Eco s'interroge sur le rôle du lecteur : comment coopère-t-il pour interpréter le texte ? comment les
Publié le 11/12/2022
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Eco s'interroge sur le rôle du lecteur : comment coopère-t-il pour interpréter le texte ? comment les
contraintes structurelles du texte régissent-elles l'interprétation ?
Umberto Eco, Lector in fabula Le rôle du lecteur ou la coopération interprétative dans les textes
narratifs
(traduction Par Myriam Bouzaher, Editions Grasset, 1979, 315 pages)
Compte-rendu de lecture établi par Martine Marzloff INRP.
Introduction
Umberto Eco expose le point de départ de sa recherche : il s’agit de s’interroger sur la façon dont
une œuvre d’art peut à la fois postuler une libre intervention interprétative et des caractéristiques
structurelles qui règlent l’ordre des interprétations ; cette question renvoie donc à une pragmatique
du texte ou esthétique de la réception.
Le projet visé par Lector in fabula est de traiter le phénomène de la narrativité exprimée
verbalement en tant qu’interprétée par un lecteur coopérant : il s’agit d’expliquer comment on
comprend un texte.
Texte et encyclopédie.
Umberto Eco rappelle qu’un texte a des propriétés qui ne sont pas celles d’une phrase ; en
conséquence, le texte ne peut être abordé uniquement à partir d’une grammaire de phrase : il faut,
par exemple, tenir compte de la situation d’énonciation pour prendre une décision interprétative.
Néanmoins, tout lecteur peut, à partir d’une phrase, inférer des situations d’énonciation possibles :
pour comprendre un texte, on ne se réfère pas uniquement aux règles d’une grammaire de l’énoncé.
C’est pourquoi la notion d’ « encyclopédie » est préférable à la notion de « dictionnaire ».
Fondements de la coopération textuelle.
Umberto Eco explique ensuite les notions de contexte et de co-texte ; il emploie le mot « contexte »
lorsqu’il y a co-occurrence avec d’autres termes d’un même système, et le mot « co-texte » lorsqu’il
y a concrètement co-occurrence avec d’autres termes : « les sélections contextuelles prévoient des
contextes possibles, lorsqu’ils se réalisent, ils se réalisent dans un co-texte ».
Ainsi, le drapeau
rouge peut référer, dans l’encyclopédie, soit au chemin de fer soit à une manifestation politique ;
selon les circonstances d’énonciation, le lecteur interprétera différemment ce terme.
Le sémioticien
précise ensuite que tout énoncé requiert un co-texte, lequel assigne à un lexème donné ses
possibilités de fonctionnement dans un texte donné.
Umberto Eco définit ensuite le texte comme une expansion d’un sémème : le texte est une «
machine paresseuse » qui exige un travail coopératif du lecteur pour remplir les « blancs ».
En
conséquence, le texte laisse ses contenus à l’état virtuel en attendant une actualisation par le
lecteur : le texte est toujours « réticent » car il présuppose une coopération interprétative.
Le problème, c’est que l’encyclopédie à laquelle se réfère le lecteur pour interpréter le texte est
inaccessible dans la mesure où, tout signe renvoyant à un autre signe, la régression est infinie : il
faut alors poser une limite logique à l’impossible exhaustivité.
Le lecteur modèle.
A partir de là, on peut envisager la direction dans laquelle orienter une pragmatique du texte : on
peut choisir de privilégier les circonstances d’énonciation, les rapports avec le co-texte, les
présuppositions mises en œuvre par l’interprète, le travail inférentiel d’interprétation du texte,
lequel impose le choix de limites, c’est-à-dire qu’une sémiosis doit devenir maniable.
Se pose alors la question du rôle du lecteur.
En effet, le texte doit être actualisé par le destinataire
puisqu’il est incomplet, tissu de « non-dit », de « blancs », d’interstices à remplir ; le lecteur doit
actualiser sa propre encyclopédie pour que le texte vive d’une « plus-value de sens » construite
par le lecteur.
Ainsi, le texte suppose une initiative interprétative du lecteur même si une marge
d’univocité est nécessaire.
Se pose alors la question de savoir comment le texte prévoit le lecteur.
En effet, la compétence du
destinataire peut être différente de celle de l’émetteur et, pour éviter les interprétations aberrantes, le
sort interprétatif du texte doit faire partie de son propre « mécanisme génératif » : le texte doit
mettre en œuvre une stratégie dont font partie les prévisions des mouvements de l’autre et les
événements fortuits ; ainsi, la carence encyclopédique du lecteur peut être prévue dans le texte.
L’auteur prévoit donc un lecteur modèle capable de coopérer à l’actualisation du texte ; c’est-à-dire
qu’il agit dans le texte de façon à construire ce lecteur modèle.
A ce propos, Umberto Eco souligne
la différence entre « textes fermés », qui ciblent un lecteur, et « textes ouverts », qui le contrôlent
moins.
w
Niveaux de coopération textuelle.
Auteur et lecteur apparaissent ainsi comme des stratégies textuelles : la coopération textuelle ne se
fonde pas sur les intentions des sujets empiriques, mais sur les intentions virtuellement contenues
dans l’énoncé.
Par exemple, le fait d’employer le mot « russe » plutôt que « soviétique » permet
d’activer une connotation idéologique particulière, laquelle doit être attribuée à l’intention de
l’auteur modèle, indépendamment de l’auteur empirique : « La coopération textuelle se réalise entre
deux stratégies discursives et non entre deux sujets individuels.
» Pour actualiser ces stratégies
discursives, le lecteur confronte la manifestation linéaire du texte au système de règles fournies par
la langue et par l’encyclopédie à laquelle cette langue renvoie.
Ce système renvoie à une
compétence encyclopédique ; ainsi en est-il, par exemple, des règles de co-référence.
Par ailleurs,
tout texte est lu par rapport à d’autres textes : il s’agit alors de compétence intertextuelle.
Dans une
culture donnée, le lecteur construit de inférences en fonction des scénarios intertextuels dont il
dispose.
Il ne privilégie que certaines propriétés, et en garde d’autres « sous narcose » : par
exemple, à partir du lexème « monsieur », le lecteur peut privilégier ou non les sèmes « mâle », «
anatomie », « pancréas »… selon le texte dans lequel il rencontre le lexème, traité d’anatomie ou
autre.
Les stratégies discursives.
Les stratégies discursives sont actualisées en fonction des « topics » textuels, qui orientent les
actualisations.
Par exemple, dans l’histoire du Petit Chaperon Rouge, le topic « rencontre....
»
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