Le Rouge et le noir, I, VI – analyse linéaire
Publié le 29/04/2023
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«
Le Rouge et le noir, I, VI – analyse linéaire
Introduction : Stendhal (1783_1842) est un écrivain réaliste su XIXème siècle.
Dans Le
Rouge et le Noir il narre les années de formation de Julien Sorel, un jeune paysan qui rêve de
gloire .Nous sommes au chapitre VI ; Mme de Rênal vient d’apprendre que son mari (le maire
de Verrières, en Franche-Comté) a engagé le fils du Père Sorel comme précepteur pour leurs
trois jeunes fils.
Elle s’inquiète car elle craint qu’il ne batte ses enfants.
Alors qu’elle va s’isoler
dans le jardin, elle va découvrir Julien.
Problématique : en quoi cette première rencontre annonce-t-elle l’idylle qui va se nouer entre
ces deux personnages ?
en quoi cette scène de première rencontre est-elle originale ?
Structure du texte :
- l.1-12 : Mme de Rênal découvre Julien ;
- l.
13-25 : le face-à-face entre les deux personnages.
1) l.1-12 : Mme de Rênal découvre Julien
–
- 1er § : d’emblée, Mme de Rênal nous est présentée comme un personnage mal à
l’aise dans
son environnement.
Elle possède en effet des qualités qui, nous dit Stendhal, « lui
étaient
naturelles quand elle était loin des regards des hommes » : il y a là un paradoxe, car
les qualités
en question, « la vivacité et la grâce », supposent la présence d’un observateur
extérieur.
Une
personne ne peut être qualifiée de gracieuse que par un témoin qui apprécie sa façon
de se
déplacer.
On ne voit donc guère comment elle pourrait faire preuve de grâce et de
vivacité...uniquement quand il n’y a personne pour pouvoir en juger !
Remarque : on peut aussi voir, dans cette phrase, une litote.
Le texte peut sousentendre qu’en
présence du regard d’autrui, non seulement elle n’a ni grâce ni vivacité, mais elle est
peut-être
carrément gauche et maladroite.
Bref, cette phrase initiale nous informe déjà que ce n’est pas une femme épanouie.
Elle
a des
dons mais ces derniers ne peuvent s’exprimer.
Elle n’est pas heureuse (effectivement,
elle a
sans doute fait un mariage de raison : elle respecte son mari mais ne ressent pas
d’amour pour
lui).
Il est révélateur qu’on nous la présente en train de quitter le « salon » (l.2), pièce de
réception
et des relations sociales, pour se rendre dans le « jardin » (l.
2) afin d’être en paix avec
ellemême.
C’est loin des autres, dans la nature, qu’elle peut, justement, montrer ses
qualités
« naturelles » (l.1).
À la l.3, elle découvre Julien : « quand elle aperçut...
».
Le passage de l’imparfait au
passésimple illustre le début de l’action, avec une impression de surprise et de choc soudain.
Cela
contribue à instaurer, dès cet instant, l’image d’un coup de foudre.
En effet, Mme de
Rênal est
frappée essentiellement par le visage de Julien (« figure », l.3) ; rappelons-nous, à la
ligne 1, la
présence, déjà, du mot « regards ».
L’amour, ici, naît d’abord dans le regard de l’être
humain,
qui frappe et séduit soudainement.
On peut d’ailleurs remarquer, jusque dans la
description du
costume de Julien, la présence du mot « ratine » (l.
5) : ce mot désigne un type
d’étoffe, mais
est phonétiquement très proche du mot « rétine » (ce sont des paronymes).
Autrement
dit, Mme
de Rênal est fascinée avant tout par les yeux de Julien, que l’on voit être discrètement
évoqués
jusque dans ses vêtements.
Julien, quant à lui, apparaît en position de faiblesse et de vulnérabilité.
De « jeune
paysan »
qu’il est d’abord, il devient presque aussitôt un « enfant » (l.3).
Cette gradation
descendante
souligne son extrême jeunesse.
Il y a par ailleurs une impression de pureté, illustrée
par le champ lexical de la clarté : « pâle », « bien blanche » (l.4), « fort propre » (l.5).
Ce sont des
mots positifs bien sûr, mais ils suggèrent aussi l’idée de fragilité et de faiblesse.
–
- 2°§ : toutes les observations faites jusqu’ici vont être confirmées et développées.
Mme de
Rênal garde ses yeux rivés sur ceux de Julien, fascinée qu’elle est par son « teint » (l.
6) et ses
« yeux » (l.
6).
Elle s’émerveille de les voir « si blanc...
si doux » (l.
6) : l’anaphore de
l’adverbe intensif « si » révèle le trouble qu’elle ressent.
De façon un peu comique, elle va d’abord faire une méprise qui s’explique par son
esprit « un
peu romanesque » (l.
6), c’est-à-dire nourri de lectures amoureuses et sentimentales,
loisirs
qu’elle doit pratiquer à ses heures perdues (on peut aussi voir dans cette expression
une sorte
de litote : elle a probablement une imagination très fertile et débordante.
Par ailleurs, la
lecture
doit être pour elle un moyen d’évasion d’un quotidien qu’elle n’aime pas : le fait qu’elle
ne
fasse référence à son propre mari que comme à « M.
le maire » (l.
8) montre bien
qu’elle n’a
pas d’affection réelle pour lui).
Spontanément, donc, elle prend Julien pour une jeune fille, ce qui peut se comprendre
vu la
beauté fragile et délicate du jeune homme.
Bref, elle croit qu’il s’agit de quelqu’un
d’autre en
se méprenant sur son identité réelle : il vaut la peine de signaler que nous avons là une
situation
de quiproquo, ce qui est l’un des procédés typiques de la comédie.
Et, d’ailleurs, si nous
sommes
attentifs au texte, nous pouvons remarquer que plusieurs détails contribuent à instaurer
une
atmosphère théâtrale :
- la situation de quiproquo ;
- la présence de la porte du salon d’où vient de sortir Mme de Rênal, comme une actrice
sortant
de la coulisse pour entrer en scène ;
- Julien porte sa veste sur le bras, ce qui peut suggérer un rideau replié (au début d’une
représentation) ;
- elle le prend pour une jeune fille « déguisée » (l.
7), adjectif évoquant un costume de
scène ;
- Julien s’apprête à sonner à la porte : ces coups de « sonnette » (l.
9) pourraient
correspondre
aux coups de bâton signalant le début d’une représentation ;
- enfin, la nature même de ce quiproquo, dans lequel une femme mariée prend un très
jeune
garçon pour une jeune fille, rappelle des souvenirs d’une pièce bien précise (et encore
relativement récente à la date de composition du roman) : Le mariage de Figaro de
Beaumarchais, dans lequel la comtesse se méprend de la même façon sur le sexe de
son
soupirant Chérubin, si jeune qu’il peut passer pour une fille.
→ La rencontre entre Julien Sorel et Mme de Rênal commence donc à la manière d’une
petite
comédie...
dans laquelle, paradoxalement, ils vont tous deux se révéler l’un à l’autre
sous leur
vrai jour ! Quelle conclusion en tirer ? Que tous deux jouent en fait des sortes de rôles
dans leur
vie quotidienne : ils n’y sont à leur place ni l’un, ni l’autre.
En revanche, confrontés l’un
à
l’autre, ils vont se montrer tels qu’ils sont, en dépit de cette méprise initiale.
Signalons, pour terminer, un dernier élément appuyant cette atmosphère légèrement
comique :
nous avons un renversement ironique de la scène de séduction habituelle.
En effet,
d’après les
codes (ou « clichés », ou « lieux communs », ou topoi) du genre, c’est l’homme qui fait
le
premier pas vers la femme.
Ici, en revanche, l’initiative revient à Mme de Rênal : c’est
souligné
par les verbes pronominaux comme « s’approcha » (l.
10) et « s’avancer » (l.
11), qui
montrent
son implication dans l’action exprimée par le verbe ; on pourrait aussi....
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