Molière, les Fourberies de Scapin, Acte III scène 2, 1671
Publié le 03/06/2024
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Objet d’étude 1/4 : le théatre du XVII au XXI siècle
Parcours associé : Théâtre et stratagème
Explication linéaire 1/16
Molière, les Fourberies de Scapin, Acte III scène 2, 1671
Intro :
Au théâtre, le personnage du valet est souvent source de comique, levier particulièrement
exploité par Molière, très inspiré par les comédies antiques, la farce et la commedia dell’arte.
C’est notamment le cas dans les Fourberies de Scapin, une comédie en 3 actes, représentée en
1671 et dans laquelle l’archétype du valet italien, le “zanni”, rusé et débrouillard, incarné par
Scapin, est un générateur inépuisable de situations comiques.
Ce personnage, fertile en stratagèmes, va constamment mener l’intrigue pour aider son jeune
maître amoureux, Léandre ainsi qu’Octave, l’amant de sa soeur, face à leurs pères abusifs,
Argant et Géronte.
Dans la scène 2 de l’acte III, non loin du dénouement, Scapin, profitant de l’opportunité de se
venger des mauvais traitements que lui a inflige Géronte, lui fait croire qu’on le cherche pour
le tuer, afin de le persuader de se cacher dans un sac.
Nous allons étudier en quoi le stratagème mis en place par le valet va produire
une scène particulièrement réjouissante.
Pour se faire, notre analyse identifie 3 mouvements au sein de l’extrait étudié :
1er mouvement : de la ligne 1 à 7 : “quand je l’aurai un peu usé” : Géronte, effrayé par les
menaces dont il se croit l’objet, requiert l’aide de Scapin.
2ème mouvement : de la ligne 8 à la ligne 22 : “Voici un spadassin qui vous cherche”: la ruse
du valet se met en place
3ème mouvement : de la ligne 23 à la fin : la mise en abyme, la comédie du valet
Analyse linéaire
La scène est un dialogue entre les 2 personnages, animée par des didascalies, une scène qui va
réjouir le spectateur, complice du valet.
En effet, celui-ci en sait davantage que Géronte sur la
situation : il connait le désir de vengeance de Scapin - on parle alors du “surinformation“ du
spectateur - et attend avec impatience que Géronte soit mis en difficulté.
Citations
Procédés repérables
Analyse
1 mouvement : Géronte, effrayé par les menaces dont il se croit l’objet,
requiert donc l’aide de Scapin.
er
L1 Géronte « Ne saurais-tu Interrogative au
trouver quelque moyen conditionnel
pour me tirer de
peine » ?
L2 Scapin « J’en imagine
bien un ; mais je
courrais risque moi, de
me faire assommer ».
L3 Géronte « Eh, Scapin,
montre toi serviteur
zélé.
Ne m’abandonne
pas, je te prie ».
Réponse positive
Conditionnel « courrais »
Pronom tonique « moi »
Usage de 2 impératifs de
prière + 1 supplique finale
Comique de caractère du
barbon (vieux)
Vocabulaire (« serviteur
zélé ») et ton impérieux
L4&5
Scapin « Je le veux bien.
J’ai une tendresse pour
vous qui ne saurait
souffrir que je vous
laisse sans secours »
Réponse de Scapin pleine
d’ironie
« tendresse » terme
discordant
Géronte requiert l’aide de Scapin
donnant de ce dernier au spectateur
l’image traditionnelle du valet rusé,
capable de sortir son maître de toutes
les situations
La réponse de Scapin est
naturellement positive, mais il évoque
les représailles qu’il pourrait subir, la
violence qu’il peut rencontrer
Géronte n’est pas impressionné.
Molière suggère la pleutrerie, la
lâcheté et l’incapacité d’affronter le
danger.
Le vocabulaire (« serviteur zélé »)
positionne le statut théorique de
Scapin dans la société de privilèges de
l’Ancien Régime : un valet qui
s’acquitte de son travail avec
conscience, ardeur et empressement
au péril même de sa vie.
Nul (surtout pas le spectateur) ne croit
à l’amour du valet pour son maître
égoïste sauf Géronte lui-même qui
d’une part, manque de bon sens mais
est aussi imbu de sa supériorité
sociale.
Le terme « tendresse » est dailleurs
discordant
dans
la
relation
maître/valet
L6&7
Géronte « Tu en seras
Effet comique, Géronte surenchérit et achève sa
récompensé, je
changement de ton de réplique par un effet comique
t’assure ; et je te
Géronte identifiable au changement de ton de
promets cet habit-ci
l’acteur, qui souligne l’avarice de
quand je l’aurai un peu
Géronte.
On est ici dans du comique de
usé »
caractère dont Molière est coutumier,
que l’on retrouve par ex.
dans L’Avare.
Les rapports maître-valet sont ainsi traités sur le mode de la satire.
Par le procédé de la
double énonciation, le spectateur se réjouit de cette situation d’inversion des rapports
sociaux de domination
2ème mouvement : la ruse du valet se met en place
L8&9
Scapin « Attendez.
Voici
une affaire que je me
suis trouvée fort à
propos pour vous
sauver.
Il faut que vous
vous mettiez dans ce
sac et que… »
L10
Géronte, croyant voir
quelqu’un « Ah ! »
L11 à 15
Scapin « Non, non, non,
non, ce n’est personne.
Il faut, dis-je, que vous
vous mettiez là-dedans
et que vous vous
gardiez de remuer en
aucune façon.
Je vous
chargerai sur mon dos
comme un paquet de
quelque chose, et je
vous porterai ainsi à
travers de vos ennemis,
jusque dans votre
maison, où quand nous
serons une fois, nous
pourrons vous
barricader et envoyer
Impératif « Attendez » Le verbe ainsi conjugué a un double
rôle : • faire durer la situation
• installer un suspens qui
impatiente autant Géronte que le
spectateur
Présentatif « voici »
Prescrit les ingrédients de la farce
• en actualisant la situation
• en la rendant plus vivante
Forme impersonnelle « il
faut que » Utilisée par Scapin comme s’il
s’agissait d’une obligation extérieure.
Utilisation du sac,
l’accessoire dramatique Renforce le jeu de scène qui accentue
de grande importance le comique
la farce se met en place avec le
comique de situation
Interjection effrayée de La réplique est interrompue par
Géronte l’interjection qui traduit une émotion
ou une hésitation, soulignée dans la
Didascalie didascalie :
l’interjection
est
polysémique et contribue encore au
Polysémie comique de situation.
L’interruption ajoute du piment et
implique un jeu de scène.
Scapin peut
avoir peur d’avoir été découvert.
Tout cela continue de réjouir le
spectateur
Procédés d’insistance et Scapin reprend la présentation de son
de répétition plan en commençant par repousser les
frayeurs de son maître.
Molière utilise
des procédés d’insistance et de
répétition
Récit héroïco-burlesque La réplique de Scapin est marquée par
un récit héroïco-burlesque qui vise à
convaincre et ensorceler Géronte par
la parole… A la grande joie du
spectateur, le maître devient un
vulgaire fardeau réduit au statut
d’objet ce que soulignent les termes
Comparaison explicite employés
(là-dedans,
chargerai,
comme un paquet de quelque chose)
et la comparaison explicite.
Molière confère de façon
comique au valet des airs de sauveur
quérir main-forte
Dramatisation dans
une
dramatisation
contre la violence » emphatique/hyperbolique emphatique/hyperbolique
L16
L17
L18
Géronte « L’invention
est bonne »
Scapin «La meilleure du
monde.
Vous allez voir
(A part) Tu me payeras
l’imposture »
Géronte « Eh ? »
L19&20
Scapin « Je dis que vos
ennemis seront bien
attrapés.
Mettez-vous
bien jusqu’au fond, et
surtout prenez garde de
ne vous point montrer,
et de ne branler pas,
quelque chose qui
puisse arriver »
L20
Géronte « Laisse-moi
faire.
Je saurais me
tenir… »
L22
Scapin « Cachez-vous.
Voici un spadassin qui
vous cherche (En
contrefaisant sa voix)
Géronte dupé Loin d’envisager la ruse, il en souligne
l’astuce : « L’invention est bonne »
Superlatif Le comique est redoublé par le
superlatif utilisé par Scapin
Double énonciation Avec la double énonciation dans....
»
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