analyse linéaire le crapaud de tristan corbière
Publié le 24/06/2023
Extrait du document
«
Tristan Corbière est un poète français souvent considéré comme la figure du « poète maudit ».
Ayant mené une vie marginale et miséreuse, malheureux en amour et souffrant d'une maladie osseuse,
il publie en 1873 Les Amours jaunes qui passeront totalement inaperçu de son vivant.
Le titre du
recueil est évocateur, « les Amours », topos, thème cliché en poésie, sont généralement perçus comme
romantiques, harmonieux, etc.
Ici, ils sont associés à la couleur jaune, terme qui peut faire référence à
la jaunisse, à la maladie, au « cocuage ».
Autrement dit, les amours ici ne sont pas idéalisés, mais
plutôt empreints de mesquinerie, de tromperie.
Le terme « jaune » peut aussi rappeler le « rire jaune »,
un rire faux, grinçant, sardonique.
Dans « Le Crapaud », dix-septième poème du recueil dédié à Marcelle, Corbière met en scène
un cadre bucolique au sein duquel naît un dialogue entre le poète et, sans doute, la femme aimée lors
de la découverte d'un crapaud qui chante.
C’est l’occasion, pour le poète, d’esquisser un autoportrait
plein d’une amère dérision.
LECTURE
PB : En quoi et comment Tristan Corbière met-il en scène l'image du poète maudit ?
Dans son œuvre, comme beaucoup de poètes de son époque, il recherche une certaine modernité.
Celle-ci est visible, entre autres, par la déformation du sonnet dans « Le Crapaud », qui est présenté «
à l'envers » (deux tercets, puis deux quatrains) ainsi que par le dernier quatrain, scindé en deux par
une ligne de pointillés.
Plan du texte (entre autres possibilités vues en cours)
→ Vers 1 à 6 : la mise en place d’un cadre particulier et l’apparition d’un chant
→ Vers 7 à 10 : la découverte du crapaud et les réactions face à cette découverte
→ Vers 11 à la fin : la défense du crapaud-poète puis l’échec
MOUVEMENT 1 : Vers 1 à 7 : la mise en place d’un cadre particulier et l’apparition d’un chant
Vers 1 à 3 : Un cadre inquiétant
-mise en place d’un cadre naturel et nocturne propice à la rencontre et à la promenade
amoureuse : champ lexical de la nature et de la nuit : « nuit », « lune » (promenade amoureuse au
clair de lune), « vert », « massif » => cadre qui pourrait être une invitation à la promenade ou la
rêverie.
Rappelle le locus amoneus, le cadre bucolique cher aux romantiques et que l'on retrouve dans
les poèmes lyriques.
– cadre qui peut sembler agréable avec l’apparition d’un chant : on note l’anaphore de
l’expression « un chant » vers 1 et 4 qui donne un aspect musical au poème.
=> cadre doux et
qui pourrait au premier abord paraître apaisant
–
MAIS dans ce cadre sont introduits de nombreux éléments péjoratifs et inquiétants :
- atmosphère étouffante : « nuit sans air » (fait écho à la date finale qui renvoie à la chaleur étouffante
des nuits d’été : « juillet »)=> impression de malaise et d’oppression
Double sens « nuit sans air » = nuit silencieuse, silence qui peut être étrange ou triste.
- rupture avec le tiret qui annonce une ambiance inquiétante : brutalité du verbe « plaquer » et
l’expression « métal clair » : éclairage brutal, violent, froid à l’image des consonnes occlusives [ p, k ,
t] (vers 2 et 3).
- insistance sur l’obscurité : « nuit », « vert sombre »
- A noter que les « découpures du vert sombre » peuvent renvoyer aux arbres dont les formes se
détachent dans la nuit + annonce la couleur du crapaud + on entend aussi les « vers » poétiques
qui se « découpe(nt) » par leur syntaxe (rythme particulier avec interruption des tirets, points de
suspension) et sont qualifiés de « sombre(s) » pour annoncer l'échec final.
Vers 4 à 5 : Apparition du chant
- on retrouve l’évocation du chant, déjà annoncée au vers 1, mais qui avait été interrompue par le tiret
et la mise en place d’une atmosphère inquiétante.
Les points de suspension des vers 1 et 4 semblent
ainsi se répondre et se compléter.
- l’anaphore sur le mot « chant » permet ainsi d’insister sur son importance et de le mettre en valeur.
Rappelons le lien entre la poésie et le chant lyrique notamment celui d’Orphée capable par ses chants
et sa lyre de charmer les humains et les animaux (comme Cerbère) pour aller chercher Eurydice dans
les Enfers ».
Le chant vient introduire de la beauté dans cette atmosphère lugubre.
-comparaison « comme un écho » : idée d’un chant infini qui peut toucher tout le monde.
Cet écho est
d’ailleurs mimé par l’anaphore (= c'est un écho au 1er tercet).
- oxymore « vif » / « enterré » et enjambement v4 et 5 : paradoxe d’un chant qui vient d’en bas, des
profondeurs, de la boue « enterré ».
Insistance sur l’idée de profondeur avec les termes « enterré » et
« sous le massif » // métaphore d’une certaine forme de poésie : un chant qui provient de la boue.
Vers 6 : Prise de parole du poète > double invitation avec impératif « viens », de la dame aimée
suppose-t-on et du lecteur, à venir découvrir l'origine du chant.
Le silence précède le dévoilement.
Ce
chant de l'ombre rappelle l'image du poète-crapaud maudit qui se cache.
Rythme lent qui créé une
forme de suspense.
=> Le poète installe un cadre bucolique, mais à y regarder de plus près ce cadre dur et
oppressant vient prendre le contre-pied du cliché romantique (la promenade au clair de lune)
des poèmes lyriques.
Il en est de même avec l’idée d’un chant qui provient, non pas d’une
inspiration divine, mais des profondeurs, de la boue.
MOUVEMENT 2 : vers 7 à 10 : La découverte du crapaud et les réactions du couple.
- l'apparition du « crapaud » vient apporter un nouvel élément inquiétant en total désaccord avec le
cliché de la promenade romantique.
Ainsi, on trouve des vers très hachés rythmiquement ( ex vers 6 :
3 / 1/ 2 / 2) qui rompent totalement avec la musicalité inhérente au registre lyrique des poèmes
romantiques.
- on note par la suite deux réactions opposées face à la découverte du crapaud qui vont briser
l'harmonie du couple :
→ la réaction de la femme....
»
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