Discours du Lincoln Memorial (28 août 1963) de Martin Luther King
Publié le 04/03/2024
Extrait du document
«
Discours du Lincoln Memorial (28 août 1963) de Martin Luther King
Je suis heureux de participer avec vous aujourd'hui à ce rassemblement
qui restera dans l'histoire comme la plus grande manifestation que notre pays
ait connu en faveur de la liberté.
Il y a un siècle de cela, un grand américain qui nous couvre aujourd'hui
de son ombre symbolique signait notre acte d'émancipation.
Cette
proclamation historique faisait, comme un grand phare, briller la lumière de
l'espérance aux yeux de millions d'esclaves noirs marqués au feu d'une
brûlante injustice.
Ce fut comme l'aube joyeuse qui mettrait fin à la longue nuit
de leur captivité.
Mais cent ans ont passé et le Noir n'est pas encore libre.
Cent ans ont
passé et l'existence du Noir est toujours tristement entravée par les liens de la
ségrégation, les chaînes de la discrimination; cent ans ont passé et le Noir vit
encore sur l'île solitaire de la pauvreté, dans un vaste océan de prospérité
matérielle; cent ans ont passé et le Noir languit toujours dans les marches de
la société américaine et se trouve en exil dans son propre pays.
C'est pourquoi nous sommes accourus aujourd'hui en ce lieu pour rendre
manifeste cette honteuse situation.
En ce sens, nous sommes montés à la
capitale de notre pays pour toucher un chèque.
En traçant les mots
magnifiques
qui
forment
notre
constitution
et
notre
déclaration
d'indépendance, les architectes de notre république signaient une promesse
dont héritaient chaque Américain.
Aux termes de cet engagement, tous les
hommes, les Noirs, oui, aussi bien que les Blancs, se verraient garantir leurs
droits inaliénables à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur.
Il est aujourd'hui évident que l'Amérique a failli à sa promesse en ce qui
concerne ses citoyens de couleur.
Au lieu d'honorer son obligation sacrée,
l'Amérique a délivré au peuple noir un chèque sans valeur; un chèque qui est
revenu avec la mention "Provisions insuffisantes".
Nous ne pouvons croire qu'il
n'y ait pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de la chance en
notre pays.
Aussi sommes-nous venus encaisser ce chèque, un chèque qui
nous fournira sur simple présentation les richesses de la liberté et la sécurité
de la justice.
Nous sommes également venus en ce lieu sanctifié pour rappeler à
l'Amérique les exigeantes urgences de l'heure présente.
Il n'est plus temps de
se laisser aller au luxe d'attendre ni de prendre les tranquillisants des demimesures.
Le moment est maintenant venu de réaliser les promesses de la
démocratie; le moment est venu d'émerger des vallées obscures et désolées
de la ségrégation pour fouler le sentier ensoleillé de la justice raciale; le
moment est venu de tirer notre nation des sables mouvants de l'injustice
raciale pour la hisser sur le roc solide de la fraternité; le moment est venu de
réaliser la justice pour tous les enfants du Bon Dieu.
Il serait fatal à notre
nation d'ignorer qu'il y a péril en la demeure.
Cet étouffant été du légitime
mécontentement des Noirs ne se terminera pas sans qu'advienne un automne
vivifiant de liberté et d'égalité.
1963 n'est pas une fin mais un commencement.
Ceux qui espèrent que le
Noir avait seulement besoin de laisser fuser la vapeur et se montrera
désormais satisfait se préparent à un rude réveil si le pays retourne à ses
affaires comme devant.
1
Discours du Lincoln Memorial (28 août 1963) de Martin Luther King
Il n'y aura plus ni repos ni tranquillité en Amérique tant que le Noir
n'aura pas obtenu ses droits de citoyen.
Les tourbillons de la révolte continueront d'ébranler les fondations de
notre nation jusqu'au jour où naîtra l'aube brillante de la justice.
Mais il est une chose que je dois dire à mon peuple, debout sur le seuil
accueillant qui mène au palais de la justice : en nous assurant notre juste
place, ne nous rendons pas coupables d'agissements répréhensibles.
Ne cherchons pas à étancher notre soif de liberté en buvant à la coupe
de l'amertume et de la haine.
Livrons toujours notre bataille sur les hauts
plateaux de la dignité et de la discipline.
Il ne faut pas que notre revendication
créatrice dégénère en violence physique.
Encore et encore, il faut nous dresser
sur les hauteurs majestueuses où nous opposerons les forces de l'âme à la
force matérielle.
Le merveilleux militantisme qui s'est nouvellement emparé de la
communauté noire ne doit pas nous conduire à nous méfier de tous les Blancs.
Comme l'atteste leur présence aujourd'hui en ce lieu, nombre de nos frères de
race blanche ont compris que leur destinée est liée à notre destinée.
Ils ont
compris que leur liberté est inextricablement liée à notre liberté.
L'assaut que
nous avons monté ensemble pour emporter les remparts de l'injustice doit être
mené par une armée biraciale.
Nous ne pouvons marcher tout seuls au
combat.
Et au cours de notre progression, il faut nous engager à continuer
d'aller de l'avant ensemble.
Nous ne pouvons pas revenir en arrière.
Il en est
qui demandent aux tenants des droits civiques : "Quand serez-vous enfin
satisfaits ?" Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que le Noir sera
victime des indicibles horreurs de la brutalité policière.
Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que nos corps recrus de la
fatigue du voyage ne trouveront pas un abri dans les motels des grand-routes
ou les hôtels des villes.
Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que la
liberté de mouvement du Noir ne lui permettra guère que d'aller d'un petit
ghetto à un ghetto plus grand.
Nous ne pourrons jamais être satisfaits tant que nos enfants seront
dépouillés de leur identité et privés de leur dignité par des pancartes qui
indiquent : "Seuls les Blancs sont admis." Nous ne pourrons être satisfaits tant
qu'un Noir du Mississippi ne pourra pas voter et qu'un Noir de New York croira
qu'il n'a aucune raison de voter.
Non, nous ne sommes pas satisfaits, et nous
ne serons pas satisfaits tant que le droit ne jaillira pas comme les eaux et la
justice comme un torrent intarissable.
Je n'ignore pas que certains d'entre vous ont été conduits ici par un
excès d'épreuves et de tribulations.
D'aucuns sortent à peine de l'étroite cellule
d'une prison.
D'autres viennent de régions où leur quête de liberté leur a valu
d'être battus par les tempêtes de la persécution, secoués par les vents de la
brutalité policière.
Vous êtes les pionniers de la souffrance créatrice.
Poursuivez votre tâche, convaincus que cette souffrance imméritée vous sera
rédemption.
Retournez au Mississippi; retournez en Alabama; retournez en Caroline
du Sud; retournez en Géorgie; retournez en Louisiane, retournez à vos taudis
et à vos ghettos dans les villes du Nord, en sachant que, d'une façon ou d'une
2
Discours du Lincoln Memorial (28 août 1963) de Martin Luther King
autre cette situation peut changer et changera.
Ne nous vautrons pas dans les
vallées du désespoir.
Je vous le dis ici et maintenant, mes amis : même si nous devons
affronter des difficultés aujourd'hui et demain, je fais pourtant un rêve.
C'est
un rêve profondément ancré dans le rêve américain.
Je rêve que, un jour,
notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo :
"Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes
sont créés égaux."
Je rêve que, un jour, sur les rouges collines de Géorgie, les fils des
anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d'esclaves pourront
s'asseoir ensemble à la table de la fraternité.
Je rêve que, un jour, l'État du Mississippi lui-même, tout brûlant des feux
de l'injustice, tout brûlant des feux de l'oppression, se transformera en....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- « Bossuet instruit les vivants par l'exemple des morts », avait dit le Cardinal de Polignac dans son discours de réception à l'Académie française, où il faisait l'éloge de son prédécesseur (3 août 1704). Commentez ces paroles à l'aide des oraisons funèbr
- Fiche Descartes Discours de la méthode
- TOSKA (Montrer que l’organisation du discours est prévisible car cela correspond au modèle actanciel)
- TEXTE 1 Mme de Lafayette, "Le Discours de Mme de Chartres à sa fille", Analyse Linéaire
- Compte rendu de lecture: MARTIN HEIDDEGER ET SON OUVRAGE : Etre Et Temps