L'IMAGE DE LA FEMME DANS LA POESIE NEGRO AFRICAINE
Publié le 19/01/2024
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ZOUNGRANA Moumouni
Université de Ouagadougou Unité de Formation et de Recherche en
Lettres, Arts et communication (UFR/LAC)
Département de Lettres Modernes
[email protected]
L’IMAGE TRADITIONNELLE DE LA FEMME
A TRAVERS LE PROVERBE MOAAGA.
Revue Africaine d’Anthropologie, Nyansa-Pô, n° 18- 2015
RÉSUMÉ
Les Moose, ethnie de la famille voltaïque estimée à plus de 48% de
la population du Burkina Faso, seraient venus du Ghana notamment
de Gambaga.
Ils occupent aujourd’hui la région du centre, du
centre-nord, du centre-ouest et du nord du pays.
Société à tradition
orale, l’ensemble des valeurs et des connaissances accumulées
depuis les temps immémoriaux sont conservées et transmises par
la parole.
A travers les textes oraux générés par ce peuple on peut
appréhender les réalités socioculturelles de ces derniers.
Ainsi, à
partir des proverbes par exemple, on peut saisir l’image qui est
réservée à la femme traditionnelle dans ce milieu.
Un parcours rapide
de notre corpus nous donne, à première vue, l’image d’une femme
moaaga1 soumise et sans initiative.
Elle est considérée comme un
être énigmatique et immature et doit, de ce fait, vivre sous tutelle.
Cependant, on constate que cette image n’est que superficielle, car
c’est à partir de la femme que l’homme acquiert son statut.
Son
accession au rang d’adulte est en partie liée à la femme.
Perçue
comme mère et bonne conseillère, elle est le pilier du foyer.
A travers
les proverbes, on constate donc que la femme occupe une place
importante dans la société traditionnelle moaaga et bénéficie d’un
statut meilleur à celui que le profane lui réserve souvent.
Mots-clés : Proverbes, Moogo, Moose, Femmes, Image de la femme.
1- Moaaga est le singulier de Moose.
zoungrana moumouni
ABSTRACT
The Moose, an ethnic group of the Voltaic family is rated well over
48%2 of the population in Burkina Faso and is said to have migrated
from Ghana, notably from Gambaga.
Their areas of settlement
nowadays are the center, north center, center west, and the north of
the country.
As a society relying on oral tradition, all their old values
and experiences are bequeathed by words of mouth.
Subsequently,
their oral texts are adequate means to apprehend their socio-cultural
realities.
Thus, through proverbs for instance, we can picture out
the traditional woman of this milieu.
A glance at our corpus readily
displays the image of a submissive Moaaga woman deprived of any
initiative.
Considered as an enigmatic and immature being, she is
culturally bound to live under tutelage.
Yet, an in-depth analysis
reveals that this perception is outrightly superficial for malehood
proceeds from femalehood.
The former’s maturity, nay his manhood,
hinges upon the latter’s.
Regarded as a mother and a good counselor,
she is the cornerstone of family life.Through proverbs, women, as it
stands out, play a momentous role in the Moaaga society and enjoy
a better status than can meet the eye.
Key words: Proverbs, Moogo, Moose, Women, Image of woman.
INTRODUCTION
Reléguée au second rang, maltraitée et violentée, le sort réservé à la
femme est peu enviable.
Si dans les sociétés traditionnelles africaines,
elle est victime de la polygamie, du mariage forcé, de crime d’honneur
et de la clitoridectomie, dans les sociétés modernes l’ascendance
de l’homme sur la femme est également perceptible notamment
dans le traitement salarial et l’accès à l’emploi.
Que ce soit dans les
sociétés rurales ou citadines, européennes ou africaines, modernes
ou traditionnelles, la femme se révèle être le souffre-douleur de son
milieu.
Ce traitement réservé à la femme ne laisse pas insensibles
les hommes de lettres.
Dans la littérature écrite tout comme orale,
les thèmes relatifs à la femme font l’objet de plusieurs réflexions.
Dans le présent travail, nous avons choisi de nous intéresser à la
femme et aux proverbes dans le milieu moaaga.
Il s’agit, dans cette
réflexion, d’examiner les questions suivantes : Peut-on, à partir des
2- Source : Primary school fifth year geography book.
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Rev Afr Anthropol (Nyansa-Pô), N°18 - 2015
l’image traditionnelle de la femme à travers le proverbe moaaga.
proverbes, appréhender l’image que les Moose se font de la femme ?
Quelle appréciation peut-on faire de cette image ? Est-elle valorisante
ou dévalorisante ? Comment la société traditionnelle moaaga conçoit
la femme ? Quelle est la place de celle-ci dans la communauté et la
mission qu’on lui assigne ? Pour répondre à cette problématique,
nous avons opté pour une démarche basée sur des entretiens de
terrain complétée d’une étude documentaire et analytique.
Dans ce
sens, Nous avons pu, à partir des rencontres fortuites et des séances
de causeries, constituer un corpus d’un échantillon de proverbes
collectés au cours du dernier trimestre de l’année 2012 dans la
localité de Sabcé.
Quant à l’étude documentaire et analytique, nous
nous sommes inspiré des travaux de Jean Cauvin avec son œuvre
intitulé «Comprendre les proverbes» (Cauvin 1981) de Dim Delobsom
avec « L’empire du Mogho-Naba : coutumes des Mossi de la HauteVolta » (Ouédraogo 1933) et de Marie-Denise Riss avec: « Femmes
africaines en milieu rural » (RISS M.D., 1989).
L’ouvrage de J.
Cauvin
se présente comme un guide pédagogique.
Il montre comment étudier
les proverbes à travers trois méthodes d’approche : la méthode des
thèmes, la méthode structurale et celle thématico-structurale.
Dim
Delobsom présente l’organisation administrative de l’empire du
Moogo3.
Il aborde les coutumes des Moose et achève ses travaux par
un recueil de devinettes et de proverbes.
Quant à Riss, elle passe
en revue les valeurs défendues par le monde traditionnel et montre
leurs impacts sur le quotidien de la femme africaine.
D’autres auteurs qui ont élaboré des recueils de proverbes suivis
d’explications ont été également abordés.
Il s’agit principalement de
Ngbaka-Ma’Bo et de Doris Bonnet avec leurs œuvres respectives :
« contes, proverbes, devinettes ou énigmes, chants et prières »
(Ngbaka 1970) et « Proverbes et contes Mossis » (Doris, Ouédraogo,
Bonogo 1982).
Toute cette revue de littérature nous a permis de comprendre
que les Moose sont venus du Ghana et seraient les descendants de
Ouédraogo, fils d’une princesse amazone du royaume de Gambaga.
C’est une société à tradition orale qui se sert des genres oraux pour
perpétuer leurs patrimoines culturels.
Les proverbes, considérés
comme des vérités séculaires conçues à partir des expériences du
3- Moogo territoire occupé par les Moose.
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passé, sont beaucoup usités par les adultes dans ce milieu.
Ce sont
des paroles enrobées volontairement pour exprimer la pensée sans
utiliser le langage courant et habituel.
Ils renseignent sur les valeurs
promues par la société et permettent, de ce fait, de mieux découvrir
les communautés qui les ont engendrés.
En écoutant les proverbes
Moose par exemple, deux images ambivalentes que nous verrons
dans les lignes suivantes se dégagent.
I- IMAGES PÉJORATIVES DE LA FEMME
A travers les proverbes, on constate que beaucoup de stéréotypes
avilissants sont liés à l’image de la femme du fait de son statut.
Elle
est perçue comme un être énigmatique, dépendant et immature.
La femme comme un être énigmatique
La vie de couple n’est pas souvent aisée.
Les querelles sont
légions et certains maris ont de la peine à conserver leurs épouses
qui finissent par fuguer.
Pour prévenir cette cohabitation difficile,
les anciens conseillent aux plus jeunes la patience afin de mieux
découvrir leur conjointe car une femme n’est jamais définitivement
acquise.
Considérée comme une étrangère, elle peut du jour au
lendemain quitter le foyer pour un autre où elle se sent mieux
comprise.
C’est d’ailleurs ce que souligne le proverbe n°1 : « Pag yaa
toorẽ wande b pa mιι a yιkr daar ye ».
(La femme est semblable à la
tourterelle près d’un mortier, nul ne sait quel moment elle s’envolera).
La tourterelle est un oiseau qui sait profiter des grains tombés lors du
pilage.
Elle est loin de son milieu naturel.
Tout comme la tourterelle
qui cherche sa pitance et qui se sauvera à la moindre alerte, les
Moose pensent que la femme peut également déserter le foyer à
tout moment.
Société pratiquant l’exogamie avec une résidence
virilocale dans le mariage, on considère que chez le mari, la femme
n’est pas chez elle.
C’est une étrangère qui peut s’envoler à l’image
de la tourterelle.
En tant qu’étrangère, elle est donc énigmatique car
inconnue et de la famille et du mari.
Conserver donc son épouse
après le mariage est une quête permanente et une lutte constante
dont aucun mari ne peut prédire l’issue.
Cette mentalité du Moaaga
qui fait de la femme un volatile difficile à domestiquer et à dompter
est motivée par la fréquence des fugues chez les femmes.
La majorité
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l’image traditionnelle de la femme à travers le proverbe moaaga.
des mariages ayant été contractée sans le consentement de la fille
et même souvent du jeune garçon, celle-ci obéit malgré elle aux
injonctions du père afin d’éviter le bannissement du clan, tout en
nourrissant le secret espoir de rejoindre au moindre prétexte l’élu de
son cœur.
Comme le mariage a été consommé, les parents géniteurs
déclinent toute responsabilité car la sexualité de la fille dont ils....
»
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