La Diane Française, Aragon Analyse
Publié le 07/10/2023
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«
La Diane Française, Aragon
Analyse
L’auteur :
Né à Paris en 1897, Louis Aragon manifeste très tôt un goût pour l'écriture.
EÀ
la fin des années 1920, il s'inscrit au parti communiste et rencontre Elsa
Triolet, qui deviendra sa femme.
Il s'éloigne alors du surréalisme et s'engage
dans l'action politique.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il entre dans la
Résistance et publie clandestinement, aux côtés de Pierre Seghers, plusieurs
recueils de poèmes.
Après la Libération, Aragon poursuit son œuvre
romanesque et poétique tout en restant un écrivain engagé.
Il meurt à Paris en
1982.
Cinq de ses recueils ont été publiés aux Éditions Seghers.
L’histoire :
Des poèmes devenus le symbole de la résistance littéraire en France.
Composés entre 1941 et 1944, ces poèmes sont indissociables des
circonstances dans lesquelles ils furent écrits, publiés et diffusés.
En effet, si
certains ont été édités légalement, d'autres échappent à la censure de Vichy en
paraissant dans des revues clandestines, sous des pseudonymes (François la
Colère ou Jacques Destaing).
Avec ce recueil, le poète bat la " diane " et tente de réveiller les Français
endormis, comme l'avait fait avant lui Victor Hugo dans Les Châtiments.
Il
prend également appui sur une tradition remontant aux troubadours de langue
d'oc, qui faisaient alterner le parler clair, destiné aux témoins des événements,
et le parler clos, réservé aux initiés.
Dans l'un et l'autre cas, Aragon veut
convaincre ses compatriotes d'entrer dans une lutte commune et juste qui
mobilise "toute sa lyre".
Le recueil s’ouvre sur un texte en prose, « O mares sur la terre au soir de mon
pays…», où Aragon dresse le portrait d’une France engagée dans la Seconde
Guerre mondiale, dont le peuple prend enfin conscience de la notion de «
patrie ».
Il rend hommage aux travailleurs français, notamment aux ouvriers et
aux artisans, puis s’emploie à décrire un peuple qui ne se souciait pas de son
pays.
Il évoque le souvenir encore vif de la Première Guerre mondiale, avec
son cortège de martyrs et son lot de sacrifices.
Dénonçant ceux qui réduisent
la patrie à un passeport ou qui lui préfèrent la puissance de l’argent, Aragon
rappelle ensuite l’histoire du peuple de France, incarnée par le personnage et
les exploits de Vercingétorix.
Face à la nouvelle guerre, se fait jour parmi les
Français, «soudain promus au martyre ou à l’héroïsme», une prise de
conscience guidée par la volonté de vaincre et le son de la diane, roulement de
tambour appelant à l’éveil de la patrie.
Ce que j’ai aimé :
Ces poèmes d’Aragon sont un acte de résistance : rédigés entre 42 et 44 sous
l’occupation, ils chantent l’amour de la France libérée de ses scories
allemandes.
Aragon ne concevait pas d’art en dehors des circonstances, pour
lui, il était essentiel de témoigner, de lever les masses pour lutter contre
l’oppression nazie.
« Il faut libérer ce qu’on aime
Soi-même, soi-même, soi-même » (Marche française)
S’il évoque la femme aimée, c’est pour la comparer à la France bafouée
« Il n’y a pas d’amour qui ne soit à douleur
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit meurtri
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l’amour de la patrie
Il n’y a pas d’amour qui ne vive de pleurs » (Il n’y a pas d’amour heureux)
Pour déjouer la censure, Aragon utilise des mythes et des légendes
médiévales, des figures nationales comme dans la littérature de « contrebande
» du Moyen-Age, il crypte les messages.
Les héros de la résistance comme
Gabriel Péri sont comparés aux chevaliers du Moyen-Age :
« Ce poème, écrit pour le second anniversaire de la mort de Gabriel Péri,
publié illégalement, relève vraiment de la légende et non de l’histoire : en
effet, ce n’est pas à Ivry, mais à Suresnes et dans une tombe enregistrée et
non pas dans la fosse commune que Péri est enterré.
L’auteur, alors dans
l’illégalité, n’a pourtant inventé aucun de ces détails, ni l’histoire, peut-être
controuvée, des hortensias bleus ; mais déjà la tradition orale avait porté
jusqu’à lui moins de deux ans après la mort du martyr cette version déformée
par quoi naît une légende aujourd’hui comme au temps de la Chanson de
Roland, des Troubadours et des poèmes transmis de bouche en bouche à
travers une France alors comme aujourd’hui dévastée et livrée aux soudards et
aux chimères.» (Légende de Gabriel Péri)
« Trouver des mots à l’échelle du vent
Trouver des mots qui pratiquent des brèches
Dans le sommeil comme au soleil levant
Des mots qui soient à nos soifs une eau fraîche » (Je ne connais pas cet
homme)
La vocation du poète est de « Trouver des mots que personne n’oublie » (Je ne
connais pas cet homme), et nous n'oublierons pas ces mots...
Ce que j’ai moins aimé :
Certains poèmes sont plus hermétiques que d’autres –et pour cause-, ils
demandent une étude plus approfondie pour être pleinement appréci
Poèmes par poèmes :
«Prélude à la Diane française» : Aragon commence par dresser le portrait de
l’homme français,
«floué roué troué meurtri», mais continuant à lutter pour résister à l’ennemi et
échapper aux «rapaces» soutenus par les «mains corrompues» des traîtres.
Face à un ennemi violent qui ne connaît que le langage des armes et de la
destruction, Aragon appelle à « chasser la bête fauve et sa chienne la
trahison ».
Guidé par le chant des Francs-Tireurs de France, le peuple français
doit se réveiller, former ses bataillons et apparaître comme une « grande force
populaire, unie et plus pure qu’avant ».
« Six tapisseries inachevées » : Six strophes sont suivies d’un court texte final
présenté comme « la septième tapisserie ».
Dans un monde de souffrances et
de larmes, Aragon trouve refuge dans les couleurs du drapeau français,
symbole « de ciel de neige et de sang », et se compare à Lancelot retrouvant
sa dame France.
Dans le texte final, le poète décrit un peuple d’hommes
d’armes et de héros, se réveillant au « grand cri » de la résistance et
retrouvant vie dans « la déchirure de l’espoir ».
« La Rose et le Réséda » : Dédié à la mémoire de Gabriel Péri, Honoré
d’Estienne d’Orves, Guy Môquet et Gilbert Dru, quatre résistants français
fusillés par les Allemands, ce poème est un hommage aux martyrs et un appel
à l’union du peuple français, annoncée dès le titre avec l’association des deux
fleurs que sont la rose et le réséda, symboles respectifs du communisme et du
royalisme.
Puisant dans le modèle de la chanson de geste médiévale, Aragon
associe la France à l’image d’une « belle prisonnière » que deux hommes, un
chrétien et un athée, tentent de délivrer des mains de soldats ennemis.
Unis
dans ce « combat commun », les résistants laissent tomber leurs différences
idéologiques pour l’amour partagé de la patrie.
Arrêtés puis emprisonnés, ils lui
restent fidèles jusqu’au moment de leur exécution.
Pour Aragon, le sang de ces
martyres irrigue la terre de France pour perpétuer l’idéal de la résistance et
unir le pays autour de l’espoir de la libération.
« Je ne connais pas cet homme » : Le titre de ce poème fait référence aux
paroles prononcées par saint Pierre devant ceux qui disaient l’avoir vu avec
Jésus.
Utilisant cette symbolique religieuse, Aragon dénonce le silence du
peuple face aux souffrances des martyrs et y voit une trahison de l’identité
française.
Pour le poète, l’acte de résistance nécessite de retrouver des mots
puissants pour reconnaître les sacrifices des martyrs, clamer l’amour de la
patrie et espérer en la liberté.
« Le drôle de printemps » : Aragon dresse le portrait d’une France écrasée
sous le poids de l’Occupation en mai 1941.
Dans un pays à la « beauté
blafarde », dominé par les scènes de misère et de désolation, le peuple de
France doit affronter une nouvelle vie « où tout est si bizarre ».
Évoquant
plusieurs fois l’alouette, Aragon appelle à un éveil de la force populaire, incarné
par l’image d’un chevalier déterminé s’apprêtant à se sacrifier pour délivrer la
terre occupée.
« Lyon les mystères » : Ce poème écrit au printemps 1943 rend hommage à la
ville de Lyon, capitale de la résistance où Aragon a lui-même vécu en
compagnie d’Elsa Triolet.
Le poète décrit un espace urbain dominé par l’ombre
de la mort et étouffé sous le couvre-feu imposé par l’ennemi.
Néanmoins,
l’âme de la ville demeure intacte, à la fois incarnée par « la respiration voisine
des usines » et défendue par les mouvements nocturnes des résistants
déroulant « leur crosse au soleil de minuit ».
« Il n’y a pas d’amour heureux » : Dans ce poème élégiaque, Aragon dépeint
l’amour de la patrie comme un idéal inaccessible, dominé par la souffrance et
la douleur.
Il rappelle l’instabilité de la condition humaine et représente la vie
comme « un étrange et douloureux divorce » entre les intentions et les actes,
les paroles et....
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