LES PAUVRES Georg Simmel Compte rendu de lecture
Publié le 26/04/2022
Extrait du document
«
LES PAUVRES
Georg Simmel
Compte rendu élaboré .
Préface de Serge Paugam
Le texte de Georg Simmel sur la pauvreté, édité pour la première fois en langue française, présente plusieurs
intérêts.
Il clarifie tout d’abord les problèmes de la définition de la pauvreté et permet de comprendre les modes
de constitution de la catégorie des pauvres et les liens qui la rattachent à la société comprise comme un tout.
L’approche constructiviste de Simmel est rigoureuse et heuristiquement féconde : elle rompt avec toutes sortes
de conceptions naturalistes ou substantialistes encore en vogue dans les débats scientifiques et politiques actuels
et toujours enracinées profondément dans la sociologie spontanée.
Il peut être considéré en cela comme le point
de départ de la sociologie de la pauvreté.
Il ouvre en même temps des perspectives de théorie sociohistorique des
modes de régulation du lien social.
Ce texte, traduit en français quatre-vingt-dix ans après sa première édition en allemand a eu beaucoup
d’influence sur la sociologie américaine (Park avec ses travaux sur la marginalité, Stonequist et son concept
« d’homme marginal », Herbert J.
Gans sur les fonctions de la pauvreté aux USA, entre autres).
En France,
l’approche de Simmel a également inspiré des travaux récents, en particulier sur le processus de disqualification
sociale (Paugam, La disqualification sociale).
Quelques facettes méconnues d’une œuvre théorique peu orthodoxe
Depuis la mort de Simmel en 1918, ses écrits constituent une sorte de « mine » apparemment inépuisable, dans
laquelle nombre de sociologues, philosophes, ou historiens ont puisé quelques éléments essentiels de leurs
constructions théoriques.
L’usage multiple et peu cohérent fait de cette œuvre semble être facilité sinon
prédisposé par le caractère kaléidoscopique de la sociologie de Simmel et par la pluralité presque exotique des
objets et thèmes étudiés (l’étranger, la prostitution, la gratitude, l’argent, Michel Ange, la psychologie des
femmes, la discrétion, la mode, la philosophie de la domination, etc.).
L’hétérogénéité de l’œuvre simmelienne semble trouver sa raison d’être dans toute une série de
conversions et de reconversions, menant ce père fondateur de la sociologie allemande d’une réception plus ou
moins orthodoxe de la sociologie positiviste de Spencer à une philosophie de la vie inspirée par Bergson (auteur
révélé au public allemand par Simmel lui même), en passant par une construction théorique autonome autour du
paradigme des « interdépendances sociales » qui constitue une façon originale de penser le social de manière
radicalement relationnelle.
La réception française de Simmel s’est faite, comme d’ailleurs presque tous les échanges entre les
cultures sociologiques française et allemande, de manière réticente, ambiguë, et trop souvent même de manière
déformante.
Durkheim est plutôt critique vis à vis de l’œuvre de l’allemand.
Néanmoins, Célestin Bouglé
contribue à introduire sa sociologie en France.
Simmel était, en réalité, plus présent dans le discours
sociologique français au tournant du siècle qu’après la seconde guerre mondiale et ce n’est que récemment que
les lacunes et les retards les plus notables de la réception de son œuvre ont commencé à être comblés.
La
réception de la sociologie de Simmel en France s’inscrit largement dans les clivages entre sociologies allemande
et française de l’époque.
La référence et la révérence à la sociologie allemande a d’ailleurs, pendant longtemps et
surtout dans la génération des années 30, été un moyen privilégié pour certains sociologues français de marquer
leur opposition à la pensée sociologique durkheimienne dans ses différentes variations historiques (dans
l’entourage de Raymond Aron en particulier).
En revanche, Simmel représente aux USA un des auteurs
classiques de la sociologie européenne.
Vers le tournant du siècle, Simmel prit ses distances par rapport à la sociologie et commença à se définir
comme philosophe.
Cette conversion ne se réduit pas à la rencontre avec la bergsonisme.
Il faut y voir, au moins
partiellement, l’effet de la crise profonde du champ universitaire en général, et du champ de la sociologie
allemande en particulier (qui touche les conditions de vie du mandarinat et son statut social dans un climat
d’antimodernisme et de pessimisme culturel).
C’est pour cela que afin de mieux saisir quelques unes des particularités de l’œuvre sociologique de
Simmel et afin de comprendre sociologiquement l’intérêt de celle-ci pour le phénomène de la marginalité, il
semble nécessaire d’avoir recours à l’analyse du champ universitaire allemand de l’époque.
Celui-ci était
caractérisé par un antisémitisme ouvert et l’exclusion de bon nombre de titres et de postes dans le service public
en général et le domaine universitaire en particulier.
Selon Stonequist (The marginal man), les juifs
représenteraient le prototype même de cette condition de marginalité.
Les juifs étaient, selon lui, prédestinés à la
fois pour une distanciation réflexive par rapport au monde quotidien et pour une rupture radicale et durable avec
les fausses évidences du « ca va de soi » de la vie ordinaire.
Ce type de personnalité et de trajectoire, à la fois
individuelle et collective, semble particulièrement bien s’appliquer à Simmel.
Faisant partie du champ tout en
n’y étant que de manière provisoire, sorte membership on révocation, comme dit König, ces sociologues non pas.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Compte rendu de lecture: MARTIN HEIDDEGER ET SON OUVRAGE : Etre Et Temps
- LECTURE LINÉAIRE 12 « Mémoires d’une âme » « Melancholia », Les Contemplations, (1856), Victor Hugo
- lecture de l'incipit de Bouvard et Pécuchet de Flaubert
- Fiche de lecture - Les Globalisations, P.N Giraud
- Argument lecture linéaire sur la princesse de clèves - scène d'aveu et caractère exceptionnel des personnages