puissant.
De même, Hitler en Allemagne a manipulé la
rhétorique et les discours pour captiver les masses, utilisant le symbolisme nazi, y compris la
croix gammée et le salut nazi, pour incarner son pouvoir.
Franco en Espagne a propagé le
national-catholicisme à travers des images et des discours glorifiant sa personne, créant une
aura de sainteté autour du leader en tant que sauveur de l'Espagne.
Sous Mussolini en Italie,
l'opposition politique a été réprimée, la liberté d'expression étouffée et la police secrète
utilisée pour étouffer toute dissidence, maintenant ainsi le culte de Mussolini.
En Allemagne,
la Gestapo et les SS ont instauré la terreur parmi la population.
Sous Franco en Espagne,
l'histoire a été révisée pour glorifier le leader en tant que libérateur, et toute critique
artistique ou littéraire contre le régime a été supprimée, déformant ainsi la vérité....
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