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[Freud, Une difficulté de la psychanalyse, 1917, in L’Inquiétante Étrangeté et autres essais, Folio, 1985, p. 186.]

Publié le 15/11/2023

Extrait du document

« Commentaire sur le texte de Freud Le psychique en toi ne coïncide pas avec ce dont tu es conscient ; ce sont deux choses différentes, que quelque chose se passe dans ton âme, et que tu en sois par ailleurs informé.

Je veux bien concéder qu’à l’ordinaire le service de renseignements qui dessert ta conscience suffit à tes besoins.

Tu peux te bercer de l’illusion que tu apprends tout ce qui revêt une certaine importance.

Mais dans bien des cas, par exemple dans celui d’un conflit pulsionnel de ce genre, il est en panne, et alors, ta volonté ne va pas plus loin que ton savoir.

Mais dans tous les cas, ces renseignements de ta conscience sont incomplets et souvent peu sûrs ; par ailleurs, il arrive assez souvent que tu ne sois informé des événements que quand ils se sont déjà accomplis et que tu ne peux plus rien y changer.

Qui saurait évaluer, même si tu n’es pas malade, tout ce qui s’agite dans ton âme et dont tu n’apprends rien, ou dont tu es mal informé ? Tu te comportes comme un souverain absolu, qui se contente des renseignements que lui apportent les hauts fonctionnaires de sa cour, et qui ne descend pas dans la rue pour écouter la voix du peuple.

Entre en toimême, dans tes profondeurs, et apprends d’abord à te connaître, alors tu comprendras pourquoi tu dois devenir malade, et tu éviteras peut-être de le devenir. C’est ainsi que la psychanalyse a voulu instruire le moi.

Mais ces deux élucidations, à savoir que la vie pulsionnelle de la sexualité en nous ne peut être domptée entièrement, et que les processus psychiques sont en eux- mêmes inconscients, ne sont accessibles au moi et ne sont soumis à celui-ci que par le biais d’une perception incomplète et peu sûre, reviennent à affirmer que le moi n’est pas maître dans sa propre maison. [Freud, Une difficulté de la psychanalyse, 1917, in L’Inquiétante Étrangeté et autres essais, Folio, 1985, p. 186.] Introduction : Le texte intitulé « Une difficulté de la psychanalyse » est extrait de l’ouvrage L’Inquiétante Etrangeté et autres essais de Sigmund Freud publié en 1917.

Freud (1856-1939), médecin autrichien, n’est autre que l’inventeur de la psychanalyse, une méthode thérapeutique qui explique le fonctionnement du psychisme humain et qui fonctionne grâce à la parole et au souvenir. Le thème traité par ce texte est le « moi » face à l’Inconscient, l’Inconscient étant la notion inventée par Freud pour désigner l’ensemble des phénomènes psychiques qui sont rejetés hors de la conscience. Dans cet extrait, Freud est confronté à la question « Le « moi » est-il une entité consciente régissant et contrôlant le psychisme humain ou n’est-il qu’un simple élément tiraillé entre interdits et pulsions émanant de l’Inconscient ? ». Habituellement désigné par le sujet ou la conscience, pour Freud, le « moi » est une instance régulatrice de la personnalité qui permet au sujet de s’équilibrer entre les pulsions du « ça », élément de l’Inconscient, et les interdits de la réalité relatifs au « surmoi ».

Par conséquent, le « moi » doit s’adapter aux influences de l’Inconscient. Ce texte est composé de trois parties distinctes.

Dans la première (l1 à 9), Freud s’adresse au « moi » et lui explique que ses connaissances sont limitées face à l’Inconscient : il affirme que le savoir détenu par le « moi » est infime et parfois erroné.

Dans une seconde partie (l9 à 18), l’auteur compare le « moi » à un roi qui néglige son peuple et démontre son impuissance à empêcher l’existence et l’arrivée de pulsions émanant de l’Inconscient.

Dans une dernière partie (l19-24), Freud résume ses affirmations en énonçant sa thèse selon laquelle le « moi » ne contrôle pas complètement l’esprit humain et doit se soumettre à certains mécanismes de l’Inconscient. Développement : Dans la première partie du texte, Sigmund Freud s’adresse au « moi » pour lui expliquer que les informations qu’il détient ne sont en rien indubitables et exhaustives. Dans la première phrase (l1-3), Freud distingue le fait qu’un évènement ait lieu dans le psychisme, désigné ici par le mot « âme », et le fait d’être conscient de cet évènement.

Le psychisme humain, comme le « moi », est composé d’une partie consciente et d’une partie Inconsciente, qui est composée d’éléments refoulés et qui peuvent parfois remonter à la conscience.

Freud affirme qu’être « conscient » d’un évènement psychique ne signifie pas être conscient de tous les évènements psychiques qui peuvent avoir lieu car « ce sont deux choses différentes ».

Il explique d’ailleurs cette nuance en s’adressant au « moi » à la deuxième personne du singulier (« toi », « tu », « ton »), si bien que ce n’est que dans la troisième partie du texte que l’auteur affirme explicitement qu’il s’adresse au « moi » dans les deux premières parties.

Freud peut exprimer plus clairement ses idées en les dévoilant sous la forme d’un discours adressé au « moi ».

Il souligne de manière plus prononcée le fait que le « moi » ne peut posséder toutes les informations sur le psychisme humain puisqu’il existe des sensations et des pensées qu’il ne peut percevoir, car elles n’appartiennent pas à la conscience.

Par conséquent, la quantité de données dont le « moi » est réellement « informé » est reste relative : il possède toutes les connaissances conscientes, mais n’a pas accès à celles de l’Inconscient. Dans la seconde phrase (l3-4), l’auteur nuance ses propos en admettant que des connaissances acquises par la partie consciente du « moi » peuvent être suffisantes parfois.

En effet, Freud « veux bien concéder » (sic) que le « service de renseignements » utilisé par le « moi » soit acceptable pour ses « besoins ».

L’auteur admet que le « moi » acquière, grâce à sa conscience, des connaissances utiles pour pouvoir vivre en société, qui est le principal des besoins d’un sujet.

La métaphore du « service de renseignements » utilisée par Freud désigne en fait tous les éléments qui appartiennent à la partie consciente du « moi », ce qui peut être le cas pour certains éléments provenant de la partie consciente du « surmoi » : celles qui indiquent quelles sont les règles à respecter et les interdits à ne pas commettre pour vivre en société.

Toutefois, ces informations ne suffisent « qu’à l’ordinaire » et il survient des moments durant lesquels ces connaissances, provenant de la partie consciente du « moi », seraient trop infimes et inadaptées à la situation. C’est d’ailleurs cette observation que Freud va développer dans la phrase suivante (l4-6).

L’auteur annonce que le « moi » s’illusionne sur sa propre condition et n’est pas instruit de toutes les connaissances et évènements de l’esprit.

En effet, celui-ci n’a accès qu’aux perceptions et pensées conscientes, éléments qui d’après le « moi » « revêt une certaine importance », alors que ceux-ci ne constituent qu’une faible portion de tous les évènements qui se déroulent dans le psychisme.

Ainsi, Freud montre que le « moi » croit tout connaitre à travers les éléments conscients qu’il peut percevoir, sans prendre en compte l’Inconscient.

Or, il s’agit d’une situation illusoire, une chimère ou une vision utopique sur la condition de supériorité que le « moi » s’est attribué. Freud précise d’ailleurs les propos précédents en citant un exemple dans la quatrième phrase du texte (l6-8).

L’auteur prend l’exemple d’un « conflit pulsionnel » qui pourrait en quelque sorte endommager la partie consciente « moi » ou du moins la rendre défaillante.

Il s’agirait d’une pulsion de vie ou de mort refoulée dans l’Inconscient qui tenterait de remonter vers la conscience et donc contraindrait le « moi » à être comprimé entre la volonté de respecter les interdits du « surmoi » et celle de laisser s’exprimer la pulsion du « ça » qui le submerge.

Freud souligne d’ailleurs que ce genre d’évènement est très fréquent grâce à la formule « dans bien des cas ».

Dans ce genre d’éventualité assez courante, le « moi » se retrouve donc dans une position délicate puisque tout son « savoir » se base sur des éléments de la conscience et il se retrouve face à l’Inconscient, élément dont il ignore tout.

Il doit concilier les pulsions inconscientes qui remontent et les exigences de la réalité, c’est-à-dire des éléments complètement antagonistes.

Par conséquent, la « volonté » du « moi » de lutter contre une telle pulsion inconnue se retrouve défiée.

Le sujet devra résister ardemment lors d’un conflit psychique de ce type, mais ses efforts peuvent engendrer certains comportements symptomatiques incontrôlables et dérangeant. Dans la dernière phrase de cette partie (l8-9), Freud conclut sur une affirmation : les informations que possède le « moi » ne sont pas complètement fiables et sont bien souvent insuffisantes.

L’auteur explique que les connaissances du « moi » acquises à travers sa partie consciente sont « incomplètes » et « peu sûres »..... »

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