Jeux olympique
Publié le 13/06/2024
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Dossier thématique
Concours général d'entrée en 1re année
Sciences Po Grenoble - UGA
SESSION 2024
ENJEUX OLYMPIQUES
Du 26 juillet au 11 août 2024, Paris – un grand Paris s’étendant des Yvelines à la
Seine-Saint-Denis, associant quelques stades en région et jusqu’à Tahiti pour le surf –
accueillera les Jeux Olympiques d’été, avant le relais des Jeux Paralympiques (28 août - 8
septembre).
Un siècle après le précédent parisien de 1924, trois ans après les épreuves en
huis clos des JO de Tokyo pour cause de pandémie, la XXXIIIe Olympiade est annoncée
comme un rendez-vous sportif et festif majeur : 10 500 athlètes de 206 nations concourront
à 329 épreuves de 32 sports pour les seuls JO, sous l’œil de 26 000 journalistes accrédités, de
3,3 millions de spectateurs avec billets, de 4 milliards de téléspectateurs, pour des records
d’audience que feront gonfler les vues cumulées sur Internet (déjà 28 milliards pour les
vidéos des plateformes numériques lors des JO de 2021).
C’est dire que les enjeux sont en
proportion : le budget initial s’élève à 6,2 milliards d’euros ; en retour, l’Office du tourisme de
Paris évalue à 3,2 milliards d’euros les dépenses hors billetterie de 15 millions de visiteurs
(dont 1,2 étrangers).
Pareille attente se construit et s’organise : 11 000 porteurs de la flamme
parcourront le pays avant que ne s’activent près de 45 000 volontaires mais aussi 12 000 à
45 000 policiers et gendarmes mobilisés chaque jour pendant l’été.
L es travaux publics
battent leur plein sur 50 chantiers ; au niveau sponsors, les partenaires mondiaux, Premium
ou officiels y travaillent aussi.
Qu’est-ce qui fait courir les sciences sociales ?
L es universitaires ne sont pas en reste.
Observateurs du méga-événement en
gestation, ils peuvent s’impliquer dans sa préparation, à l’instar du programme « Histoire,
Sport & Citoyenneté ».
Une exposition sur l’histoire de l’olympisme en diffuse les apports à
destination des élèves du second degré tandis que « Génération 2024 », avec sa politique de
labellisation des établissements d’éducation, fournit également des ressources pédagogiques
et des actualités pour engager la jeunesse dans la dynamique.
L es feux des projecteurs
médiatiques sortent de l’ombre le travail de fond qui a fait du sport un objet de recherche
pleinement légitime.
Sorti du seul champ des STAPS (sciences et techniques des activités
physiques et sportives), il offre de fécondes perspectives pour les sciences du vivant
(médecine, neurosciences ou biomécanique) comme aux chercheurs en sciences
économiques et sociales, conscients après Norbert Elias que « la connaissance du sport est la
clé de la connaissance de la société » (« Introduction », Sport et civilisation.
L a violence
maîtrisée, Fayard, 1994 [1ère éd.
1986], p.
25).
En centrant son dossier 2024 sur les Jeux Olympiques, Sciences Po Grenoble-UGA
invite les candidates et les candidats à s’approprier les questionnements, démarches et
savoirs qu’un IEP met en œuvre face à un tel événement, autrement dit sa façon de saisir un
fait d’actualité aux feux croisés de l’interdisciplinarité.
C’est à une mise en perspective
historique et critique que doit conduire la préparation de ce dossier.
L e fait que Grenoble
appartienne au cercle restreint des villes olympiques (une quarantaine) et que la mémoire de
ses JO d’hiver ait été ravivée lors du cinquantenaire de 2018, prédispose au bilan à long
terme, sur l’empreinte de l’événement dans l’identité d’une ville comme sur ses impacts
1
urbanistiques, touristiques ou écologiques (doc.
10).
Dès lors, ce n’est pas la maîtrise de la
chronique sportive – et encore moins des fiches sur les champions et leurs records – qui est
attendue des candidats mais la capacité à adopter l’angle de lecture pertinent sur les images
produites par les JO.
Par exemple, quand, à Pékin (2008), le sprinter Usain Bolt, triple
médaillé d’or, fait un tour d’honneur sur la piste après chacune de ses victoires, on notera
qu’il porte haut les couleurs de la Jamaïque, qui accède ainsi à une visibilité mondiale
au-delà des clichés usuels, et que les semelles dorées Theseus II qu’il brandit assurent à
Puma, son fournisseur, un spot publicitaire suivi par 2,3 milliards de téléspectateurs.
De
même, constater l’échec sportif des Français aux JO de Rome en 1960 (5 médailles, pas de
titre) doit aussitôt déboucher sur une étude du débat public – L’Équipe comme Le Monde
multipliant les diatribes jusqu’à y voir la marque de décadence de la France – et sur la
réaction de l’État gaullien : renforcement du rôle du haut-commissariat à la Jeunesse et aux
Sports, qui s’attelle à un plan d’équipement national, organisation des JO de Grenoble pour
promouvoir l’industrie de la neige et gagner le marché mondial des sports d’hiver dans les
stations françaises de nouvelle génération.
Le sport suscite les passions.
Une critique radicale du spectacle sportif s’est installée.
Elle cherche à déchirer le paravent olympique couvrant les violations des droits de l’homme,
de Berlin (1936) à Pékin (2008), en passant par Mexico et la répression du mouvement
étudiant sur la place des Trois Cultures (1968).
C’est aussi la dépolitisation qui est fustigée
dans ce divertissement de masse susceptible de faire diversion face aux enjeux politiques,
dans la lignée du Panem et Circences.
Le dossier attire par conséquent l’attention sur le rejet
que suscitent les JO, et notamment la marchandisation de la marque (doc.
11).
Le candidat
doit connaître les conflits de valeurs, les argumentaires antagonistes.
Il ne s’agit nullement
de prendre parti mais de savoir mettre en problème les enjeux de l’olympisme, c’est-à-dire
identifier les tendances contradictoires à l’œuvre, à commencer par la tension entre la
course au gigantisme portée par l’émulation entre pays hôtes et les exigences de sobriété en
contexte de crise environnementale.
Le présent dossier aborde plusieurs de ces
problématiques au travers d’un panel de documents et d’analyses.
Des JO destinés à « épouser la vie du monde »
C’est Pierre de Coubertin lui-même qui a eu cette formule pour Le Journal du 23 août
1936, sur fond d’Olympiade à Berlin, lorsque le pouvoir nazi mettait en scène sa puissance
dans une apparente convergence avec l’esthétique antique et le respect des valeurs
olympiques (doc.
2).
Il y a de la résignation dans le propos puisque le fondateur des Jeux
Olympiques modernes n’avait eu de cesse de veiller à leur neutralité et à leur apolitisme.
L’ambition a perduré (doc.
1), et la Charte olympique de juillet 2021, promeut encore et
toujours un sport apolitique1, conformément à la mission du Comité international Olympique
(CIO)2.
Pourtant, les JO sont à l’évidence politiques, et même géopolitiques, constituant par
nature, en tant que rendez-vous international primordial, une formidable caisse de
1
Art.
50 : « aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée
dans un lieu, site ou autre emplacement olympique.
»
2
Art.
2 : « agir dans le but de renforcer l’unité du mouvement olympique, de protéger son indépendance, de
maintenir et promouvoir sa neutralité politique et de préserver l’autonomie du sport.
»
2
résonance des conflits du monde (doc.
3).
Telle est l’ambiguïté constitutive des JO : le
discours et le cérémonial les revêtent d’une forme de sacralité et, cependant, cette mise en
spectacle en font un événement éminemment sécularisé, aux prises avec les problèmes de
l’époque.
De fait, les JO offrent un rassemblement pacificateur mais par l’affrontement réglé
des athlètes de toutes les nationalités, ce qui en fait les champions de leurs nations (doc.
4).
La Pax Olympica repose sur des rapports de forces, qu’il s’agisse :
- des échos de la Première Guerre mondiale (exclusion des sportifs allemands et de
leurs alliés aux JO d’Anvers en 1920 puis de Paris en 1924, avant leur retour en 1928,
en une mise en scène de l’espoir de paix et de réconciliation),
- de la montée en puissance des États autoritaires ou totalitaires (l’ambitieuse politique
sportive de l’Italie mussolinienne – 2e nation en nombre de médailles en 1932 ; la
liturgie syncrétique du nazisme et de l’olympisme en 1936),
- de la Guerre froide, qui trouve dans la course aux titres à laquelle se livrent, de 1952
à 1988, l’URSS et les États-Unis (ou de brillants seconds comme la RDA) un terrain qui
n’a rien à envier à la course à l’espace et aux armements,
- de la multiplication des nations nées de la décolonisation, ce dont témoignent les
appels au boycott contre l’Afrique du Sud ou le choc du terrorisme en 1972 (Munich),
- des ambitions de la Russie ou de la Chine dans le monde multipolarisé contemporain.
Cette immersion se voit aussi dans la porosité aux questions de société, qu’elles relèvent de
la politique intérieure ou qu’elles participent de revendications transnationales.
À cet égard,
les JO de Mexico en 1968 (les poings levés de Tommie Smith et de John Carlos mais aussi la
protestation d’athlètes tchécoslovaques contre la répression du Printemps de Prague)
ouvrent une période nouvelle, celle de la promotion de causes – malgré la vigilance des
instances olympiques.
Celles-ci ont eu à reprendre à leur compte l’égalité de genres,
aboutissant pour 2024 à la parité entre....
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